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SAINT-OFFICE

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::>>in= de Saragosse, que Torquemada venait de

nommer grand inquisiteur d’Aragon, à la demande du roi Ferdinand. Ils réunirent de fortes sommes d’argent que fournirent de riches juifs de Saragosse, Tarragone, Calalayud, Huesca et Barbaslro, et chargèrent de l’exécution Jean de la Abadia, noble Aragonais descendant de juifs par les femmes. Celui-ci soudoya plusieurs conjurés, Jean d’Esperaindeo, Vidal d’Urauso, Mathieu Ram, Tristan de Leonis, Antoine Grau et Bernard Leofante.

Celui qu’ils visaient, l’inquisiteur Pierre Arbuès, r ssemblail moralement à Torquemada ; austère Lins sa vie, pieux, d’une vertu au-dessus de tout ioge et d’un zèle très grand pour l’orthodoxie, il s'était montré très rigoureux pour les judéo-chrétiens et en avait envoyé plusieurs au supplice. Prévenu du complot qui se tramait contre lui, il méprisa cet avertissement, souhaitant presque une mort qui ferait de lui un confesseur de la foi et un martyr. Dans la nuit du 15 septembre 1485, tandis qu’il chantait à genoux, devant l’autel majeur de la cathédrale, Finvitatoire de Matines, il fut frappé par plusieurs conjurés et mourut, deux jours après, de ses blessures. (Llorkntb I, pp.igo et suiv ; Grabtz, IV, pp. 404 et suiv. ; Bollandistrs, 15 septembre, vie du bienheureux Pierre Arbuès).

Commis en de pareilles circonstances, ce meurtre détermina, dans toute la ville, une grande effervescence du peuple qui approuvait l’Inquisition ; et l’archevêque de Saragosse, Alphonse d’Aragon, jeune fils du roi, dut parcourir à cheval la cité pour la calmer en promettant le châtiment des coupables. En constatant que cet assassinat était l’effet d’un complot dont les ramifications s'étendaient à plusieurs villes et jusqu'à l’entourage immédiat des souverains, Ferdinand estima la situation très grave, surtout lorsqu’il lui fut prouvé que les conjurés avaient trouvé asile auprès de son propre neveu, le prince Jacques de Navarre. C’est ce qui explique la rigueur de la répression ; plus « le 300 personnes, au dire de 1 historien juif Grætz, furent condamnées à divers supplices, dont plusieurs, il est vrai, ne furent exécutées qu’en effigie ; l’infant de Navarre lui-même fut emprisonné et soumis à une pénitence publique, avant d'être mis en liberté.

Cette répression ne réussit pas à rétablir l’ordre. Marranes et juifs riches, soutenus par les seigneurs qu’ils tenaient par l’argent, provoquèrent une succession de révoltes à Téruel, où, nous dit Llorente,

« il fallut toute la fermeté du roi pour les apaiser » ; 

à Valence, où la noblesse lit cause commune avec les Juifs, à Lérida, à Barcelone, à Majorque (14851487). Ces révoltes furent suivies d’exécutions ou autodafés en plusieurs villes, surtout à CiudadRéal.

Une autre cause vint encore aggraver les rigueurs de l’Inquisition et multiplier ses condamnations.

Le roi de Grenade Aboul-Hasan avait pris par surprise, dans la nuit du 36 au 27 décembre i/ » 81, la place de Zahara, mis à mort mille de ses défenseurs et tué ou réduit en esclavage toute la population. Ainsi recommença la guerre, plusieurs fois séculaire, entre Arabes et Chrétiens, mais, cette fois, ce fut pour aboutir, en 1 '192, à la prise de Grenade et à la suppression définitive de toute domination musulmane en Espagne. Or, c'était en terre musulmane

; jue se réfugiaient les Juifs et les Judéo-chrétiens

l’Andalousie, surveillés par l’Inquisition j et de là, d’accord avec les Arabes, ils conspiraient contre cur ancienne patrie. Aussi, lorsque les souverains catholiques eurent pris Grenade et porté à la puissance musulmane le coup décisif, ils crurent nécesFîiire de se débarrasser des ennemis intérieurs de

leur patrie ; et par un édit, daté de l’Alhambra de Séviïle, le 31 mars 1^92, ils décrétèrent l’expulsion <rénérale de tous les Juifs de leurs royaumes ; ordre leur fut donné de passer la frontière dans les quatre mois ; passé ce délai, ils seraient recherchés par l’Inquisition. Ce décret donna un nouvel aliment au zèle de Torquemada et dicta au Saint-Office de nouvelles condamnations.

La prise de Grenade, le 2 janvier i^çp, posa aux souverains catholiques, à propos des Mores-Arabes et de ceux d’entre eux qui se convertissaient hypocritement au christianisme, les Morisques, le même problème qu’ils venaient de résoudre au sujet des Juifs et de leurs pseudo-convertis, les Marranes. Nous avons vu plus haut de quelle tolérance les Musu’mans avaient joui au cours des siècles passés dans les états chrétiens de la péninsule. D’autre part, la capitulation de Grenade, consentie à son roi Boabdilpar Ferdinand et Isabelle, garantissait aux Musulmans la liberté d'émigrer ou de demeurer sous la domination chrétienne, et dans ce dernier cas, de jouir de leurs libertés et en particulier de la liberté de conscience.

Mais ces traditions séculaires et ces promesses ne tinrent pas longtemps devant le désir qu’avaient Ferdinand et Isabelle de centraliser et d’unifier leurs royaumes en éliminant, par l’exil ou la mort, les éléments ethniques et religieux qui ne s’assimilaient pas. Après avoir poursuivi et expulsé les Juifs avec l’instrument puissant qu’ils venaient de forger, l’Inquisition, ils expulsèrent et poursuivirent de la même manière les Mores, quand ils eurent la conviction qu’ils ne seraient jamais de bons et loyaux Espagnols.

La conversion.de gré ou de force, des Musulmans, et à son défaut l’expulsion, telles furent les mesures que l’on ne tarda pas à proposer au Conseil royal. Elles trouvèrent deux adversaires résolus. Le premier fut Torquemada, ce grand inquisiteur dont nous avons signalé le zèle et la dureté. Il restait fidèle à l’idée première, qui avait fait créer, au Moyen Age, l’Inquisition, non pas contre les Juifs ou les Infidèles — tels que les Musulmans qui pratiquaient leur religion et ne devaient pas être jugés d’après la loi chrétienne qu’ils ignoraient, — mais les hérétiques et les faux chrétiens qui corrompaient le christianisme. L’autre adversaire de ces mesures était l’archevêque de Grenade, Fernand Talavera qui, vivant au milieu des populations mores, espérait les convertir par la seule force de la vérité et de la charité, à quoi, d’ailleurs, il s’y appliqua de tout son pouvoir.

On pratiqua tout d’abord la politique de douceur : les Mores et même leurs anciens souverains, Boabdil et plusieurs de ses vassaux, purent résider dans le pays, y conservant leurs domaines privés. La charité de l’archevêque le faisait bénir par les Musulmans et même par leurs docteurs, avec lesquels il eut de courtoises controverses. Aussi les conversions se multiplièrent-elles ; en un seul jourTalavera baptisa 3. 000 Mores (du Circouht, Histoire des Arabes d’Espagne sous la domination des chrétiens, II. p. 26). Les souverains eux mêmes ménageaient les susceptibilités des vaincus, sous l’influence de Talavera et du gouverneur de Grenade.

Il semble d’ailleurs que l’Inquisition elle-même se soit relâchée alors de ses rigueurs dans toute l'étendue de la monarchie espagnole. A plusieurs reprises, la dureté de sa répression avait été dénoncée à Rome et elle dut fournir des explications au pape Alexandre VI. Ces explications ne furent pas sans doute jugées suffisantes ; car, sinousen croyons LxoRRifTB, p'-n suspect d’indulgence envers le Saint-