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SAINT-OFFICE

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forcément parmi les Dominicains ; le roi avait le droit de prendre l’Inquisiteur général dans d’autres ordres ou dans le clergé séculier, et l’Inquisiteur général avait la même liberté pour le choix de ses auxiliaires et de ses subordonnés. D’autre part, la large autonomie attribuée au Saint-Office, en rendant fort rares les cas où le pape pouvait intervenir, donnait à ses interventions possibles un caractère d’une telle importance qu’il devait craindre de les faire, surtout en présence des susceptibilités du pouvoir civil, toujours en éveil contre les immixtions, dans le royaume, de l’autorité pontificale.

D’ailleurs, les souverains de Castille et d’Aragon ne tardèrent pas à tirer en faveur de leur autorité toutes les conséquences qui découlaient des concessions pontilicales. A côté du grand Inquisiteur, ils nommèrent un Conseil royal de l’Inquisition, qui avait voix délibérative dans toutes les questions de droit civil et voix consultative dans les questions de droit canonique. Ses membres, nommés par le pouvoir civil, furent.au début, le grand Inquisiteur, président de droit et à vie, Alfonso Carillo, évêque nommé de Mazara, et deux docteurs en droit, Sancho Velasquez de Cuellar et Pons de Valence.

De son côté, Torquemada divisa 1 Espagne en plusieurs circonscriptions inquisitoriales, ayant pour chefs-lieux ValUdolid, Séville, Tolède, Jæn, et Avila ; il rendait caduque l’organisation de l’ancienne Inquisition. (Mortier, IV, p. 58a). Enfin il fit rédiger par ses deux assesseurs le règlement qui définissait la procédure et le fonctionnement de la nouvelle Inquisition. Dans son Histoire, Llorbnti ; déclare avoir eu en mains ce document, en sa qualité de secrétaire de l’Inquisition ; et il en donne un résumé, article par article (tome I, pp. i’jS-iSo)’.

Ce règlement s’inspirait des Directoires qu’avaient rédigés certains inquisiteurs du Moyen Age, et en particulier de celui de Nicolas Eymeric (Voir notre article Inquisition dans ce Dictionnaire), mais en les aggravant. Il définissait le temps de çràce et la publication qui devait eu être faite, la manière de recevoir les confessions volontaires et de réconcilier ceux qui les faisaient ; la manière de recevoir les dénonciations, de discuter les témoignages et de vérilier la sincérité des aveux ; l’usage de la torture pendant l’instruction ; les peines, qui étaient de simples pénitences canoniques, le port de certains costumes, la confiscation, là prison même perpétuelle, enfin l’abandon au bras séculier, c’est-à-dire la mort sur le bûcher.

Nous ne retrouvons pas dans ce règlement un certain nombre de mesures édictées par les Directoires du Moyen Age en faveur des accusés, par exemple l’adjonction au tribunal de prud’hommes, formant jury, d’après la formule conimunicato bonorwn firorum consilio. (Voir article Inquisition). Ce règlement fut publié sous le nom i’In tractions dans une junte qui se tinta Séville le 29 octobre I/J84. Il comprenait a8 articles, auxquels on en ajouta Il en i/J’joet 10 en iVj& : ce fut le code du Saint-Offlce 1.

Ainsi établie, l’Inquisition espagnole se montra, dès ses débuts, dure et même cruelle.

Ce caractère lui fut imprimé tout d’abord par Torqueraa <la lui-même, qui semble avoir été, auprès des souverains catholiques, l’inspit-ateur de toute cette politique de répression violente. C’était un homme d’une austérité à toute épreuve ; confesseur, pendant de nombreuses années, de Ferdinand et d’Isabelle, il ne leur avait demandé ni dignité ecclé 1. Il a été publié par Rsuss, Sammlung der Initructiona des tpanischen InquisitionsgerickU ; Hanovre, 1788.

siastique, ni fortune, restant prieur de son couvent de Ségovie pendant vingt-deux ans. a Un religieux, disait-il, ne doit être rien ou pape. » Quoique fort instruit, après de fortes études, il ne voulut pas être maître en théologie. Ce ne furent donc ni la cupidité, ni l’ambition qui le guidèrent ; mais un amour passionné de la vérité catholique et de sa patrie, dont la sécurité lui semblait compromise par les faux chrétiens. « Rude à lui-même, il fut rude pour les autres. » (Mortier, IV, 581).

§ III. L’Inquisition contra les Juifs et les Morisques. — Ce qui accrut les rigueurs de l’Inquisition, ce fut la résistance qu’elle rencontra. Le parti auquel elle s’attaqua, celui des faux chrétiens, juifs faisant figure de chrétiens ou chrétiens (Ils de juifs, avait dans les royaumes espagnols une influence politique et sociale considérable, occupant en grand nombre les hautes situations dans le monde des affaires et même dans les conseils du gouvernement. Menacés directement par le Saint-Olûce, ils ameutèrent contre lui tous les milieux où s’exerçait leur action. A la cour, ils tirent agir un des leurs, Don Abraham senior, qui avait prêté de fortes sommes d’argent à Isabelle.le Castille, pour sa guerre contre les Maures, et avait été nommé par elle administrateur de ses finances et grand rabbin de toutes les communautés espagnoles (Grabtz, Histoire des./ « */ « , IV, p. 3qo). Mais, en montrant ainsi l’intérêt qu’il portait aux judéo-chrétiens, Abraham, en fait, les dénonçait, puisque, ne les considérant pas comme apostats, il les reconnaissait vrais juifs sous leur apparence chrétienne. Aussi ses démarches furent-elles sans effet.

Lorsque, aux Cortès convoquées, en avril 1484, à ïarragone, le roi Ferdinand promulgua l’extension à tout l’Aragon de la juridiction de l’Inquisition, et ordonna à tous ses fonctionnaires et en particulier au justiza de lui prêter main-forte, il rencontra une vive opposition. « C’est que, dit Llorkntb I, p. 187), les principaux employés de la cour d’Aragon étaient des fils des nouveaux chrétiens : de ce nombre étaient Louis Gonzalez, secrétaire du roi pour les affaires du royaume ; Philippe de Clémente, protonotaire ; Alphonse de la Caballeria, vice-chancelier ; et Gabriel Sanchez, grand trésorier, qui tous accompagnaient le roi et descendaient d’Israélites condamnés, en leur temps, par l’Inquisition. Ces hommes et beaucoup d’autres qui possédaient des charges considérables à la Cour, eurent des ûlles, des sœurs, des nièces et des cousines qui devinrent les femmes des premiers nobles du royaume… Ils profilèrent de l’avantage que leur offrait leur influence pour engager les représentants de la nation à réclamer auprès du pape et du roi contre l’introduction du nouveau code inquisitorial. » Ces faits, rapportés par l’un des plus farouches adversaires de l’Inquisition, nous prouvent combien la cour et la société espagnole étaient « enjuivées » et nojus font comprendre l’effort que fit, par l’Inquisition, le nationalisme espagnol, pour combattre cette invasion par infiltration, devenue un danger national.

Ajoutons que ce parti judéo-chrétien pouvait compter sur le propre neveu du roi, Jæques de Navarre.

N’ayant pas réussi dans ses démarches, il eut recours au terrorisme pour paralyser, par la peur, l’Inquisition et surtout les agents du pouvoir qui devaient lui prêter leur concours. Sous la direction du grand trésorier de la couronne d’Aragon, Gabriel Sanchez, avec l’aide de fonctionnaires qui avaient fait serment d’aider l’Inquisition, ils organisèrent un complot pour mettre à mort Pierre Arbuès, cha-