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SAINT-OFFICE

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pas voulu voir qu’elle avait surtout pour but de mettre presque entièrement le Saint-Office aux mains du gouvernement royal, en donnant le jugement des appels à un sujet de la reine de Gastille, l’archevêque de Séville, et parconséquent d’accroître le caractère politique et lesrigueurssouventcruelles du Saint-Office, serviteur du pouvoir civil.

L’examen de cette demande, présenté* par le cardinal Borgia, fut confié à une commission cardinalice qui comprenait surtout des cardinaux espagnols résidant à la curie : Borgia, agent de son maître le roi d’Aragon et de Valence, Arcimboldi, du titre de Sainte-l’raxède, Auxias Despuig, originaire de Majorque, archevêque de Montréal en Sicile, Itiario évêque d’Osoia en Espagne et nev « u du pape, Jean de Moles Margarit, évêque de Girone en Catalogne, et plus tard cardinal sur la recommandation de Ferdinand, Gonzalo de Villadiégo, chapelain espagnol du pape, dans la suite évêque d’Oviedo.

Ainsi composée, cette commission estima que las appelsencour de Rome n'étaient souvent qu’un expédient destiné à entraver le cours de la justice, et elle proposa au pape de répondrefavorablementaux souverains espagnols ; ce que fit Sixte IV, par un bief de juin itJ83. Le pape regretta bientôt cette nouvelle concession ; car des plaintes venues d’Espagne continuaient à lui dénoncer les cruautés du Saint-Office de Séville. Prenant la formule solennelle des bulles Ad perpétuant rei memoriam, il essaya de corriger, en août suivant, le mauvais effet de son bref précédent en édictant à jamais des règles générales que les inquisiteurs devraient suivre (a août 1483).

Il commençait par rappeler que le Saint-Office avait été institué contre les Juifs qui feignaient de se convertir au catholicisme pour mieux duper les chrétiens, et que cette institution avait été sollicitée par Ferdinand d’Aragon et Isabelle deCastille.

Faisant ensuite allusion au bref du mois de juin, il constatait avec peine que la nomination de l’archevêque de Séville comme juge des appels en cour de Rome, n’avait nullement fait cesser les abus et les rigueurs excessives. Aussi imposait-il au Saint-Office espagnol plusieurs mesures de clémence envers des inculpés qui s'étaient adressés directement au Saint-Siège. Il déclarait que les procès qui avaient été commencés contre ces personnes devaient être regardés comme terminés et il ordonnait à l’archevêque de Séville, aux évêques espagnols ses collègues et aux prélats espagnols résidant à Rome d’admettre à la réconciliation privée, après leur avoir imposé une pénitence secrète, tous ceux qui le demanderaient, bien qu’ils eussent été mis en jugement, convaincus, condamnés au feu et même exécutés en elfigie. Ils devaient aussi absoudre les coupables qui se présenteraient avec des commissions à cet effet, tenir comme absous quiconque l’auraitété par la Pénilencerie apostolique elles protéger contre toute poursuite.

S adres-ant ensuite à Ferdinand et à Isabelle, il leur rappelait que la compassion pour les coupables était plus agréalde à Dieu que les rigueurs, et il les suppliait, au nom du cœur de Jésus Christ, de traiter favorablement ceux de leurs sujets qui avoueraient leurs erreurs, de leur permettre de vivre librement à Séville et dans tous leurs états, et d’y conserver tous leurs biens. « Quia solu clementia est quae nos Deo, quantum ipsa natura præstat humann, fucit acquales, regem et reginam præfatos per visctra D. N. J. C. rogamus et exkortamur ut, illum imitantes cujus est proprium misereri semper et parcere, suis civibtis f/isptil-nsihus et ejus dioecesis indigents erroremque suum coynoscenlibus ac misericordiam implorantibus, parcere velint… »

Dans son Histoire de l’Inquisition, Llorentb prétend que cette bulle n’eut pas d’effet, parce que, par peur des rois d’Espagne, Sixte IV en suspendit l’exécution, le 13 août, soit onze jours après l’avoir publiée. Mais il n’en donne aucune preuve, et il constate, quelques lignes plus loin, que l'évêque d'Ëvora eu Portugal la mit à exécution dans son diocèse. Il semble plutôt qu’elle ait été tenue en échec par le juge des appels obtenu par Isabelle, l’archevêque de Séville, Enneco Manrique de Lara.

Torquemada. — Poursuivant avec persévérance leur dessein de constituer fortement l’Inquisition, en lui donnant à l'égard de Rome la plus grande autonomie, les souverains espagnols voulurent lui imposer un chef unique, investi une fois pour toutes, par le Saint-Siège, de la juridiction spirituelle et du droit de juger en son nom les appels à Rome ; et comme jusque là l’Inquisition était confiée à l’ordre des Prêcheurs, ils proposèrent pour ces fonctions un religieux dominicain, Torquemada. Dès le mois de février 1483, Isabelle avait demandé à Sixte IV de renforcer l’organisation de l’Inquisition dans ses Etats de Gastille ; ce fut sans doute alors que, sur sa demande, Torquemada fut nommé par le Saint-Siège inquisiteur général de Gastille et île Léon. Ces fonctions furent étendues à tous les Etats de Ferdinand, f Aragon, le royaume de Valence et la Catalogne, par un bref du-j octobre suivant. Cette nomination fut faite aussi à la demande du roi, comme la précédente l’avait été à la demande de la reine. C’est ce que déclare formellement le pape à Torquemada :

« Supplicari nobis fecerunt carissinti in Christo filii

nostri Cattellæ et Legionis rex et regina ut te in eorum Aragoniæ et Valtntiæ regnis ac principmtu Cataloniæ inquisitorem hæreticæ pravitatis deputare vellemus, ^Bullar. Ord. Prædicatorum, lll, p. 612).

En vertu de ces deux nominations, Torquemada était inquisiteur général pour toute l’E-pagne, et le Saint-Office avait un chef unique. Fait plus grave : si le pape nommait ainsi le premier titulaire de cette charge si importante, il était entendu que les rois d’Espagne choisiraient ses successeurs ; et comme Torquemada obtint dans la suite du Saint-Siège, pour lui et ses successeurs, le droit de nommer lui-même les inquisiteurs régionaux et de juger les appels à Rome, on voit que le Saint-Office était entièrement entre les mains du grand Inquisiteur nommé par le pouvoir civil et à peu près indépendant du Saint-Siège.

Ces mesures eurent plusieurs effets immédiats. Ce fut d’abord de dessaisir de l’Inquisition espagnole le maître général de l’Ordre des Piêcli-urs, qui jusqu’alors nommait les inquisiteurs dans toute la pénin.-mle ; ce fut ensuite de transformer l’Inquisition elle-même, qui, telle qu’elle avait été créée au xiii 8 siècle, était essentiellement épiscopale et papale : par le choix d’un Inquisiteur général nommé par les princes, elle devenait, dans une large mesure, monarchique et politique, et échappait totalement à l'épiscopat et en grande partie à la papauté.

C’est ce qu’a fort bien fait remarquer dans son Histoire des maîtres généraux de l’Ordre des Frères Prêcheurs, le P. MonnER, en montrant la concession énorme que fit ainsi aux souverains catholiques le pape Sixte IV.

Que l’on ne croie pas que, pnree qu’ils étaient Dominicains et recevaientl’investiturc spirituelle de Rome, les inquisiteurs régionaux et généraux restaient soumis à leur Ordre et au Saint-Siège. D’abord, leurs successeurs ne devaient pas être choisis