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SAINT-OFFICE

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gne : « Le ("> janvier i J81, dit-il (t. I, p. i(>o), l’Inquisition lit brûler G cou Jaunies ; 17 le aC mars suivant, et ua plus grand nombre un mois après ; le 4 novembre de la mJnie année, 398 nouveaux chrétiens avaient d.jjà subi la peine du feu ; 79 accusés se trouvaient plongés dans les horreurs d’une prison perpétuelle ; et tout cela s’était passé dans la seule ville de Séville… Dans les autres parties de la province et l’évêché de Cadix, 2.000 de ces malheureux furent livrés aux (lammes en 1481, au rapport de Mariana ; d’autres, en plus grand nombre, furentbrùlésen effigie et 17.000 subirent différentes peines canoniques. »

Sur ce point, nous prenons Llorente en flagrant délit d’exagération. A la suite de cette statistique, il décrit des rallinements de supplices et au bas de la page, il est obligé de les démentir, comme si le meilleur démenti n’eût pas été de supprimer purement et simplement de son texte ce qu’il en déclare lui-même faux. Pourquoi l’a-t-il maintenu, sinon pour qu’il en reste quelque chose dans l’esprit du lecteur ?

Quand il lançaitee total impressionnant de 17.000 condamnations canoniques, il oubliait sciemment de dire quelles étaient ces peines, pour laisser faire à l’imagination du lecteur toutes sortes de suppositions sur leur nature et leur gravité. Or, dans noire article Inquisition, nous avons montré nousmême que ces peines étaient presque toutes des pénitences spirituelles ou légèrement corporelles.

Llorente affirmait enfin que, dans la seule année 1 481, 2.000 nouveauxehrétiens furent brûlés dans la seule ville de Séville et le diocèse de Cadix ; double mensonge I Si l’on se reporte au texte de Mariana sur lequel il appuie son affirmation (Mahiax a.. Histoire d’Espagne, livre XXIV, chap. 17), on constate que cet historien évalue en effet à 2.000 le nombre de victimes fait par le grand inquisiteur Torquemada, mais sur toute l’étendue territoriale et pendant toute la durée de son inquisition. Or, Torquemada fut inquisiteur, non pas seulement en 1481, mais de i’|81 à 14y8 et il exerça sa juridiction non seulement à Séville et dans le diocèse de Cadix, mais sur l’Aragon et la Castille, jusqu’en 1^92, et, après la chute de l’empire arabe de Grenade à cette dernière date, sur oresqæ toute la péninsule. Dans ces conditions, la moyenne des condamnés, pour un an a été, non de a. 000, mais de 120, et non pas seulement pour une ville et un diocèse, mais pour la plus grande partie de l’Espagne.

C’était l’lilleurs beaucoup trop, surtout en 1 48 1 on li proportion des condamnés au bûcher dépassa de beaucoup la moyenne. Des plaintes furent portées à Rome contre cette rigueur excessive ; et le papeSUte IV les accueillit favorablement. Dans un bref adressé, le 29 janvier 1 ^82, à Ferdinand et à Isabelle, il s’exprimait en termes sévères sur les inquisiteurs de Séville.

Il commençait par déclarer que, dans le bref qui avait aut >nsé leur nomination, les rédacteurs avaient omis certaines clauses qui. expressément stipulées par lui, auraient prévenu leurs abus ; ainsi l’acte même par lequel l’Inquisition avait été établie avait été faussé dès son expédition.

Il l’aval 1 été ensuite dans l’usage qui en avait été fait. Sous p étexte de l’exécuter, ajoutait le pape, les inquisiteurs avaient jeté beaucoup de gens en prison, sans se conformer aux règles de la justice, les soumettant à de cruelles tortures, les déclarant à tort hérétiques, confisquant les biens des suppli ciés, J- sorte que, p >ur se soustraire à de telles cruautés, beaucoup avaient pris la fuite. En conséquence, après avoir consulté les cardinaux, le pape

ordonnait aux inquisiteurs de se conformer désormais aux règles du droit et de l’équité et de s’entendre avec les évêques (comme le faisait l’ancienne Inquisition). Il ajoutait que Morillo et Saint-Martin méritaient d’être révoqués, mais qu’il les maintenait en fonctions pour ne pas donner un démenti public à la confiance que leur avaient accordée les souverains de Castille et d’Aragon en les nommant,

« ne eotdem Mickælem et Johannem ut minus inhabiles

et insu/ficientes reprobasse et conséquente ! eorum nominationem per vos factam, damnasse videremur. » Il déclarait toutefois qu’il passerait outre à cette crainte et révoquerait les inquisiteurs, s’ils ne s’amendaient pas.

Ferdinand et Isabelle avaient demandé au Saint-Siège d’étendre à toute la Castille et à tout l’Aragon la juridiction du Saint-Office de Séville. SixtelV, comprenant l’erreur qu’il avait commise en laissant aux souverains espagnols la nomination de pareils juges, s’y refusa formellement, alléguant qu’ailleurs l’Inquisition était déjà instituée depuis longtemps. Il faisait ainsi allusion à ces tribunaux qui avaient été établis, dès le xm" siècle, dans les royaumes chrétiens d’Espagne, pour la répression de l’hérésie, mais dont les juges, nommés en droit par le pape, exerçaienten son nom leur juridiction et s’étaient tellement montrés débonnaires qu’ils ne répondaient pas à la politique sévère de Ferdinand et d’Isabelle. ! Cibref a été publié par Llorente, op. cit., t. IV., pp. 346-348).

Après avoir ainsi rappelé à l’ordre les inquisiteurs royaux de Séville, le pape s’adressa aux siens, ceuxlà mêmes que, par la création du nouveau Saint-Office avec juridiction étendue sur tous leurs étals, les souverains espagnols avaient voulu supprimer. Par un bref du 17 avril 1482, Sixte IV leur rappelait les règles traditionnelles qu’ils devaient soigneusement observer dans leurs poursuites et leurs procédures.

Cette démarche, qui constituait un blâme indirect au Saint-Office de Séville, déplut à Ferdinand et à Isabelle ; par l’intermédiaire du cardinal espagnol Roderic Borgia (plus tard pape sous le nom d’Alexandre VI), qui résidait à la Curie comme évêque de Porto et y exerçait les fonctions de protecteur officieux de la nation espagnole, ils présentèrent leurs remontrances au Saint-Siège ; elles eurent pour résultat un bref dilatoire expédié le 10 octobre 1^82.

Le pape y déclarait aux souverains espagnols que, le bref d’avril ayant été délibéré en consistoire, pour le modifier il voulait attendre le retour des cardinaux qui avaient quitté Rome à cause de la peste. En attendant, il révoquait les mesures, contraires au droit commun, que ce bref pouvait contenir, et recommandait plus que jamais à tous les inquisiteurs de rester fidèles aux procédures traditionnelles et aux règles du droit et de l’équité. Comme le cardinal Borgia avait allégué que le bref du 17 avril 148a empêchait toute répression, le pape déclarait que, pourvu qu’elle observât le droit commun, la poursuite des hérétiques devait se continuer (Llorkntk, t. IV, pp. 349*350).

C tte lettre ne satisfit pas Ferdinand et Isabelle ; pour soustraire l’Inquisition espagnole aux interventions du Sa : nt-Siège, ils demandèrent que les appels à Rome, qui étaient de droit commun, fussent reçus et jugés en Espagne par l’archevêque de Séville, désigné, une fois pour toutes, par le Saint-Siège comme juge d’appel. Dans son Histoire de l’Inquisition, si paitialecontre l’Eglise romaine, Li.oRRNTRa approuvé cette demande, n’y voyant qu’un moyen d’empêcher l’exode d’Espagne des sommes nécessaires pour poursuivre à Rome les appels ; il n’a pas vu ou plutôt n’a