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DROIT DE SOUVERAINETE

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leur condition de souveraineté au regard du Droit des Gens.

Ce qu’il importe, maintenant, d’expliquer est le caractère essentiel de ce droit de soureræiefé, que les Papes revendiquent, avec tant d’éclat et de persévérance, comme ayant un fondement doctrinal et théologique, et comme résultant des exigences inerties de leur pouvoir spirituel (quoique distinct du pouvoir spirituel).

III. Le Droit de souveraineté du Saint-Siège.— La Papauté possède une double qualité, un double caractère, selon qu’on la considère dans le domaine de l’action religieuse ou dans le domaine du Droit des Gens.

Dans le domaine de l’action religieuse, en effet, la Papauté possède un pouvoir d’enseignement doctrinal et de gouvernement, spirituel qui s’exerce à l’intérieur même de l’Eglise catholique, et dont le Concile du Vatican a défini, d’une manière claire et catégorique, combien hautes étaient les prérogatives, fondées sur l’investiture du Christ.

Prérogative de juridiction plénière(et non partielle), ordinaire (et non déléguée), immédiate (et non pas simplement médiate), sur tous les Odèles, tous les pasteurs, toutes le9 Eglises.

Prérogative de magistère doctrinal, dont les définitions solennelles, rendues ex Cathedra, sont, par assistance ellicace de l’Esprit-Saint, préservées divinement de la possibilité même de l’erreur : en d’autres termes, de telles définitions seront infaillibles et irréformables par elles-mêmes, et nonpas en vertu de l’adhésion ultérieure de l’Eglise universelle.

Ce sont là, pour la Papauté, des prérogatives immenses dans le domaine religieux, mais des prérogatives qui ne s’exercent que chez les catholiques, sur les catholiques, en vertu de la foi catholique qu’ils professent. L’autorité religieuse du Pape n’estpas, par elle-même, le titre au nom duquel le Saint-Siège participeà l’activité politique et juridique de la communauté internationale.

Mais, outre son pouvoir religieux, et par voie de conséquence historique et sociale de son pouvoir religieux, le Souverain Pontife possède une prérogative de Souveraineté, qui l’introduit dans la communauté internationale des Puissances et qui appartient au Droit des Gens.

Il s’agit d’une conséquence historique et sociale, s’imposant à tous les peuples et à tous les gouvernements, quelle que puisse être leur religion ou leur irréligion.

Dans tous les pays du monde, les catholiques constituent un groupement plus ou moins considérable, partout compact et hiérarchisé, qui obéit à la juridiction spirituelle du Pontife romain. C’est du Pontife romain que dépendra le règlement amiable de toutes les questions politico- religieuses concernant l’Eglise catholique dans chacune des régions delà terre entière : statut légal duculteet du clergé, propriété ecclésiastique, législation matrimoniale, législation scolaire, graves problèmes où pourraient se heurter les exigences de la loi civile et de la loi religieuse, en des matières qui intéressent auplus haut point la vie sociale et politique de chaque Etat.

Supposons, maintenant, que le Pape ne soit pas reconnu juridiquement et diplomatiquement comme Souverain, supposons qu’il soit soumis à l’autorité législative, judiciaire, coercitive, d’un gouvernement quelconque (en fait : l’Etat italien). N’en résullera-t-il pas, pour ce gouvernement, un avantage exorbitant, qu’aucun autre gouvernement, ne saurait admettre ?

Tome IV.

L’Etat qui aurait juridiction temporelle sur le Pontife romain bénéficierait, à son profit exclusif, de moyens spéciaux d’action, d’influence, et même de contrainte, sur le chef religieux qui, seul, possède pleins pouvoirs pour décider des affaires du catholicisme dans tous les autres pays. Eventualité contraire, à la fois : aux intérêts certains et manifestes de tous les gouvernements du monde entier,

aux droits st aux légitimes susceptibilités des catholiques de toute la terre,

à la liberté, à la dignité du Pontife romain dans l’exercice de son ministère spirituel.’Voilà pourquoi, dans l’ordre social et politique, juridique et international, il faut que le Pape soit reconnu exempt de toute subordination, de toute vassalité, par rapporta tout gouvernement humain, fût-ce celui de l’Italie.

En outre, il faut que le Pontife romain soit reconnu officiellement apte à traiter d’égal à égal avec chacun des gouvernements temporels, chrétiens ou non chrétiens, les questions de politique religieuse concernant leurs ressortissants catholiques.

Mais le vocable universellement compris et consacré pour désigner une condition pareille, dans l’ordre des rapports internationaux, absence de toute subordination, égalité juridique avec les gouvernements, c’est l’indépendance, c’est la souveraineté.

Voilà pourquoi et comment le Pape est Souverain ; c’est une conséquence historique et sociale de la condition que lui donne, en présence des gouvernements séculiers, son pouvoir religieux sur tous les catholiques de la terre entière. Souveraineté que le Droit des Gens ne peut que reconnaître et homologuer.

Cette Souveraineté ne doit pas être confondue avec la possession d’un pouvoir temporel territorial, comme celui des Papes sur les anciens Etats pontificaux.

La domination sur un territoire libre et indépendant était une garantie de droit public en faveur de la Souveraineté du Pape. Elle représentait, elle manifestait à tous les regards l’indépendance du Pape en face de tout gouvernement séculier. Les Etats pontificaux ne relevaient d’aucun autre souverain ni d’aucun autre suzerain que le Pape lui-même. Le Saint-Père résidait sur un territoire dont il était le maître et où il n’avait à subir la loi de personne. Quiconque voulait entreprendre sur l’indépendance du Pape, devait recourir contre lui à la force des armes et envahir son territoire en violant le Droit des Gens. Pareille situation créait une sauvegarde visible et tangible au libre exercice du ministère pastoral et universel de la Papauté souveraine.

Mais, à l’époque même où existait ce pouvoir temporel, la condition juridique et internationale du Saint-Siège, au regard des gouvernements séculiers, était loin de se mesurer simplement à l’importance territoriale ou politique des Etals pontificaux. La Souveraineté’du Pape, garantie par un principat territorial, reposait elle-même sur un titre de beaucoup plus haute valeur. Jamais les Puissances n’envoyèrent à un souverain qui régnât sur un territoire comme les Etats Pontificaux, des ambassades comparables à celles qui furent toujours députées, avec tant de splendeur, auprès du Pontife romain. L’Etat pontifical était, politiquement, une petite Puissance du dernier ordre. La Souveraineté pontificale, avec laquelle traitaient diplomatiquement les gouvernements séculiers, était une Puissance européenne de tout premier rang.