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SACERDOCE CATHOLIQUE

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ces types nobles et purs d’abnégation cbrétienne. C’en est assez pour racbeter bien des misères.

Insistons encore, et cberclions à nous édifier sur la valeur des moyennes. A côté de quelques époques qui ne laissent que l’impression d’une pénible décadence, d’autres offrent le spectacle d’un merveilleux relèvement. Si l'Église a connu l « s abus dans son sein, jamais elle ne lésa approuvés, jamais elle ne s’y est résignée ; elle a voulu les abolir, et elle y a réussi Rien île révélateur d’une action de l’EspritSaint comme ces réformes successives, qui ramenèrent périodiquement les mœurs cléricales à une correction plus édifiante. Après les tristesses du dixième et du onzième siècle, les papes, qui ne se lassaient pas de combattre pour la contiuence des clercs, finirent par triompher en fait comme endroit.

« Au treizième siècle, dit M. l’abbé Vacandard, les

prêtres qui vivaient dans le concubinage ne formaient plus qu’une exception. » (Dict. de théol.catli., v" Célibat, col. 2087). On eut ensuite à déplorer un recul ; mais le concile de Trente entreprituneréforme générale ; à mesure que ses décrets furentappliqués dans les différentes contrées de l’Europe, à mesure aussi monta le niveau de la sainteté sacerdotale. Les dispositions relatives à la formation longue et surnaturelle des candidats aux ordres, furentspécialemenl bienfaisantes.

Bornons-nous aux résultats acquis en France. Il fut de mode, pour un temps, de dire beaucoup de mal de notre clergé du dix- huitième siècle ; on s’est aperçu depuis qu’il valait mieux que sa réputation. Tout le monde connaît le témoignage que lui rend de Tocqukvillb : « J’ai commencé l'étude de l’ancienne société, plein de préjugés contre lui ; je l’ai finie, plein de respect. » (L’Ancien régime et la Révolution, liv. II, chap. xi, p. iqj). M. dbu Gorch a institué une enquête consciencieuse et impartiale sur lesévêques, les abbés, les prêtres, à la veille de la Révolution ; il la conclut par ce verdict :

« De ces prêtres on répétera ce qu’on a ditdes évoques, ce qu’on a dit des moines : parmi eux le libertinage de l’esprit, la dépravation des mœurs sont à

l'état d’infime exception. Qu’on compulse des documents contemporains, et l’on s’assurera que les noms cités avec flétrissure sont toujours les mêmes. Ils reviennent comme ces figurants de théâtre qui, à force de passer sur la scène, Unissent par graver l’impression d’une foule. Il faut s’abstenir de cette illusion grossissante et se garder de traduire deux par plusieurs, et troisouqualre parun grand nombre. Mais si les scandales de conduite furent rares, si l’impiété le fut plus encore, on peut reprocher à beaucoup d’ei’désiasliques, non leurs vices, mais l’insuffisance de leur vertus. » (Histoire religieuse de lu Révolution française, t.I, liv. I, § 9, p. 61 ; cf. § 4, ! >

32 ; 8 5 - P 3 ^ ; §7-p- 4?).

Après la persécution jacobine et la restauration concordataire, au dix-neuvième siècle, le progrès s’accentua. Actuellement, nos prêtres, dans l’ensemble, sont bons, fidèles aux devoirs.le leur état. [I ne s’Hait pas de les canoniser en masse, mais simplement desc rendre compte d’une situation jrénéralementreconnue : l’opinion publique honore leur vertu ; la preuve en est dans l'étonnement que causent les faiblesses dont l’un ou l’autre, par accident, se rend coupable. Les journaux colportent aux quatre coins 'e la France ce fait-divers sensationnel, et c’e-t, d’un bout à l’autre du pays, comme un frémissement de surprise et d’indignation : dans une vie d'étu liant, d’hommede lettresou d’ollicier.pareilles fredaines passeraient presque inaperçues ; de la part d’un prêtre, elles scandalisent tout le monde ; on attendait de lui plus de tenue, parce que ses con frères ont habitué la foule à ne rien voir en eux que d’irréprochable.

Des langues malveillantes insinuent que les apparences peuvent être trompeuses, et qu’une conduite extérieurement sérieuse n’est pas une preuve infaillible de la pureté du cœur. — Ce n’est pas en tout cas une preuve du contraire, et nul n’a le droit de supposer des fautes cachées, là où aucun indice n’en suggère l’existence. Je vais plus loin ; il y a chez nous des curés, des missionnaires, et grâce à Dieu en grand nombre, dont la vie, au vu et su de paroisses entières, est si dévouée, si sanctifiée par l’abnégation, si féconde en succès apostoliques, que le moindre soupçon à leur égard révolterait tous ceux qui les approchent, comme une injustice manifeste. Les hommes informés, pourvu qu’ils soient sincères, déposent volontiers en faveur de notre cierge. Tel, par exemple, le docteurGoon, ancien médecin de marine :

« Des rencontres de voyages avec des mi « sionnaires

auxcolonies, écrit-il, eteertaines conditions dans lesquelles je me suis trouvé placédepuis, m’ont permis de connaître, plusieurs prêtres ou moines chez lesquels la hauteur de vues et la largeur d’esprit n’excluaientpas, a priori, toute relation avec un homme qui ne pensait pas toujours comme eux. Je ne puis répéter nos entretiens, mais il en ressert cependant que ceux d’entre eux qui observent réellement l’esprit et la lettre de leur vœu de chasteté sont plus nombreux qu’on ne le croit généralement. v Hygiène et Morale, p. 47- Cf. Surblkd, la Vie de jeune homme, 4e édit., p. 37. Revue pratique d’apologétique, i « r mars iyia, p. 84y : l’n protestant défend le célibat eccli siastique. D’autres que le docteur Good ontreçu des confidences pareilles, mais leurs lèvres sont closes par un secret sacré.

Est-ce à dire que tous nos prêtres sont impeccables, et que, dans la lutte contre les tentations, jamais aucun ne se laisse vaincre ? Certainement non ; quelle classe d’hommes tant soit peu nombreuse réalise cette persévérance unanime dans le bien ? Qu’on y prenne garde, toutefois : dans la carrière des prêtres qui ne sont pas immuablement fidèles, à part des exceptions vraiment monstrueuses, les chutes ne sont que des accidents, des défaillances momentanées, profondément regrettables, sans doute, mais bientôt expiées par le repentir et suivies d’un courageux relèvement. Il faut chercher à les prévenir, c’est entendu. Seulement le pire des remèdes serait le mariage.

D’abord ce palliatif serait insuffisant. Il éviterait, je le veux bien, quelques fautes ; il ne les empêcherait pas toutes.

« Une vierge, dit Luther, une veuve, un célibataire, satisfont au commandement de ne pas succomber à la concupiscence, avec plus de facilité qu’une

personne mariée, qui accorde déjà quelque chose à la concupiscence. » Contra malignum Joliuunts Eccii iiidiciam, 151q. Edition de Weimart, t. ii, p. G/J4 : M>" ergo r/istinctio est inier eonsiliitm et præceptum, quod cousilium plus quant præerptum sit — sic enan enanelnugantur iheologl, — sed quod surit média commodiora ad præceptum.facdius enim continet, qui viduus aut virgo est, srparatus asexii, quam copulatus cum sexii, quiconcupiscentiar aliquid cedit. Cf. Dhniflr. loc. cit. t.I, p. 251, note 2. Il écrivait ces lignes en 1 5 1 9, avant d’avoir consommé sa rupture avec Rome, l’eu d’années après, il se mariait, et engageait les prêtres, les moines, les nonnes, à en faire autant pour se délivrer de leurs tentations. Cf. Dknii’lr, loc. cit., t. I p. 167 ; Grisar, loc cit., t. I, p. 399 sqq. ; l-n sqq. Malheureusement, le succès ne répondit pas à son attente ; « Rien ne peut guérir la passion, déclarait-il en 1 r>36, pas même le