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souci de la religion. Il va si loin chez eux dans la vie privée et la vie publique qu’il ne saurait cire plus grand. » (Histoire, VI, lvi, 6-8). Et Polybe attribue à l’influence de la religion la conscience scrupuleuse des magistrat* romains : « Pour ne pas parler d’autre chose, en Grèce, ceux qui ont en mains les affaires publiques, si on leur confie seulement un talent, et cela devant dix grelliers, avec la garantie de dix sceaux, de deux fois autant de témoins, ne sont pas capables de s’abstenir des malversations ; chez les Romains, au contraire, les magistrats et les ambassadeurs ont à manier des sommes beaucoup plus considérables ; et sur la seule garantie du serment, ils respectent l’honnêteté » (Histoire, VI, lvi, Z- !). Il n’en était certes pas ainsi au temps de Verres et de Salluste.

On doildonc, dans cette question, distinguer soigneusement les époques.

Très puissante à l’origine, la religion romaine l’était beaucoup moins à l’époque classique.

III. Histoire de la religion romaine. — Plutarque assure qu’à l’origine les Romains n’avaient aucune image matérielle de leurs dieux, ni tableaux ni statues. A peine admettaient-ils quelques emblèmes, comme une lance pour figurer le dieu de la guerre, celui qu’on appelait Mars.

Cette assertion semble tout à fait exacte ; la religion romaine est, à l’époque la plus ancienne, 1res différente de la grecque : l’esprit romain est sec, l’imagination romaine est pauvre. Aussi les divinités romaines n’étaient-elles guère que des abstractions. Elles n’étaient pas entourées de toute une floraison de mythes poétiques, comme les divinités grecques.

Mais, vers l’époque où l’hellénisme se répandit à Rome, ce caractère changea peu à peu. Les Romains transformaient leurs mœurs, leur littérature, leur art à l’image de la Grèce ; ils transformèrent aussi leur reli-ion. Comme beaucoup des divinités honorées dan s les deux pays avaient le même caractère fondamental, on supposa qu’elles étaient identiques Il y avait en Grèce un dieu de la guerre, qui s’appelait Ares ; il yen avait un à Rome aussi ; seulement il s’appelait Mars ; on pensa que c’était le même sous deux noms différents ; et, comme le Mars romain manquait de légendes, on lui attribua celles d’Ares ; ainsi faisait-on pour tous les dieux, à commencer par Jupiter qui s’identifiait avec le Zeus des Orecs

Dès lors, la religion romaine, telle que nous la trouvons dans les auteurs latins, était constituée.

Mais c’était justement l’époque où elle allait commencer de perdre une partie de son influence. La Grèce, qui apportait tant d’idées à Rome, lui communiquait aussi If scepticisme religieux Les écoles philosophiques battaient en brèche les anciennes croyances. Aussi, vers la Un de la république, voit-on ce spectacle étrange : un Cicéron prend encore à témoin Jupiter et tous les dieux du ciel quand, au forum, il adresse un discours au peuple. Mais, rentré chez lui, il écrit des ouvrages philosophiques où il laisse voir clairement que, pour lui, ces dieux multiples n’existent pas. Ces ouvrages sont publics, on pourrait les apporter au forum, — ou peut-être même les y acheter dans les boutiques qui s’y ouvrent Personne ne paraît s’étonner de cette contradiction.

Elle cessera bientôt pour faire place à une autre. Peu après l’époque de Cicéron, AuonsTRest maître du pouvoir II se propos© de rétablir les anciens usages et de relever la religion en décadence. Les poètes sont à ^es ordres. L’épicurien Horace contribue de son mieux à cette restauration en prêchant dans ses

Tome IV.

odes la religion officielle ! Mais ces poèmes dévots voisinent étrangement avec d’autres qui ne le sont guère et qui pourtant sont publiés dans le même volume.

Cependant le mouvement gagne peu à peu. Ce qu’Auguste a commencé, les empereurs le continuent. Au bout (Kun siècle, la religion romaine a regagné beaucoup de terrain et c’est avec sincérité qu’un Pline le Jeune parle de sa piété envers les dieux.

La religion romaine retrouve une dernière vitalité pour lutter contre le christianisme qui en triomphera bientôt.

IV. Les dienx. — Le nombre des dieux honorés par les Romains était très considérable, surtout à l’origine. C’est alors que chaque action avait un protecteur spécial, que l’on invoquait : Vervaclor pour le premier labour, Redarator pour le second, Insitor pour les semailles, Messor pour la moisson, etc., etc.

Quoique un peu plus restreint à l’époque classique le nombre desdivinités forme encore une longue liste. Les principalessont connues de tous ceuxqui gardent quelque souvenir de leurs études latines : Jupiter, qui correspond au Zeus grec, maître souverain des dieux et des hommes ; un signedetête lui suffit pour ébranler tout l’Olympe (Vircilb, Enéide, VIII, 106). A côté de lui siège Junon son épouse, comme Hc.rà près de Zens. Mars, dieu de la guerre, passait pour le père deRomulus et de Rémus.et, par conséquent, pour le père du peuple romain ; on lui attribua les légendes grecques d’Ares. On fit de Diane (déesse de la lumière lunaire et des bois) une chasseresse à l’imitation d’Ariémis. Minerve, très anciennement honorée comme déesse des arts, devint semblable à l’Atliènè grecque.

La mer avait pour dieu Neptune, qu’on identifia avec Poséidon ; le dieu du feu, Vulcain, fut assim : lé à Hèpbaistos ; de même, Cérès, déesse des moissons, se confondit avec Dèmèter ; Liber, dieu de la vigne avec Bacclms ; Vénus avec Aphrodite ; Vesta, déesse du foyer, avec Hestia.

Quelques dieux entièrement grecs entrèrent dans le panthéon romain : tel fut le dieu du soleil, Apollon.

Nous n’avons pas à parler ici des divinités étrangères, malgré l’importance considérable que leur culte prit dans les derniers siècles. Voir plus haut les ariicles MiTHRA(tomeIII, p. 578-591) et Mystrhbs (tome III, p. o, 64-io14).

Mais on ne sauraitometlre les dieux honorés dans la famille : les lares, ou plus exactement le lare, car H n’y a qu’un lare dans chaque demeure ; lorsque l’on trouve le pluriel de ce mot, c’est qu’il s’agit de plusieurs familles.

Les pénates sont aussi les protecteurs de la vie domestique ; leur nom indique qu’ils sont considérés surtout comme les pourvoyeurs de la nourriture ; à proprement parler, ils sont les protecteurs du penus, du garde-manger, ou, suivant la définition de Cicéron, de tout ce qui sert de nourriture à l’homme :

« Est finira omnequo vescuntur homines, penus » (De

natura deorum, II, xxvii, 68). Cicéron ajoute, il est vrai, que le mot <c pénates » pourrait bien venir aussi de penilus : « profondément, à l’intérieur » ; mais ce mot n’est qu’un dérivé dont la racine est la m> nique celle de « penus ».

Tous ces dieux, grands et petits, ont d’ailleurs le plus souvent des attributions multiples. Les humilies pénates, après avoir été seulement pourvoyeurs de nourriture, étaient devenus comme les protestent s de la famille. A pins forte raison, les divinités puissantes avaient-elles reçu des surnoms divers correspondant à leurs sphères d’activité.

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