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RÉVOLUTION

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la Révolution la menace, ce sera uniquement par un sincère retour aux enseignements et aux lois du catholicisme.

C. Objections en faveur de la Révolution contre 1 Église. — Parmi les objections faites en faveur de la Révolution contre l’Eglise, nous omeltonscelles qui se réfèrent à des points de doctrine, de morale ou d’histoire, discutés en d’autres articles de cet ouvrage, auxquels le lecteur voudra bien recourir. Les suivantes ont un caractère spécial qui doit nous arrêter quelques instants. — i° La Révolution est un produit fatal de l'évolution du genre humain. — a° Elle est née du progrès, elleengendrele progrès, elle est le progrès lui-même. — 3" Elle est le droit essentiel de l’homme, qui peut changer de régime politique lorsqu’il y trouve son plaisir ou du moins son utilité — 4' Elle est le légitime avènement au pouvoir et au bien-être, des classes jusque-là incapables du empêchées d’en jouir. — 5° Qu’est-ce que le christianisme lui-même, à son origine, sinon une des formes de la Révolution ? — G Si la Révolution est actuellement en oppositition avec lui, c’est qu’il a eu le tort de se transformer en institution politique. — -° La Révolution n’est antipathique au clergé et aux catholiques qu’autant qu’ils sont hostiles ou réfractaires aux lois. — 8° La Révolution est donc un fait très acceptable pour l'Église, si l’une et l’autre consentent à être raisonnables. — y° D’autant plus que Ijl Révolution a débarrassé l’fc, glise du gallicanisme et du joséphisme, c’est-à-dire de la tyrannie de l’Etat. — io° Aussi, dans un rare moment de justice et de reconnaissance, l'Église a-t-elle sanctionné la Révolution, en France d’abord, par le Concordat de 1801, et ailleurs ensuite par des actes analogues.

Laissant de côté certains détails et certains faits d ordre historique ou diplomatique, plutôt que théo logique et philosophique, nous répondons :

i° L'évolution fatale du genre humain produisant fatalement la Hévolution, est un rêve, et en même temps une erreur grave contre les dogmes certains ('.u gouvernement du monde par la divine Providence, i t de la liberté de l’homme dans ses actes publics comme dans ses actes privés. Ce qu’il y a de fatal dans la vie des peuples, ce sont les conséquences de leurs vices et de leurs passions. Aussi doivent-ils réagir contre fie sifunestes entraînements. La Révolution est entrée dans le monde, parce que le monde a librement consenti aux suggestions de l’orgueil, de l'égoïsme et de la volupté.

2' J Certains progrès mal équilibrés et mal réglés ont pu accompagner et même faciliter les débuts de la Révolution, comme ils peuvent encore accompagner et faciliter son développement ; mais elle n’est pas la fille du véritable progrès t elle n en est pas le signe, elle n’en est pas la cause, elle n’est pas le proirc5 lui-même : l’analyse que nous avons faite tout à l’heure de 6es éléments le prouve sans réplique.

3° il est faux que l’homme puisse légitimement changer de régime politique pour son plaisir ou son intérêt : il y a des principes de prudence, de justice, de charité, d’obéissance, qui ne se changent pasainsi à la légère, et dont l'Église catholique est l’incorruptible gardienne. (Voyez Pouvoir politique [Origiîjb du].) Du reste la prospérité des peuples ne va pas sans une certaine stabilité des institutions politiques et sociales.

4* Il est souhaitable, il est même nécessaire, que le bien-être soit abondamment départi à toutes les classes de la société, encore que la suppression complète de la pauvreté et l'égalité absolue dans la répartition des richesses soient des utopies aussi dangereuses qu’irréalisables. Mais il n’est pas néces saire, il n’est même pas possible, que le pouvoir soit effectivement et pareillement exercé par tous les citoyens. Il est impossible surtout qu’une société existe sans autorité et sans subordination. La Révolution, pour être légitime, et socialement possible, devrait donc d’abord abandonner quelquesuns de ses principes fondamentaux ; mais peut-être ne serait-elle plus la Révolution.

5° Non, le christianisme ne fut à aucun degré, même dans ses origines, un mouvement révolutionnaire. Il ne détruisait aucune des bases religieuses et sociales sur lesquelles Dieu a constitué le genre humain. Il les rappelait, les affermissait, les élargissait, les consacrait, oui sans doute, mais rien de plus. Notre-Seigneur Jésus-Christ et ses apôtres ont rendu à César ce qui était à César, parce que Dieu le leur avait donné ; et jamais l’Eglise n’est sortie de ce programme. Le système de politique chrétienne, auquel la Révolution essaie de se substituer, était, quant à son essence, appliqué dans l’Ancien Testament et dans la tradition des plus anciens patriarches. La Révolution est donc opposée aux premiers actes du Créateur, comme aux derniers du Rédempteur.

6° Le christianisme a souverainement déplu à la Révolution, non seulement en raison de ses attaches extérieures avec les institutions politiques d’autrefois, avec l’ancien régime, mais aussi et principalement en raison de l’opposition absolue qu’il lui est impossible de ne pas faire à l’idée génératrice de la Révolution, telle que nous l’avons exposée en tête de cet article. — En France, sur la fin du dernier siècle, et même à certaines dates de celui-ci, l’Eglise a été persécutée comme Église, comme institution spirituelle et surnaturelle, comme œuvre de Jésus-Christ ; et il en a été de même chez d’autres nations. La Révolution est donc, qu’elle l’avoue ou non, anticatholique et antireligieuse.

n* Le clergé et les fidèles ne sont hostiles ou réfractaires aux lois civiles que si elles sont mauvaises, anticatholiques, c’est-à-dire quand elles ne sont pas de vraies lois. Si la Révolution n’en faisait point de telles, elle n’aurait pas à se plaindre d’eux. Mais comment peut-elle leur reprocher de la méfiance et de l’opposition, quand c’est elle-même qui prend l’initiative du conflit ?

8° L'Église l’a prouvé en maintes circonstances : elle est condescendante, conciliante, compatissante ; elle oublie facilement les blessures qu’on lui a faites et les désastres qu’on lui a causés. N’a-t-elle pas effacé, par exemple, d’une main toute généreuse, le compte effrayant des spoliations dont elle a été victime depuis un siècle, en France, en Amérique, en Espagne ? Mais la générosité et la bonté ont des bornes, qu’il serait déraisonnable de franchir : elle ne les franchira jamais. Si la Révolution voulait, à son tour, montrer autant de raison, de charité et de bonté, l’accord serait bien près de se faire. Quand nous en serons là, les faux principes et les faux dogmes révolutionnaires n’auront plus guère d’influence sur le genre humain.

9° En effet, la Révolution a brisé un certain nombre d’entraves sous lesquelles gémissait l’Eglise ; elle a fait disparaître du même coup certaines conditions et situations fâcheuses, notamment pour l’honneur et la moralité du clergé séculier ou régulier. Nous voudrions sincèrement en remercier la Révolution ; mais nous sommes malheureusement forcés de constater qu’elle nous a fait ce bien sans bonne intention à notre endroit, et qu’elle a autant que possible conservé ou forgé à nouveau ces entraves d’ancien régime, ces lois et ces tendances gallicanes, joséphistes, qu’elle devrait répudier corn-