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RÉSURRECTION DE LA CHAIR

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figure la leçon austère de la mort. A l’immortalité de l’âme, vérité démontrable par la raison pure, elle donne un complément mystérieux. Glorieux paradoxe de notre foi, contre lequel, d’ailleurs, les objections ne manquent pas ; nous les examinerons, après avoir rappelé les présupposés du mystère.

D’où trois points : I. I.a mort. — II. L’immortalité de Vaine. — III. Résurrection de la chair.

1. La mort- — La mort, qui dissout l’être humain, frappe nos regards comme un phénomène affreux. Rorner nos regards au phénomène, c’est tout l’effort de certaine philosophie. Elle n’en souligne l’aspect douloureux que pour détourner l’homme de chercher, dans la pensée d’un au delà, diversion et réconfort. Sous prétexte de virilité, elle lui trace un programme à la fois audacieux et austère : audacieux par ses négations, austère par les ravages qu’il exerce. Pour un peu, elle reprendrait, mais en le nuançant d’amère ironie, le mot de l’éternelle Sagesse invitant l’homme à faire bon visage à la mort :

« O mort, ton jugement est bon ! » (Eccli., xli, 3), 

mot grave et tendre au cœur de l’homme orphelin. Elle lui répète cyniquement : Tout est bien fini à la mort ; attache-toi à la vie présente ; borne-là ton espoir, tes efforts, ton dévouement.

Malgré certaines complicités de l’homme animal, ce programme ne trouve pas dans toutes les âmes facile accueil. Cur il blesse la fierté de l’homme supérieur ; il contrarie le vœu de la nature ; il contredit l’enseignement de toutes les religions. Cependant on met parfois beaucoup d’ingéniosité à le p.irer, à le rajeunir. Voyons comment on procède.

"Volontiers, on commence par éconduire les religions, personnages désuets avec lesquels on ne daigne plus discuter. Les fables qui bercèrent l’enfance de l’humanité ont fait leur temps ; la science achève de liquider ce fonds légendaire, et ce qui en reste, apparaît aujourd’hui négligeable. Cela dit, comme pour mémoire, on s’occupe de calmer l’imagination et le sentiment.

Impossible de récuser le fait brutal de la mort, ni de rejeter ses enseignements ; mais on prétend les limiter et les rectifier. Que l’homme apprenne de la mort le peu que pèse une existence humaine dans les balances de l’universelle Nature, devant l’immensité de l’espace et de la durée. Que l’homme apprenne de la mort à modérer ses désirs, à enfermer ses rêves dans l’étroite carrière qui lui est mesurée. Que l’homme apprenne de la mort à ne pas se raidir contre une nécessité inéluctable ; à subir sans étonnement les accidents de chaque jour, en attendant la suprême catastrophe. Que l’individu apprenne de la mort à se dévouer pour le bien-être de l’espèce, à fournir aujourd’hui sa part de travail s.ins souci du lendemain, content de se survivre en autrui, prêt à se coucher dans le sillon ouvert, pour y dormir l’éternel sommeil. Car la mort n’est qu’an sommeil un peu plus profond, dont le repos de chaque nuit ramène l’apprentissage. Que l’homme apprenne de la mort à ne pas faire plus de cas d’une existence éphémère que de tout autre remous qui se produit à la surface mobile des choses. La réalité vraie et seule digne de considération, c’est l’Océan d’être d’où il émergea un jour pour sombrer bientôt, conscience imperceptible el combien fragile, dans l’immensité de la conscience universelle. Et donc, que l’homme désapprenne à peupler de mythes le ciel et la terre, à doter la vie présente d’on ne sait quel prolongement fantastique. La thèse phénoinéniste s’achève volontiers en panthéisme agnostique, revendiquant pour la Nature cette divinité d’où le Créateur est rondement déclaré déchu. Ainsi

la mort, loin d’être la lin de toutes choses, se présentera comme la face négative d’un perpétuel devenir condition du progrès cosmique.

Ce thème général une fois donné comme certain et définitif, on mettra plus ou moins de passion à battre en brèche les vieux préjugés qui prolongent l’existence de l’homme par delà la tombe.

L’immortalité de l’àme : noble chimère, qui ne repose sur rien, car ceux qui dorment leur dernier sommeil n’ont pas coutume de nous faire parvenir de leurs nouvelles, et aucun écho ne nous arrive de ces régionsd’ontre-tombe, complaisamment peuplées par l’imagination des théologiens et des poètes. Noble chimère, qui peut fasciner des natures ardentes et provoquer de généreux efforts, mais fausse et décevante, comme cette autre grande chimère où elle s’appuie, l’imagination d’un Dieu personnel et distinct du monde, deus ex machina des divers spiritnalismes. Noble chimère, dont l’humanité n’achèvera de se déprendre qu’en acquérant un sens plus aigu des réalités prochaines et tangibles, seules réalités dignes de ce nom.

La résurrection des corps : autre rêve beaucoup plus absurde, car il contredit toutes les données de l’expérience, toutes les inductions fondées sur l’observation de la vie ; uniquement appuyé sur de prétendues révélations, favorisé par le désir qu’a l’homme de se survivre et par l’opinion beaucoup trop flatteuse qu’il s’est faite de sa supériorité sur les autres animaux.

La vie et les sanctions d’outre-tombe : décor usé, imagerie enfantine.

Il faut avoir le courage de regarder la réalité en face, de tenir l’homme pour ce qu’il est : t le songe d’une ombre », selon le mot du poète, un phénomène qui, par la porte de la mort, retourne au néant. Du conflit de toutes les religions, de l’échec de toutes les hypothèses, depuis l’antique nécromancie jusqu’au moderne spiritisme, une conclusion se dégage. L’homme digne de ce nom est celui qui, prenant virilement son parti des limites essentielles de son existence, s’applique à tirer immédiatement de lui-même, en ce petit coin de l’espace et de la durée, le maximum de rendement, non en vue d’un intérêt égoïste, mais en vue dé l’espèce humaine et du monde, et ne demande à la vie que ce qu’elle peut présentement donner.

Ainsi raisonne, sur cette perpétuelle actualité qu’est la mort, une philosophie d’ailleurs ambitieuse.

Malgré une vaine affectation de rigueur, le raisonnement apparaît faux dès son point de départ, abject et cruel dans son aboutissement.

  • 11. Immortalité de l’àme. — Au point de départ,

il eût fallu, en s’altachant à considérer la mort, ne pas oublier de considérer d’abord la vie, phénomène non moins constant et encore plus instructif. La vie, et non la mort, nous livre le fond des êtres. Leur activité, prise sur le vif, permet seule de pénétrer leur nature. Avant même la leçon négative de la mort, il faut entendre la leçon positive de la vie.

Or l’observateur attentif de la vie humaine sera frappé du caractère singulier de certaines manifestations qui élèvent 1 homme bien au-dessus de tout le sensible et au-dessus de tout ce qui passe. Bien au-dessus de la matière inorganique, bien au-dessus même de l’animal, dont l’activité, si admirable soit-elle, est dirigée vers un objet sensible et particulier, gouvernée par l’instinct de l’espèce, assujettie à des lois inéluctables. Il n’appartient qu’à l’homme de refléter dans un concept mental, non pas un tel objet existant, mais tous les objets possibles, e# nom-