Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/497

Cette page n’a pas encore été corrigée

i » Sl

RÉSURRECTION DE LA CHAIR

982

pas autre chose que les réponses évasives.que dans la suite on distinguera des mensonges proprement dits.

Augustin ouvre une seconde époque, qui définit le mensonge et insis’e sur sa malice intrinsèque. Malgré des contradicteurs réels ou apparents, cette malice est mise en pleine lumière par les grands docteurs scolastiques de L’âge d’or.

Dans une troisième époque, on se préoccupe d’accorder la rigueur des principes avec les nécessités pratiques. Quelques-uns, probablement influencés parla question des serments, oublient trop d’exiger, pour qu’on échappe au mensonge, l’accord de la parole telle qu’elle doit être raisonnablement comprise avec lapfnsée de celui qui parle ; ils appuient trop sur le seul accord de la pensée avec la parole simplement prononcée, et ils admettent les restrictions dites mentales. Parmi eux se trouvent aussi des membres de la Compagnie de Jésus, mais c’est calomnier celle-ci que de lui endosser la responsabilité du système : elle ne l’a pas inventé, et ses deux grands moralistes que lurent Lugo et Laymann l’ont combattu.

Des auteurs protestants s’attaquent au principe même, et altèrent la définition du mensonge.

Dans le camp catholique, après les condamnations d’iNNocBNT XI, on n’admet plus l’ellicacité des additions mentales aux mots prononcés. C’est la fin des vraies restrictions mentales. Cependanton garde l’expression en l’adoucissant par un adverbe « laie ». On en étend même l’acception de manière à signifier p.ir là tous les moyens honnêtes de garder ses secrets.

Plus récemment, les auteurs protestants se sont divisés en deux camps. Certains rationalistes rigides, isolés (parmi lesquels Schopenhauer semblent vouloir faire un devoir absolu d’une complète sincérité, tandis que la plupart en viennent à excuser les mensonges de nécessité, et même les discours qui trompent sur des vérités essentielles.

Quelques auteurs catholiques ont le tort de se mettre à la suite des protestants, d’abandonner la définition traditionnelle du mensonge, et de chercher dans le droit d’autrui la limite de notre devoir de pailer vrai.

Toutefois, entre catholiques de tous les âges, le désaccord porte moins sur le fond que sur l’explication. Les assertions et réponses admises par lesinnovateurs, le sont par ceux que nous appellerons les cmservateurs. Mais ceux-ci les justifieront autrement qu’en altérant la notion du mensonge, et en renonçant au principe de son interdiction absolue. On leur objecte le désir d’en finir avec les subtilités. Nous avons vu qu’aucune subtilité n’est nécessaire } iur maintenir que tout mensonge est illicite.

Celte divergence dans l’explication.n’est pas sans importance. Quand on retient les vraies notions, les secrets et les intérêts légitimes sont sauvegardés par des moyens qui ne prêtent pas le flanc aux abus. Ceux qui s’éloignent de ces notions, n’échappent aux abus qu’en cessant d’être logiques.

Terminons par une question, notre rapide coup d’œil d’ensemble. Les divers moyens imaginés pour garantir les secrets sans mensonge ne se ramènent-ils pas à un seul genre ?

Oui, et forcément. En effet, ou vous parlez avec sincérité : en ce cas vous ne protégez aucun secret ; ou vous signifiez ce que vous ne pensez pas, et vous commettez un mensonge ; ou voua ™ « s ho/nez à ne pas signifier, à ne pas exprimer complément votre pensée. C’est vers ce résultat que tendent plus ou moins heureusement tous les moyensindiqués. Même le rec&irs à un énoncé purement matériel, suivant

que l’intention de ne rien dire apparaît clairement, ou se laisse soupçonner, ou demeure entièrement cachée, se rangera dans la catégorie des expressions sincères ou des expressions ambiguës ou des expressions mensongères.

Dans tout ce qu’ils ont d’honnête, les procédés indiqués se trouvent virtuellement contenus dans la parole de S. Auoustin : autre chose est mentir, autre chose est tenir une vérité cachée (Enarr. in Ps., v. P. L., XXXVI, 85) ; ou dans celle deS.GRÉgoiRB : on évite le mensonge par une relation vraie mais incomplète (Expositiones in I Libr, Hegum, 1. V c iii, n. 5, in vers. >.. 3 (P. /.., LXX1X, /^o.) ou dans la formule de S. Thomas : On ne ment pas en disant moins que ce qui est, sans toutefois nier le reste (H, II, q. 109, art. 4, c.)

IL Conclusion pratique.

La charmante et noble vertu de véracité veille sur l’accord de nos paroles et de nos pensées, de l’homme tel qu’il se manifeste, et de l’homme tel qu’il est. Elle trouve un complément et une perfection dans la sincérité, qui, ennemie de la dissimulation, nous porte à toute la franchise d’ouverture que la prudence permet.

Un double devoir se rattache à ces deux vertus : le devoir négatif de ne jamais mentir, et le devoir positif de faire connaître la vérité quand la justice, la religion, la charité le demandent.

Vertus qui embellissent l’homme en l’unifiant par l’harmonie de son extérieur et de son intérieur.

Vertus qui le rehaussent moralement : elles imposent des actes de courage. Puis, sincère envers lui-même, l’homme reconnaît ses défauts et en les reconnaissant, se dispose à les amender.

Vertus sociales, quiconcilient la confiance et rapprochent les hommes.

Vertus éducatrices par excellence. Heureux l’enfant, qui peut estimer ses parents comme ne lui ayant jamais menti, comme n’ayant jamais tiré parti de sa naïve crédulité ! Quelle autre trempe de caractère façonne la mère d’un jeune malade lorsque, au nom du Christ souffrant, elle lui prêche la résignation, que celle qui le trompe sur l’amertume des remèdes ou le distrait par l’appât de futures récréations !

Le manque de sincérité dans les rapports et les affaires trouble profondément notre société.

La vie pratique elle-même nous impose ainsi le culte des deux vertus de véracité et de sincérité.

Cependant notre sincérité ne peut être indiscrète, et le bien général est lui-même intéressé à la garde jalouse de certains secrets.

Nous nous refuserons alors à recourir soit au mensonge, toujours défendu, soit à des subtilités verbales suspectes et superflues.

Nous nous souviendrons que les circonstances donnent elles-mêmes aux paroles un sens qui prévaut sur leur interprétation littérale ; et qu’on ne saurait mentir quand raisonnablement on ne veut pas signifier sa pensée.

Le programme pratique auquel aboutissent nos considérations se ramène à ces termes :

Ni capitulation ;

Ni arguties ;

Loyauté prudente et simplicité.

A. Vkrmehrsch, S. J.


RÉSURRECTION DE LA CHAIR — La Révélation chrétienne, en ouvrant par-delà la tombe la perspective de la Résurrection corporelle, trans-