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RESPONSABILITE

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gence ne représente pas légitimement : i° qu’une certaine fin réclame absolument d’être poursuivie pour elle-même ; a* que cette poursuite requiert nécessairement l’observation de l’ordre moral.

Or, antécédemment à la connaissance de la volonté de Dieu, 1 intelligence ne peut légitimement représenter ni l’un ni l’autre.

La thèse s’en suit évidemment. Prouvons la Majeure. — L’obligation parfaite d’observer l’ordre moral est une nécessité s’imposant objectivement, c’est-à-dire à la façon d’un objet de connaissance, laissant intacte la liberté physique.

Or, du côté de l’objet, il n’y a que la lin qui puisse imposer par elle-même une détermination au vouloir 1. Elle ne peut d’ailleurs le faire que si : i° elle présente par elle-même des titres exigeant un souverain amour ; a" et si cet amour requiert la détermination en question, à savoir, dans le cas, l’observation de l’ordre moral.

N.B. — Remarquons que ces deux exigences subordonnées doivent être catégoriques, et pourtant laisser intacte la liberté physique, alin de fonder une nécessité à la fois catégorique et objective. Aussi écartons-nous l’explication de Ta parai Met des autres auteurs qui rattachent l’obligation et sa connaissance à la béatitude telle qu’elle est poursuivie inéluctablement par la nature. Ils raisonnent à peu près de la sorte : je veux nécessairement ma béatitude et dès lors, au moins implicitement, tout ce que requiert sa poursuite ; donc je veux nécessairement, d’un vouloir implicite, observer l’ordre moral.

Nous répondons : une telle nécessité, imposée à mes déterminations particulières, se réduit à une inclination nécessaire, mais non pas nécessitante. Je demeure, non seulement physiquement, mais moralement, libre de vouloir le mal, car ma propre inclination au bien, en tant que telle, n’est pas par elle-même, prise toute seule, un objet exigeant un respect sans borne. Il reste un motif d’intérêt, créant une nécessité morale imparfaite, l’obligation improprement dite.

Reste à prouver la Mineure, dont chacune des parties suffirait pour que l’argument soit complet.

ip Antécédemment à la connaissance de la volonté de Dieu, aucune fln ne peut légitimement apparaître comme réclamant absolument d’être poursuivie pour elle-même.

En effet, une telle un ne saurait être que Dieu, l’unique lin absolument dernière, l’unique Dieu que l’on doit absolument aimer et glorifier pour lui-même.

Or, est-ce par son Excellence, immédiatement, que Dieu possède ce caractère de (in absolue et actuelle ? Non, il n’est la lin absolue de tout être, qu’en tant qu’il crée pour Lui-même. S’il crée, il appartient à son Iniinie Perfection par Elle-même d’exiger l’universelle subordination de la créature, mais il dépend de son vouloir de créer et donc d’ « actuer » cette subordination (cf. th. I dans notre Ethica).

Dès lors, peut-on légitimement reconnaître cette (inalité, indépendamment du titre qui la constitue immédiatement, c’est-à-dire du divin vouloir ?

a) On ne le pourrait même pas, s’il s’agissait d’une finalité physique de la créature à Dieu, puisqu’une telle ûnalité comprend une réelle destination ; et, le pourrait-on d’ailleurs, on n’en saurait conclure une dualité morale, car de ce que ma nature est physiquement et efficacement dirigée vers Dieu, et desti 1. Cel argument, comme le précédent, est tout à fait intrinsèque et psychologique, puisqu’il s’nppuie sur lu nature concrète, tu ni de l’ul’ligalion que du vouloir, tels que la conscience les connaît.

née à ce But suprême, il ne suit pas immédiatement une nécessité morale de suivre cette direction : le fait n’est pas le droit ni l’obligation.

b) Qu’on se rappelle d’ailleurs l’opposition étudiée dans le premier argument, entre un lien physique et un lien moral. Si une finalité morale atteint le sujet par la science, si elle est pleinement constituée par la connaissance, elle ne saurait l’être sans la manifestation de ses titres, et donc du vouloir divin qui la fonde.

c) Enfin, c’est un fait que, dai : s tous les ordres, je dépends essentiellement de Dieu et de son vouloir. Comment dès lors pourrais-je faire abstraction de cette dépendance, quand il s’agit de reconnaître la règle suprême et absolue de ma vie morale ? Eh non ! je ne puis normalement l’ignorer, il appartient non à moi, mais au Souverain Vouloir, de m’assigner ma lin, celle que je dois absolument poursuivre ; dès lors, je ne puis prudemment juger de celle-ci sans remonter jusqu’à Lui.

2° Même si aucune des considérations précédentes ne portait, il suffi i ait, pour établir la thèse, de prouver la seconde partie de la Mineure, à savoir qu’avant de connaître le vouloir de Dieu, on ne peut se représenter l’observation de l’ordre moral comme requise — avec les déterminations particulières qu’elle comporte, — pour tendre efficacement à la fin dernière.

Poursuivre celle-ci, avons-nous dit, c’est aimer Dieu Lui-même. Un tel amour ne peut à bon droit paraître exiger l’observation de l’ordre moral, qu’en raison d’un déplaisir divin, d’une offense à éviter. Or on ne peut craindre, en violant l’ordre moral, un tel déplaisir et une telle offense de Dieu, que si on le sait voulant de nous l’observation de l’ordre moral.

Partie positivb db la thèse

Connaissant la volonté de Dieu, telle que l’exige sa Souveraine bonté par rapport à son œuvre créatrice, on se connaît par le fait même pleinement obligé.

Nous pouvons sans inconvénient réunir ici les doux idées de dépendance et de finalité 1.

Voici d’abord, pour un esprit rigoureux, le processus développé. Considérons comment on parvient à cette connaissance de la volonté de Dieu. D’une existence quelconque, celle par exemple du sujet actuellement pensant, on remonte au Premier Principe possédant l’Etre par lui-même, essentiellement, non comme la réalisation, l’actuation d une substance possible, mais comme réalité pure, Acte pur et parfait. Il est l’Etre, la Souveraine Bonté, ayant entre autres perfections celle de ne pouvoir se subordonner à rien et d’exiger par son Excellence même que tout Lui soit subordonné par un lien d’absolue dépendance et d’absolue finalité,

Le concevoir, sans une volonté conforme àces exigences ontologiques, est impossible. Impossible aussi de concevoir ces exigences avec cette volonté, sans reconnaître :

i° ce que cette volonté a établi, à savoir notre actuelle dépendance et notre actuelle finalité.

20 le respect absolu que nous devons à l’égard de l’une et de l’autre. Exiger d’être le Souverain Seigneur et la Pin dernière, c’est Dieu lui-même ; exiger le respect de ce domaine et de cette finalité, c’est

1. Elles ne sont pus d’ailleurs tellement éloignées l’une de l’autre, comme le montre le mot simple et profond de S. Thomus : ’( Dicitur est* $uum alicujus, quodad iptum. ordinalui » [.<. Si, a. I, ad3 um).

Dans cet argument, l’éthique générale quasi toute entière est contenue et synthétisée.