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RESPONSABILITÉ

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lbvillb, de Gustavb Lanson, et de Bkihbr et

1I.VZARD.

André Pérath.


RESPONSABILITÉ. — Le présent article aurait pu aussi bien paraître sous la rubrique * obligation », si des raisons extrinsèques ne l’avaient empêché. Au reste, nous n’avons guère à le regretter, car les deux notions d’obligation et de responsabilité sont essentiellement connexes et leur rappro chement écatte d’avance certaines équivoques : ainsi, d’après leur connexion évidente, il ne saurait être question du succédané jadis proposé parGuYAU dans son « Esquisse d’un/’morale sans obligation ni sanction » : le devoir est « une surabondance de vie qui demande à s’exercer ».

La responsabilité est la nécessité de rendre compte de ses actes à une autorité compétente, pour en subir les conséquences. Elle suppose donc la liberté de l’agent et la conscience de l’obligation. Chercher les conditions de ce [ait de conscience chez l’agent supposé libre, c’est chercher les conditions de la responsabilité elle même.

Sans doute la question que nous traitons est si étroitement reliée aux deux grands problèmes de la Pin dernière et du Bien moral, qu’il est dillicile de l’en séparer. Nous osons inviter le lecteur désireux de juger pleinement les solutions ici données, à consulter notre « Ethica » et l’opuscule parallèle, i Problèmes fondamentaux d éthique générale. Essai critique et synthétique » (Beauchesne).

Pour plus de clarté, nous donnerons à notre exposé la forme d’une thèse’ :

A QUEL TITRE L’OBLIGATION PARFAITE

S’IMPOSE-T-ELLE A LA CONSCIENCE ?

L’obligation parfaite de la loi naturelle ne peut être valablement acceptée sur la simple dictée de la Raison autonome (Kant) ; — ou sur la seule constatation de ce qui s’accorde avec la nature raisonnable ; — ou mvec l’ordre objectif des choses (Vasqubz-Gbrdil ) ; — ou sous la seule poussée des inclinations de la nature profonde (Janbt et quelques auteurs récents) ;

— mais uniquement sur la manifestation naturelle des volontés divines connues comme telles.

Présupposés. — L’analyse de la notion de Créateur conduit immédiatement à celle de Législateur.

La Souveraine Bonté, en se communiquant librement, assigne nécessairement une fin à ses œuvres. Cette fin n’est que convenance glorieuse pour Dieu’gloire qu’il a de se communiquer, de manifester sa Bonté, hommage que réclament de notre part ses perfections intimes. Elle est tout profit pour la créature, dont II se constitue le Souverain Bien.

D’autre part, créer un être, c’est constituer une

1. S. Thomas, de Ver., q. xtn, a.) sq ; — Suaheï de Ltge c. v sq ; — Luco, dt fncarn., disp. v, sect. 5 et ti -’Vasque,., Coinm. in [am Hae, d. 150, a. 3 ; ’- Lacroix ! Theol. Mor (Venet., 1740, t. Il), l.V.c. ! , n.25.q. n-48’I- 12 ; — Chos » at, Dict. de theol. Vacant, art. « Dieu >,

C °, - o t ?" ! r7 RlCafcM> > **-, « ’’< « dernière, col 2489 ; — Duquesnoy, Congre, tcientif. inlern. des

ui’Pa. ? : ’lSn’' ecl » P- 18 - 32 ; ~ AmiduClergé, i’P’. * fJ * ; ~~ U *"- « " » *i R*"- Néo-scol., 1907, p 28 W, - Balt.iaz.ar, ibid., 1908, p. 90-99 ; — (ample bioitog. dan, Lacroix, voir Cho$, at, Richard, t. c.) —

fÎÎj’on LOT’d t° " n ° z > th - 3 - 8 3 - p- « ; du » ">'"’*.

£<"/ ». 20 août 1920, art. seq. ; _ Hakknt, Dict. de Tkéol. Vacant, nrt. « Infidèle, (Salut des) », spéciale-Tèiï %ri’"/ 18 L 2 % q’1892 - 1907 » q-, 1928 ; cf. col.,

et 19, ’7~ ?" l ! S U ****** 10mai 1923’P" 2tt5 = l » j « il «  « M, p. US ;.il janvier 1924, p. 73 (résumé des controveises receutes).

nature, un ensemble de tendances : de sorte que, non seulement la fin, mais la manière delà poursuivie est — dans les grandes lignes, au moins, — déterminée. Dieu, voulant son œuvre, veut l’ordre qui en surgit. Etant souverainement sage, Il le veut ellicacement ; donc, Il l’impose aux êtres créés, mais différemment, suivant les natures particulières :

physiquement, si l’être est irraisonnable ;

moralement, c’est-à-dire par une intimation, une manifestation rationnelle des règles d’action, — si l’être est doué de raison et de liberté.

Ainsi se prouve l’existence de la loi morale, éternelle de la part de la Sagesse incréée, naturellement connue par la créature raisonnable, puisque l’ordre naturel exige cette intimation.

Mais alors se présente un des plus graves problèmes.

Comment se fait cette naturelle manifestation ? Est-ce une évidence immédiate ? Est-elle accompagnée de motifs ? Quels seraient-ils ?

Etat de la question. — Avant d’entrer dans le détail des opinions, il importe de préciser le débat. Il s’agit de la connaissance de l’Obligation parfaite. Or pour être principal, cet effet de la loi naturelle n’est pas unique ; il s’harmonise avec d’autres.

L’homme, doué de raison, estime naturellement l’ofdre des valeurs, sa propre nature, avec la hiérarchie de ses pouvoirs et de ;-es tendances, l’excellence privilégiée du tout social dont il fait partie, dont il reçoit tant, dont il dépend si étroitement. Il est naturellement incliné au respect, à la poursuite de tout vrai bien, du sien, de celui de la société, en d’autres termes, à l’observation de l’ordre moral, à l’accomplissement du bien moral.

Et s’il n’obéit pas aux appréciations de la raison, aux inclinations profondes de sa volonté, il provoque en lui-même un conflit douloureux, un remords.

Cet ensemble de lumières, d’inclinations etde réactions naturelles constitue une certaine nécessité, plus ou moins rigoureuse et plus ou moins immédiatement d’ordre pratique. Mais il s’agit ici uniquement de ce qui se présente à un agent dont la raison est droite, comme une nécessité objective et catégorique d’observer l’ordre moral ; car telle est l’obligation que nous appelons parfaite et dont — après Kant, certainement, et probablement après Vasquez, ainsi que la plupart des controversistes, — nous cherchons à expliquer la connaissance’.

Nous entendons par nécessité « objective » un objet de connaissance présenté à la volonté et dont l’influence toute morale laisse intacte la liberté physique.

Nous appelons « catégorique s une nécessité intransigeante et inconditionnée, telle qu’il faille accepter tous les autres maux plutôt que de la violer.

Nous disons nécessité d’observer l’ordre moral, pour désigner l’objet spécifique du devoir : ne faire que ce qui est moralement bien, éviter tout mal moral, ou encore : toujours se déterminer comme il convient à la nature raisonnable.

Nous cherchons une explication, non pas seulement ontologique, mais logique et psychologique, de

1. Personne plus explicitement que Kant ne pari » d’obligation catégorique. Vas.juez, considérant la loi naturelle et la façon de connaître l’obligation correspondante, semble bien envisager le morne objet. Mais nous craignons que certains auteurs ne tendent à confondre l’obligation parfaite avec une nécessité d’agir plus ou moins rigoureuse.