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RENAISSANCE

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Dès le moyen âge, on s’y essayait à traduire les auteurs latins, Tite-Live, Sénèque, Quinte-Curce ; les légendes romaines tenaient une large place parmi les livres de chevalerie. Mais l’humanisme était déjà largement épanoui en Italie, lorsqu’il s’implanta en France, grâce surtout à deux grands éiudits, Guillaume Fichet, professeur de théologie en Sorbonne et de lettres latines aux écoles de la rue du Fouarre, et Robert Gaguin, professeur, diplomate et voyageur, auteur de la première histoire de France. Les guerres d Italie, sous Charles VIII et louis XII, précipitent la transformation des arts, aussi bien que celle des lettres. L’imprimerie se répand, de Paris à Chartres, à RoueD, à Lyon, à Poitiers, à Toulouse. L’enseignement des collèges parisiens s’ouvre libéralement aux idées nouvelles ; l’humaniste italien Jérôme Aléandre, qui commente Platon, Cicéron, Ausone, est accueilli avec enthousiasme aux collèges de la Marche et de Cambrai, en iôog, 151 i, 1513 ; les éditions des classiques latins de Josse Bade rivalisent avec celles des Aide. Un grand helléniste, Guillaume Budé, « renouvellel’étude dudroit, fonde

« l’histoire de l’économie politique et partage avec

i Erasme, devant l’Europe, la maîtrise incontestée

« de l’érudition » (P. Imbart db la Tour, Les Origines

de la Réforme, tome II, p. 364). Enfin, en 1530, après delongueshésitations, François I er institue les chaires de grec et d’hébreu, puis de latin et de mathématiques, du Collège de France, où désormais sera poursuivie en toute liberté l’étude des langues et des civilisations antiques, en réaction contre la scolastique et les méthodes surannées de la Sorbonne, dont Rabelais va poursuivre les doctrines de ses plaisantes et terribles caricatures.

Rabelais ira plus loin qu’Erasme dans sa critique du clergé, et rejoindra Luther dans ses attaques contre la Rome papale ; ce qui ne l’empêche point de traiter Calvin tout aussi rudement. Mais, si l’on veutchercherquel fut en France le vrai protagoniste de la réforme religieuse, c’est Lefèvre d’Etaples que l’on nommera. Exégète et professeur, lié en Italie avec les grands humanistes, il enseigne Aristote, le traduit et le commente, puis, à la suite d’un second séjour en Italie, en 1500, il étudie Platon, et pousse l’analyse du platonisme jusqu’à ses lointaines déviations, dans le mysticisme de Plotin ou de Denys l’Aréopagite. Théologien, il publie en 150g la première édition critique des Psaumes ; enfin il accompagne de ses commentaires, en 1512, l’édition des Epîtres de saint Paul. Son action, appuyée, continuée par l’évêque de Meaux, Briçonnet, dont il fut le vicaire général, inspire l’humanisme de Marguerite de Navarre, demeurée catholique, malgré sa sympathie très évidente pour la Réforme.

Quand commenceront les guerres de religion, on verra paraître de façon plustranchéecedoublecaractère de l’esprit de la Renaissance, dont on suit aisément le développement en France jusqu’à la fin du xvi 8 siècle : l’humanisme chrétien, nourri de la beauté antique, mais demeuré fidèle à la doctrine îles grands théologiens du Moyen Age, donnera sa

; > ! us belle floraison dans l’œuvre des poètes nouveaux, 

avec Ronsard et son groupe, dans l’œuvre des moralistes, avec Montaigne et Charron ; l’huma nisme païen, hostile au clergé, foncièrement sceptique, et que l’on nommerait plutôt naturalisme, continue la verve gauloise des conteurs du Moyen Age, s’épanouit avec Rabelais, avec les libertins du xvne siècle et les libres-penseurs du xvni’, trouve ses formules dans la doctrine de l’Encyclopédie et l’ironie de Voltaire, et aboutit à la Révolution.

VIII. Bibliographie. — Une étude approfondie de ce sujet immense nécessiterait toute une bibliothèque ; on ne peut indiquer ici que les livres essentiels. Ils sont cités d’ailleurs en deux ouvrages de proportions modestes, mais où la thèse catholique est traitée avec l’e « prit le plus généreux et l’information la plus sûre : L’Eglise et les origines de la Renaissance, par Jean Guiraud, Paris, 1902 ; L’Eglise catholique, la Renaissance, le Protestantisme, conférences données à l’Institut Catholique, janvier-mars lllOi. par Mgr. Baudrillart. On ajoutera : le tome II du grand ouvrage de P. Imbart delà Tour, Les Origines de la Réforme (V Eglise catholique, la crise et la Renaissance), Paris, 1909, et Fbrnand MounRBT, Histoire Générais de l’Eglise, t. V, La Renaissance et Ut Réforme, Paris, 1910. Les charmants livres de Gbbhart, Les Origines de la Renaissance en Italie, Paris 1879 ; l.a Renaissance italienne et la philosophiede l’histoire, Paris, 1887 ; L’Italie mystique, Paris, 1893, gardent une note surtout littéraire et un peu rorr. antique, qui apparaît plus accentuée dans le Jules II de Klaczko, Paris, 1898, et surtout dans La Renaissance, scènes historiques, du Cte de Gobineau, Paris, 1876. On a vu plus haut ce qu’il fallait penser du livre de Michklbt, Histoire de France au seizième siècle. Renaissance, Paris, 1855 ; L’Histoire des Papes depuis la fin du Moyen Age, de Pastor, trad. par Furcy-Raynaud, Paris, iSgætann. sulv., est une source capitale (l’édition allemande seule est accompagnée de notes, de la plus haute importance) ; il faut y joindre, pour l’Allemagne, la publication non moins considérable de Mgr. Janssen, L’Allemagne et la Réforme, trad. fr., Paris, 1889 et ann. suiv. Dans l’ouvrage collectif Le Vatican, les Papes et la Civilisation, par Goyau, Pbraté et Fabre, Paris, 1895, éd. illustrée in-4°. et 2 vol. in-12, l’étude sur La Bibliothèque Vaticane apporte de nombreux documents de haute valeur. Autres ouvrages généraux : Burckhardt, La civilisation en Italie au temps de la Renaissance, trad. par Schmitt, Paris, 1885, 2 vol. ; Voigt, Die Wiederbelehung des classischcn Alterthums, Berlin, 1880, 2 vol., travaux de haute érudition, et de critique rationaliste. — Euo. Muntz, Histoire de l’Art pendant la Renaissance, 3 vol., Paris 1889-9.5 ; La Renaissance en Italie et en France à l’époque de Charles VIII. Paris, 1885 ; Les Précurseurs de la Renaissance, Paris. 1881. — Ph. Monnibr, Le Quattrocento, 2 vol.. Paris, 1901. — Pierre de Nolhac, Pétrarque et l’humanisme, Paris. 1892 ; Ronsard et l’humanisme, Paris, 192^. — Amb. Firmin-Didot, Aide Manuce et l’hi llénisme à Venise, Paris, 1875.

— Abrl Lbfranc, Histoire du Collège de France, Paris, 1893. L’excellent petit livre de Henri Bhbmond, Le Bienheureux Thomas More, Paris, 1904, donne une vue très précise de la Renaissance anglaise. Sur Erasme, les publications sont nombreuses : Nisard, Etudessur la Renaissance(Erasme, Thomas Morus, Melanchton), Paris, 1 855 ; Fnugkre, Erasme, sa vie et ses ouvrages, Paris, 187/J ; Pierre db Nolhac, Erasme en Italie, Paris, 1898 ; J. B. Pineau, Erasme, sa pensée religieuse, Paris, ig24, très minutieux et précis. — J. Paquier, Jérôme Aléandre, Paris, 1900. — H. Hauser, De l’humanisme et de la Réforme en France (Revue historique, juillet-août 1897). On trouvera une abondante bibliographie d’art aux tomes III et IV de l’Histoire de l’Art dirigée par André Michel ; d’art et d’histoire au tome V de l’Histoire de France dirigée par Lavissb, enfin dans les récentes Histoires de la Littérature française de Peut de Jul-