Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/463

Cette page n’a pas encore été corrigée

913

RELIQUES

914

l’an ao3, tombant dans l’amphithéâtre de Carthage, trempait ua anneau dans son sang et le donnait au soldat Puleus, c’était un souvenir qu’il entendait lui laisser. Mais les iMèles de Cartilage, se partageant les linges imprégnés des sueurs ou du sang de leur évêque Cypriec, obéissaient à une pensée religieuse. Les annales du Donatisme nous montrent la trop fameuse LiK’illa en possession d’un os de martyr, qu’elle baisait avant la communion. Les dévotions indiscrètes ne manquaient pas, et de saints personnages se préoccupaient de les prévenir. Nous voyons que les quarante martyrs île Sébaste demandèrent à reposer ensemble et supplièrent les fidèles de ne rien distraire de leurs ossements. Mais l’acharnement des* persécuteurs rendit cette précaution inutile. Après que les corps eurent été livrés aux flammes et les cendres jetées dans le fleuve, on se disputa de rares débris, et ainsi nombre d’Eglises se trouvèrent pourvues. Ailleurs, le partage se lit plus simplement, comme dans le casde saintPhocas, le martyr de Sinope, dont Constantinople et Rome reçurent leur part. Les envois de reliques donnaient lieu à des manifestations enthousiastes, et les Eglises qui en étaient favorisées aimaient à se dire, avec saint Grégoire de Nazianzr, que quelques gouttes de sang d’un martyr renferment la môme vertu que son corps entier. C. lulianum, I, lxix, P. G. : XXXV, 58g. Comparer saint Paulin db Nolb, Carm., xxvii, 447, P. f-., LXI, 658 :

Magna et in exiguo sanctorum pulvere virtus.

Si l’Occident s’interdit, durant plusieurs siècles, les transferts de corps saints parvenus à leur dernière demeure, une période plus ou moins longue pouvait séparer la mort de la depositio définitive, et parfois des corps revenaient de loin. La législation romaine s’y prêtait, et des autorisations furent obtenues môme pour des proscrits : au m" siècle, le pape Pontien et le prêtre Hippolyte, morts exilés en Sardaigne, furent inhumés à Rome ; de même, le pape Corneille, mort en exil à Centumcellae. Au ive siècle, Milan recevait de Cappadoce les restes mortels de sou évêque Denys. Au reste, les Eglises les plus opposées au partage de leurs propres reliques, nelaissaient pas d’accueillir volontiers celles qui leur venaient d’Orient : Brescia, sous l’épiscopat de saint Gaudence, reçut de nombreux dons, qui valurent à sa basilique le nom de concilium sanctorum ; Noie, sous l’épiscopat de saint Paulin, s’enrichit pareillement.

Au ive siècle, de nombreuses inventions de corps saints donnèrent une impulsion nouvelle à la vénération des reliques. Tant que durèrent les persécutions, le fait éclatant du martyre, proclamé par la voix populaire, suffit à légitimer un culte, et nombre de saints en furent honorés dès la date lointaine de leur depositio. A Rome, la liste dite depositio marlyrum, contemporaine (lu pape Libère (voir le Chronographe de l’année 354), atteste des cultes établis de longue date. On sait que plusieurs corp3, tombés en oubli durant les dernières persécutions, furent recherchés et remis en honneur par les soins du pape Damasb. Tel le corps de saint Eutychius, Damn-ii Epigrammata, éd. Ihm.xxvii :

Ostendit lalebra insontis quæ membra leneret : Ou leritur, invent us colitur, (ovet, omnia præstat.

Tels encore ceux des saints Protus et Jacinthus, ibid., xlix :

1 i tremo tumulus latuit sub aggere montis. Hune Damasus monstrat, serval quod membra piorum.

Ailleurs, certains cultes surgissent inopinément, à la suite de découvertes où les narrations contemporaines l’ont intervenir des révélations célestes. Un exemple célèbre entre tous est l’invention, faite à Milan par saint Ambroisk en 386, des saints Gervais et Prolais. Guidé, comme il dit lui-même, par un pressentiment mystérieux ; au dire des contemporains saint Augustin, le diacre Paulin, saint Gaudence de Brescia, saint Paulin de Noie, par un avertissement positif du ciel, l’évêque de Milan mit au jour, non loin de l’enclos consacré aux saints Xabor et Félix, deux corps sanglants. Il prit sur lui de les transférer dans la basilique ambrosienne. Sur la route, la guérison d’un paralytique authentiqua les restes précieux. Cependant Ambroise n’était qu’à son coup d’essai. A quelque temps de là, il découvrit pareillement les corps des saints Nazaire et Celse. Quand on le voyait aller faire prière en un lieu inaccoutumé, on disait communément qu’il avait eu révélation d’un corps de martyr. Vie, par S. Paulin, xxxii, xxxiii, P. L., XIV, 38.

Cependant l’Eglise de Milan n’avait pas le monopole des inventions de reliques. A Bologne, en 3q3, eut lieu celle des saints Vital et Agricola : Ambroise y fut convié. En 30, o, invention des martyrs d’Agaune ; sur divers points de la Gaule et de l’Italie, autres inventions signalées par saintGrégoire de Tours : martyrs de Lyon, saint Bénigne de Dijon, saint Eutrope de Saintes, saint Amarand près d’Albi, saint Genesius près de Tigernense Castrum, saint Ferréol au diocèse de Vienne, saint Vital au diocèse de Spolète, saint Victor au diocèse d’Otricoli. L’Orient surtout abonde en inventions merveilleuses : à Jérusalem, en /|15, invention des reliques de saint Etienne ; à Sébaste, invention des reliques de saint Jean-Baptiste ; après la violation du tombeau, en divers lieux, multiples inventions du chef de saint Précurseur ; à Scepsis dans l’Hellespont, vers ^25, invention du centurion Corneille ; en Chypre, l’an 458, invention de saint Barnabe. L’Ancien Testament revendique sa part : les environs d’Eleuthéropolis rendaient successivement les corps des prophètes Abacuc et Michée, le corps du prophète Zacharie ; une grotte de Palestine se glorifie de posséder les restes de Job.

Pareille énumération n’est pas sans inspirer quelque inquiétude : aucune hagiographie ne saurait cautionner en bloc tant d’identifications, où la part de la supercherie et de la crédulité est aussi évidente qu’impossible à préciser. Les répliques d’un même corps en divers lieux ne sont pas seules à nous mettre en-garde.

Il suffisait parfois qu’une Eglise eut reçu quelques parcelles d’un corps saint, pour accréditer le bruit qu’elle le possédait tout entier. Dès l’année 401, un Concile d’Afrique jugeait opportun de légiférer contre des abus trop fréquents ; il prescrivait de faire disparaître toutes les memoriæ marlyrum qui ne pouvaient justifier d’uneorigine régulière, etréprouvait toutes les érections d’autels motivées par de prétendues révélations : quæ per somnia et per irtanes quasi revelationes quorumlibet hominum ubique constituantur allaria. Il est vrai que l’Afrique était la terre classique des aventuriers en habits de moines et du trafic de reliques fausses. Mais les inconvénientsauxquels on voulait obvieravaient dùsefaire sentir ailleurs encore. A la date du 26 février 386, un acte législatif des empereurs Gratien, Valentinien etThéodose avait prohibé les translations de corps et le commerce des reliques : Code Théodosien, IX, xvii, - : Humatum corpus nemo ad alium locum transférât ; n.’mo martyre m distrahat ; nemo mereetur . Les garanties minutieuses dont saint Basile,