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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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et donnant peu à peu, suivant les mentalités particulières à chaque race, sa portée intellectuelle, les conditions spéciales de u vie, ces formes à surfaces variées, mais fondement ilement identiques, que nous appelons les religions ; religions aux |uelles partout et toujours, dès le principe, les viciant, les déformant, les détournant de leurobjet, se sont attachées les anthologies, les superstitions elles magies ». Lb Roy, La rel des prim., p. 486.

Ainsi, l’ethnologie, complétée par l’histoire, dépassant les faits, et s'élevanft par une vue d’ensemble du développement religieux jusqu’aux débuts de l’humanité, présenterait la révélation primitive, que la foi allume certaine, comme étant.au point de vue scientifique, l’hypothèse la plus vraisemblable, la plus explicative, la plus conforme aux faits. Cf. Lemonnyer, La Révél. primitive.

L » s savants catholiques, et le principal et le plus remarquable ethnographe catholique, le Père Schtnidt, n’avaient pas tort de voir dans la découverte de VAll Fat In- ris m de A. Lang une « révolution dans la science des religions », un fait d’une i immense portée > et, ajoutons-le, le coup mortel pour les constructions rigides de l'évolutionnisme athée et pour tout le système artificiel, a priorique et anti-chrétien, de l'école anthropologique.

IV. Utilisation de la méthode comparative. — La méthode comparative, on l’a vii, est l’instrument de choix de l'école anthropologique. Le rejet des explications de cette école n’entraîne pas nécessairement avec lui la négation des avantages et de la légitimité en soi de la méthode comparative. Mais à la condition de l’appliquer autrement.

I. Erreurs de l’application de la méthode

comparative dans la théorie évolutionniste.

i) Solidarité établie à tort entre l'évolutionnisme et la méthode comparative. L’animisme évolutif revendique cette méthode comme sa méthode propre, et la preuve scientifique de sa vérité. En réalité, l’utilisation de cette méthode est dominée par une philosophie : mais autre chose est comparer les faits religieux en des sociétés différentes ; autre chose, interpréter ces faits en un système. La méthode omparative est donc légitime, si elle présente des faits, suggère des hypothèses : non, si l’observation est déjà commandée et faussée par cette hypothèse a pru/ri. Un instrument, un instrument précieux, mais délicat à manier, une méthode, non une doctrine ; une méthode de rapprochement, non une doctrine d’assimilation des religions.

a) Passage illogique d’analogies à des affirmations d’identité. Des faits religieux, vus du dehors, en des sociétés différentes, peuvent présenter des caractères assez rapprochés, tandis qu’au dedans, ils diffèrent profondément. D’où abus de négliger ces différences essentielles pour ne voir que desressemblances extérieures oudes ressemblances intérieures partielles ou analogies. Ex : la communion, dans la religion chrétienne, interprétée par le totem : Sax. Rkinach. Cuit, iml. rel., V ; de même, tout sacrifice expliqué par le totem…, également « survivances des sauvages ».

3) Isolement artificiel d’un fait, de son milieu social. Un fait religieux, dans un milieu social donné, peut avoir sa signification distincte ; la même explication nepeut être transportée telle quelle, en des milieux dilférents. Cette objection de Di 'rkiieim, /.es n. de la rel., est à retenir, comme exacte.

Erreur d’un système qui conduit à « découper » artificiellement un fait dans son milieu historique.

i) Induction erronée d’un fait à une loi générale.

! *e quelques cas observés en des sociétés religieuses, 

Tome IV.

il est illogique de dégager la loi de son universalité : exemple suggestif, à propos de la généralisation hypothétique et a priorique du totémisme, observé en quelques sociétés, et attribué à toutes les sociétés :

« tous les peuples, dans toutes les sociétés ont passé

par le totémisme » ; la généralisation du matriarcat, forme isolée de la famille. Cf. Laghangk, op. cil, t p. G. Le fait initial choisi, totémisme, animisme, devient la « clef bonne à ouvrir toutes les serrures », de même pour le manu des Mélanésiens, compris comme impersonnel, et placé partout par le prémagisme.

5) Substitution des suppléances à l’observation des faits. La ruéthodecomparalive, dit-on, peut suppléer au silence ou aux lacunes de l’histoire : en transportant des éléments religieux observés en une société à une civilisation semblable, en restituant, en reconstruisant ; de même pour la préhistoire religieuse, reconstituée à partir de l’histoire religieuse et de l’ethnologie. Cette suppléance, cette reconstruction, risque d'être la pure application d’un système, substitué aux faits. Création, non observation. Cette application suppose arbitrairement que toutes les sociétés passent par les mêmes stades d’organisation sociale : d’où la « paléontologie sociale », dont Sal. Rpu&ci, Cultes, Mythes, Religions, t. I, p. 84, soutient la légitimité, etqui autoriseraità parler, selon lui, du totémisme ou du matriarcat des Grecs et des Celtes, malgré le silence et les démentis de l’histoire. — Thèse sous-entendue : identité de l'évolution dans les divers groupes ; ici encore, vue philosophique, non donnée scientifique.

6) Passage des cas anormaux aux cas normaux. On sait commentla psychologie physiologique, (école de Riljot) a constitué une psychologie normale avec de l’anormal. Le même danger est à craindre pour la psychologie et la sociologie religieuses, dans l’emploi abusif de la méthode comparée : confusion de la mythologie, fait accidentel et secondaire, avec la religion, fait essentiel ; ou identification de la magie et de la religion.

7) Identification arbitraire et totale du non-civilisé et du primitif : l'équation : sauvage — primitif. On l’a vii, ceci est une vue philosophique — et de la philosophie évolutionniste, — non une démonstration appuyée sur des faits. Prolongement en arrière d’une explication du développement religieux de l’humanité.

8) Assimilation arbitraire et initiale de toutes les religions : d’où résulte par avance l’exclusion de tout transcendant. Aucune religion, et en particulier la religion chrétienne, ne peut être une religion à part, privilégiée, surnaturelle : elle doit avoir la même origine, la même explication ; elle n’est qu’un moment du développement religieux. Ici encore, évolutionnisme initial et radical, qui précède les faits, leur observation loyale et objective, et fausse la méthode.

II. — Avantages de la méthode comparative, sous les réserves précédentes.

i) Extension à la science des religions de son utilisation normale en d’autres sciences : géologie, biologie, philologie, etc. ; en ces sciences, cette méthode a rendu de vrais services. Il peut en être de même ici, à s’en tenir aux vraies règles de la critique scientifique.

2) Mise en valeur des faits religieux par leur rapprochement, aux trois stades d'étude de ces faits, o Au premier, hiérographie (observation des faits), elle fait saillir analogies et anomalies ; elle aide à mieux observer et à mieux comprendre. Au second, hiérologie (découverte des lois), elle supplée

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