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RELIGION : THÉORIES PSYCHOLOGIQUES

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une solution plus profonde. Celle-ci nepeul être que l’atlirniation de l’identilé de l’esprit humain, à tous les âges, et dans toutes les civilisations. Voilà a la plus importante vérité » dégagée par l’histoire des religions. Il y a un esprit humain, à l’encontre de loua ceux qui ont raillé cet homme abstrait ; et cet esprit humain se manifeste par des créations semblables. Il existe des lois biologiques générales, sous l.i diversité des fonctions ; de même pour l’universalité de lois psychologiques sous les menues différences de costumes, d’usages, de langage, etc. En face des mêmes phénomènes de la nature, les hommes se posent les mêmes questions, apportent les mêmes réponses. « Les conceptions religieuses de deux peuples qui sont parvenus au même stade de l’évolution sont toujours au fond identiques ». « Les hommes, assujettis aux mêmes lois, dans des conditions analogues, à un stade pareil de l’évolution, enfantent des conceptions semblables. » Cf. Goblht h’Alviklla, Encre, of religion, 190a, art. « Anismisin » — Iïe<. hist. relig., 1910 « L’animisme et sa place dans L’évolution religieuse. »

5) I.’s grandes légendes des peuples civilisés ne sont que des survivances de l’état sauvage. — C’est la preuve que l’on veut tirer du folk-lore. Les mythes grecs, Scandinaves, etc. ne différent pas essentiellement des mythes des Zoulous des Maoris, des Esquimaux, etc. ; chez ceux-ci seulement il y a concordance entre ces mythes et l’ensemble de leurs croyances et idées ; chez ceux-là, il existe un désaccord, une désharmonie : preuve de la survivance, non de l’état sauvage, en tant que sauvage, mais d’un trait permanent « lu ca-actère ou de l’intelligence qui se retrouve en tout sauvage, et par delà en toute nature humaine, la tendance animiste.

— D’ailleurs, ces types innombrables se ramènent à un très petit nombre de types ; le psychologue doit rattacher ces types à la structure intellectuelle et émotionnelle de l’homme. C’est donc à la psychologie, éclairée par l’ethnographie et l’histoire, à apporter la solution de leur origine et du problème de la vie religieuse. Sur le folk-lore, étudié d’abord par les frères Grimm, consulter, en France, les travaux de Paul Mkykr, Gaston Paris, Skbillot. Cf. en particulier Gaston Paris, Grande Encyclopédie, art. Folk-lore. — La thèse des mythes, comme survivances, est surtout présentée par A. Lang, Cf. La mythologie, in Encyclop. Britannica, 1 884, trad.Parnientier, Paris, 1886.

6) L’évolution de cette tendance fondamentale de l’animisme suscite progressivement les idées d’âme, d’esprit, la personnification des forcis de la nature, les idées des dieux (polythéisme), enfin, par voie de concentration logique ou de subordination entre les dieux sur le modé.’e de hiérarchie sociale, l’idée d’un dieu suprême (monothéisme). — Les phénomènes du rêve, de la syncope, de l’extase, donnent naissance chez le primitif à l’idée d’àme, sorte de double qui donne la vie au corps, y habite, mais peut s’en séparer. La mort amène la séparation complète et lime, désormais libre, devient un esprit. Les âmes des morts et leur survivance donnent naissance au culte des ancêtres, qui se p’ace aux origines de l’humanité. Pour Spencer même, le culte des ancêtres est le fait initial de la vie religieuse.

Cet animisme est ensuite étendu aux phénomènes delà nature ; des esprits sont imaginés pour présider à leurs manifestations, surtout quand elles sont extraordinaires : l’éclair, le tonnerre, les eaux, le ciel et la terre, deviennent choses vivantes, gouvernées et habitées par ces esprits : d’où le culte qui leur est attribué pour se les rendre favorables, détourner leur colère, solliciter leur intervention. La

cosmogonie se présente donc comme une extension de la psychologie. Le naturisme est un prolongement de I animisme. (Pour certains, le naturisme est le fait initial). Cf. A. Révillb, Prolég., Marillibr, grande Eue, « Relig. ».

Cet animisme universel ne tarde pas à peupler le ciel et la terre de dieux : multiplicité des esprits pour la multiplicité des phénomènes, par déviation du principe de causalité. Les dieux sont considérés d’abord comme gouvernant les êtres de la nature, habitant en eux, leur donnant des propriétés merveilleuses (Fétichisme). Par la suite, devenus plus indépendants, ils donnent naissance à la forme déjà plus épurée du polythéisme. — Certains auteurs intercalent ici le polydémonisme avant le polythéisme. Cf. Lagrangb, op. cit., p. 24.

Voici enfin surgir l’idée de Dieu unique. Les partisans de l’école anthropologique décrivent avec une précision déconcertante, et une non moins étrange gravité, le processus psychologique qui aboutit à sa formation. Le dieu national, et au dessus de lui le Dieu suprême, souverain des dieux comme des hommes, surgit lentement dans la pensée humaine, soit par développement spontané du travail logique ou métaphysique, soit par simplification et assimilation des dieux représentant des phénomènes analogues, soit par subordination progressive des dieux inférieurs à un Etre suprême, à l’image de la subordination sociale des autorités terrestres, soit même, à un stade supérieur, par la disparition des dieux intermédiaires, passés à l’état d’abstractions, ou reconnus comme les formes diverses d’un même principe unique. Cf. Tylor, Prim. Cult., xv, xvi. ; Goblet d’Alviblla, L’idée de Dieu d’après l’anthropologie et l’histoire, oh. v.Les hommes se sont donné un Dieu, comme ils ont formé l’idée d’àme, de survivance d’esprits. La loi de ce développement est simple, rigoureuse, uniforme. Tout est sorti de la pensée de l’homme. Et ce Dieu obtenu, on en épurera maintenant le concept ; on y introduira des préoccupations morales, des rectifications éthiques. Il deviendra le juge des consciences, le gardien de l’ordre moral, celui qui punit et qui récompense. Et la vie religieuse se mêlera désormais intimement à la vie morale — en attendant qu’un progrès ultérieur, une différenciation nouvelle, sépare la religion et la morale, pour ne plus laisser subsister qu’un pur moralisme, une religion dans les limites de la raison, au sens de Kant, c’est-à-dire un rationalisme sans Dieu, ou ce que Guyau nomme plus nettement une irréligion de l’avenir.

Ainsi l’école anthropologique affirme sa contradiction à l’égard de la pensée chrétienne, et tout autant du spiritualisme philosophique. L’idée de Dieu — du Dieu unique — n’est ni au début de la vie de l’humanité, ni très rapidement au terme d’un travail métaphysique spontané dans la pensée de l’individu. Elle est au sommet de l’évolution et marque le point culminant où la civilisation est parvenue, en attendant qu’il soit dépassé par la continuité même du progrès. L’animisme au point de départ ; le monothéisme au point d’arrivée actuel ; le moralisme, plus tard ; ainsi sans secousses, sous l’effet du même processus, les religions naissent, s’étendent, se spiritualisent : sous la diversité des religions s’affirme la spontanéité, la continuité, l’unité de la religion. Par son recours à la psychologie, l’école anthropologique décrit l’évolution religieuse de l’humanité. Cf. un excellent résumé de l’animisme, chez W. Schmidt, L’origine de l’idée de Dieu, ch. 11.

7) Cette identité d’évolution religieuse, dans les sociétés diverses, légitime l’emploi de la méthode