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TIFPOL, L’Eglise naissante, M. Hahnack confessait qu’il est « possible d'établir avec d’impressionnantes preuves que la conception catholique de l’Eglise naissante est historiquement la vraie, c’est-à-dire que christianisme, catholicisme et romanisme forment une identité historique parfaite ». (Theolog. Literaturzeitung, 16 janvier 1909). — Il est vrai que, reculant les positions du protestantisme jusqu'à l’extrême limite, il ajoute que « le fossé qui sépare Jésus et les Apôtres n’a jamais été franchi ». Mais il sort ici du domaine de l’histoire, puisque Jésus, historiquement, ne peut être connu que par la tradition des Apôtres, et que nous savons d’eux comment Jésus a fondé son Eglise sur Pierre (Cf. Batikfol, op. cit., Excursus A., pp. 99-1 la).

La thèse prolestante n’a pas pour elle le passé. At-elle du moins pour elle sa propre histoire ? — On sait à quel endettement doctrinal, à quelle « dispersion » elle a conduit ses tidèles. L’individualisme religieux, par sa conception rigide des rapports de Dieu et de l’homme, a pu former çà et là des consciences d'élite. Mais il les a trop isolées, — trop exaltées ou trop déprimées. — Si, d’aventure, il est parvenu à les grouper d’une façon durable, c’a été sous l’influence soit d’une autorité extérieure à celle de la religion (l’Etat), soit d’une formation inconsciemment catholique, ou qui gardait quelques-uns des ferments les meilleurs de la vie catholique : il en a été ainsi, par exemple, lorsque le pastorat, servant à nouveau d’intermédiaire entre Dieu et la conscience, a voulu assumer efficacement le rôle du sacerdoce aboli. Les individus — à plus forte raison les foules — sont loin de repousser ces « intermédiaires », ces médiations, que le protestantisme de tous les âges a si fort dédaignes, au moins théoriquement. Ils sentent, pour aller à Dieu, le besoin de direction, d’aide mutuelle et organisée. C’est un phénomène de conscience aussi, que celui-là. — Et c’est en méconnaissant cet aspect social du christianisme, que le protestantisme est demeuré et demeure malgré lui une religion qui, dans la ligne ordinaire de son action, n’est pas destinée à opérer le salut des foules, et donc ne garde qu’un reflet lointain de l’Evangile.

B. L’Essencr du Protestantisme. — Entre tous les principes que nous venons d'énumérer et d’examiner, peul-on en désigner un dont on allirmera pu’il constitue aujourd’hui, comme il la constituait hier, l’essence du protestantisme ? Et cela, non seulement parce que ce principe est demeuré semblable à lui-même à travers les vicissitudes doctrinales de la Réforme, mais parce qu’il relie et contient tous les autres, parce qu’il est la vie même des protestanlismes ? Le problème n’est pas purement spéculatif. Il compte parmi ceux auxquels les théologiens orthodoxes ou libéraux attachent une grande importance, lorsqu’ils cherchent avec angoisse à se donner l’illusion de l’unité confessionnelle. Les solutions qu’ils proposent sont assez obscures et surtout manquent assez de fermeté, pour qu’il soit vain de recueillir dans leurs propres écrits un témoignage à peu près unanime. — On en déduit assez vite que l’essence du protestantisme, pas plus au début qu’au temps de Bossuet, pas plus au temps de Bossuet que de nos jours, ne saurait consister dans une doctrine, que la formule en soit ancienne ou récente.

a) Formules anciennes. — 1 ° On ne saurait faire du libre-examen, — avec lequel, assez communément, on a identilié le protestantisme — un élément essentiel de sa vitalité.

Outre que le libre-examen n’est qu’implicitement contenu dans les symboles ouconfessions primitives, et bien loin qu’on en puisse faire un « lien » ou un

« ferment » religieux, il a plutôt seivi de dissolvant

doctrinal. — C’est au libre-examen que sont dues les divergences actuelles, comme les variations passées, qui mettent entre les divers protestanlismes tant d’infranchissables barrières. Avec W. James, on en vient à déclarer qu’il faut autant de types de religions qu’il y a d’idioyncrasies de races, de civilisations, de cultures. — De plus, le libre-examen a poussé le protestantisme à cette fureur de simplification » qui l’a empêché de saisir la a complexité du réel », de croire « à l’harmonie cachée des réalités dont les concepts se heurtent dans l’esprit humain ». Là où le catholicisme cherche 1 harmonie dans le mystère et s’efforce delà réaliser, le protestantisme sépare, morcelle, pulvérise : ainsi, Ecriture et tradition, gratuité du salut et nécessité des œuvres, personnalité de la vie religieuse et autorité, foi-croyance et foi-conliance, sont des notions dont le catholique perçoit et goûte la solidarité, tandis que le protestant la critique et la nie (Cf. Annales de phil. chr>t., nov. 1908, art. de D. Sabatier, sur (Expérience relig. et le Prolest, contemp, ). Un dissolvant aussi énergique mord jusqu’au principe de toute vie spirituelle.

2 L’essence du protestantisme est-elle davantage à chercher dans le principe de la justification par la foi et dans celui de l’autorité exclusive de la Bible ?

Mais, tout d’abord, nous avons vu plus haut ce qui se cache de significations diverses sous la similitude des formules, même primitives. Que serait-ce, si nous les avions suivies jusqu'à nos jours dans leur évolution ? — Entre ces deux sens : infaillibilité exclusive et verbale de l’Ecriture — et autorité du seul enseignement de Jésus, réduit aujourd’hui pour le grand nombre à une quintessence sur laquelle on discute encore, — il n’est pas possible de mesurer la distance : c’est un abîme. Entre* ces deux autres sens : justification par la foi sans les œuvres — et justification par les œuvres, signes delafoi-confiai’ce,

— il y a, pour ainsi dire, contradiction absolue. Ces deux sens marquent, ici et là, deux étapes infiniment distantes, qui séparent le point de départ du point d’arrivée.

Aussi bien n’accepte-t-on guère aujourd’hui de présenter ces divers principes comme l’essence de la Réforme (Cf. Liciitrnbbrgbr, Encyclop. des Se. relig. art. Protestantisme, col. 780).

b) Formules plus récentes. — Les protestants observent, du reste, qu’il serait étrange, en face du caractère et de l’importance absolument prépondérante que revêt, dans le catholicisme, la doctrine de l’Eglise et de son autorité, de ne rien retrouver, dans l’expression du principe de la Réforme, qui répondit à ce fait (Cf. Lichtknbbhobr, loc. cit.).

i° Le principe de Baur, c’est-à-dire la revendication des droits du sujet croyant en /ace de l’objet de la foi, est rejeté à ce litre, car il ne tient pas compte des droits de Dieu sur l’individu ; et il ne fait aucune place à la notion d’autorité, si réduite qu’on la suppose.

2 La formule de Sciileibrmacheh : — le droit de (individu en face de It communauté, sans écarter celle-ci ni son expérience religieuse ; — et celle de Lichtknbkrger : — la souveraineté de Dieu, réalisée par Jésus-Christ dans l’individu pour le réta 'il s sèment de l’humanité dans la communion divine, — n’ont de valeur, sous leurs couleurs conservatrices ou libérales, que par l’effort qu’elles tentent pour replacer le sentiment individuel en face d’un appui quelconque, proche ou lointain, visible ou invisible, humain ou divin.

3* De son côté, Ritsciil, ") par sa définition du royaume de Dieu : — l’ensemble de ceux qui croient