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REFORME

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molle qu’il avait reçue de sa mère, la reine Bona, l’atmosphère morale assez légère de sa cour, la société d’humanistes et de partisans de la Réforme, ne contribuèrent pas à éveiller dans l’àme du monarque de ferventesconvictions catholiques ; c’est pourquoi les hérétiques polonais attendaient la mort du vieux roi, dans l’espoir que le nouveau romprait ouvertement avec Rome. Ils s’efforçaient donc de le disposer le plus favorablement pour la Réforme ; Luther, Calvin, Melanchthon, Laski, Modrzewski (sans parler des hérétiques moins remarquables) lui dédiaient leurs œuvres et l’accablaient de lettres. Dès l’avènement au trône de Sigismond Auguste, en 15/|8, commença une lutte passionnée pour la personne du roi et pour la reconnaissance de l’égalité de droits à l’hérésie en Pologne. Il est impossible d’entrer ici dans les détails de cette lutte, dont le résultat déCnitif fut un compromis ; le protestantisme en sortit vainqueur. Les hérétiques obtinrent l’égalité de droits avec les catholiques et la suspension de la juridiction des tribunaux ecclésiastiques ; quant aux catholiques, ils surent empêcher la rupture avec Rome, la convocation d’nn concile national, la création d’une Eglise nationale et le divorce du roi avec la reine Catherine, malgré l’infécondité de leur mariage. Le roi ne suivit pas l’exemple de Henri VIII, il resta catholique jusqu’à sa mort, et même, vers la lin de sa vie, se rangea ouvertement du côté de l’Eglise, acceptant, en 1564, le » décisions du concile de Trente. Les hérétiques polonais perdirent l’espoir d’attirer le roi de leur côté, mais gagnèrent presque tout ce qu’ils avaient voulu. Les successeurs de Sigismond Auguste conservèrent, il est vrai, la liberté de conscience, cependant ils appuyaient la réaction catholique.

Cette réaction, coïncidant avec une décadence de l’hérésie en Pologne, remplit l’histoire de la seconde période. Nous avons vu que la Réforme polonaise était intérieurement faible, manquait surtout d’unité. Le luthéranisme, comme allemand, ne trouvait pas de sympathies en Pologne, les hérétiques y étaient en majeure partie calvinistes ; plus tard s’en détachèrent les ariens, complètement rationalistes au point de vue religieux, et quasi-communistes au point de vue social. Les différentes secles se combattaient passionnément, et même, à l’intérieur d’un même groupe, les querelles étaient continuelles. Tous les efforts pour former une religion polonaise unique n’aboutirent à rien. Il va sans dire que la discorde intérieure et la faiblesse de l’hrrésie facilitèrent la réaction catholique, qui savait parfaitement mettre ces circonstances à prolit. Le résultat fut tel, que sous Sigismond III (158, ; -1632) les catholiques reconquirent la prépondérance dans l’Etat.

Il est impossible d’exposer numériquement les conquêtes de la Réforme en Pologne. La preuve qu’elles étaient grandes, c’est qu’en 1550-1555, dans les deux ohambres de la Diète polonaise.il n’y avait presque que des protestants. Lors delà plus grande extension en Lithuanie, il paraît qu’il n’yavait plus que 7 prêtres ; au temps de l’évêque Drohojowski, partisan de la Réforme, presque toute la noblesse de son diocèse passa au calvinisme. On peut affirmer que, sauf rares exceptions, les plus importantes familles de la noblesse et des sénateurs abju rèrent le catholicisme. D’après le calcul de l’abbé J. Bukowski (Histoire de la lié/orme en Pologne), environ le quart des églises échut aux protestants. Aux xvii* et au xviii* siècles, la question des hérétiques n’avait plus grande importance, ce ne fut qu’après la chute de la Pologne, que la Russie et la Prusse profitèrent de leur existence sur le territoire

polonais, pour s’ingérer dans le gouvernement intérieur du pays. Il va sans dire que la Prusse appuyait de toute façon le protestantisme, dans la partie de la Pologne qu’elle avait usurpée pendant les démembrements.

IV. F.tat actuel du protestantisme en Pologne.

— Il existe actuellement deux confessions protestantes en Pologne : le calvinisme et le luthéranisme. Les calvinistes, peu nombreux, presque exclusivement Polonais, se groupent autour de deux consistoires à Varsovie et à Wilno. lis possèdent une organisation synodale. Les luthériens se décomposent en trois confessions : i° Il existe à Varsovie un consistoire évangélique d’Augsbourg, auquel appartient l’ancienne annexe russe ; il s’y est joint quelqnes paroisses polonaises de la Grande Pologne, ainsi que les pasteurs polonais de la Silésie de Cieszyn. Cette confession compte 450.ooo adeptes, dont les 2/3 sont Allemands, a’L’Eglise unie, avec consistoire à Poznan, comprend presque toute la Grande Pologne. Elle compte 600.000 adeptes, presque exclusivement Allemands ; il y a des Polonais dans les districts d’Odolonow, d’Ostrzesow et de Kempin. 3° L’Eglise confédérée helvétique et d’Augsbourg, dont le consistoire est à Biala, comprend la Petile Pologne et une partie de la Silésie de Cieszyn ; elle compte ^o.ooo adeptes, presque exclusivement Allemands. Les membres des consistoires luthériens sont nommes par le gouvernement. Cependant il a été présenté à la Diète un projet d’organisation synodale pour les Eglises luthériennes. Quant à la situation intérieuredecesEglises, d’après leurs propres publications, elle n’est rien moins qu’édifiante. Elles se querellent entre elles, et toutes les tentatives d’unification et d’introduction d’une concorde au moins apparente échouent complètement. Tant au point de vue religieux qu’au point de vue politique, deux tendances se manifestent, l’une rationaliste, l’autre orthodoxe, l’une germanophile, hostile à l’Etat polonais, l’autre loyale et même en partie sincèrement polonaise. En iyai.sur l’autorisation du gouvernement polonais, a été créée à Varsovie une faculté de théologie évangélique avec 5 chaires.

V. Propagande protestante en Pologne après la guerre mondiale. — Après la restauration de l’Etat polonais, de nombreuses sectes américaines se jetèrent sur la Pologne, dans un but de propagande. La misère occasionnée par la guerre leur fournit un prétexte pour commencer, et le haut cours du dollar, qui augmentait de jour en jour, leur frayait le chemin. Elles commencèrent par une action philanthropique dans l’armée, parmi les jeunes gens, et dans les sphères nécessiteuses des grandes villes. Tout d’abord elles ne montraient aucun but religieux, au contraire, elles semblaient respecter les traditions religieuses et nationales, elles invitaient volontiers les prêtres catholiques à bénir leurs maisons. La plus grande activité fut montrée par les méthodistes, les anabaptistes, et les adventistes ; enfin par les célèbres Y.M.C. A. et Y.W.C. A. (associations de la jeunesse chrétienne). Pendant que les premières sectes n’étendaient leur action que dans les sphères inférieures, où elles commencèrent à trouver un petit nombre de partisans, l’Y.M.C.. a su gagner la sympathie et l’appui des sphères intellectuelles. Elle masqua son protestantisme en étendant le culte de la philosophie polonaise et de la poésie messianique de la première moitié du xixe siècle, qui n’est pas tout à fait conforme à l’enseignement de l’Eglise, et sous le voile de la charité chrétienne, elle commença à propager l’indifférentisme religieux. Les Jésuites polonais s’orientèrent