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REFORME

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mais les Utraquistes, même modérés, demeuraient irréconciliables avec l’Eglise. Les clercs utraquistes trouvaient difficilement un évêque pour les ordonner ; le consistoire (utraquisle) avait peine à maintenir dans son clergé la discipline ecclésiastique ; l’université de Prague cultivait la tradition bussite. 3. Frères Bohémiens. — La secte prit naissance vers i'|3'i, recrutée surtout parmi les débris du parti taborite, sous l’influence indéniable des Vaudois qui, au xive siècle, avaient pris pied en Bobême. Son premier écrivain fut Pierre Chelcicky ("T '454X I' proscrivit le service militaire et la force armée, et, d’accord avec les Taborites, rejeta le Purgatoire, les Indulgences et la Messe. Sa doctrine eucharistique tenait à peu près le milieu entre les futurs enseignements de Luther et de Calvin. Les frères Bohémiens, tenant le serment pour illicite, ne pouvaient exercer aucune fonction publique. Cependant le vrai fondateur de la Jednola Bratrskd (Union fraternelle) fut un certain Grégoire, neveu de Rokycana (prononcez Rokytsana), chef du mouvement antiromain parmi les Utraquistes. Les écrits de Chelcicky et les prédications de Kokycana convainquirent Grégoire de la nécessité de rompre avec l’Eglise corrompue. A Kunvald près Litice (N. O. de la Bohême), il fonda en 1 45^-58 une ligue de fraternités qui, en 1467, se sépara des Utraquistes et se donna une constitution indépendante (synode de Lhotku). Les premiers chefs reçurent l’ordination sacerdotale d’un prêtre vaudois ; l’un d’eux, Matthias de Kunvald, fut consacré évêque par l'évêque vaudois Etienne. Dans la littérature contemporaine, les Frères s’appellent communément Pickards (corruption de Beghards) ou Vaudois. Ne reconnaissant pas les sacrements conférés aux enfants par les prêtres « pécheurs », ils rebaptisaient ceux qui venaient à eux. Jusqu'à la mort de Grégoire (1/173), l’enseignement de Chelcicky régna dans la Jednota. Selon les conventions de Bàle, qui avaient force de loi, il n’y avait dans le royaume que deux confessions reconnues, les Catholiques et les Utraquistes. AussileroiGeorgesde Podebrady procéda-t-il énergiquement contre la secte. Cependant, après 1471, elle connut une longue période de paix et se répandit assez vite. Au commencement du xvi' siècle, elle comptait de 300 à lOo communautés. Dès lors, elle ne pouvait plus décliner tous les emplois publics et condamner la « puissance du monde ». Les synodes de 14'J0 et 1 494 autorisèrent l’acceptation des fonctions publiques et la guerre défensive pour une juste cause. Là-dessus, un petit parti intransigeant (mensi strdnka) lit schisme, sous un certain Amos. Mais le parti d’Araos ne survécut que cinquante ans. Cependant la majorité se séparait de plus en plus de Chelcicky et revenait à Hus. Au commencement de la Réforme, la personnalité la plus influente chez les Frères était celle de l'évêque de Mlada Boleslav, Luc de Prague (f 1528). En 1508, sous le roi Vladislas, la proscription des « Pickards » fut renouvelée et même inscrite dans le Code. Dès lors jusqu'à la Lettre de Majesté (1609), ils se virent hors la loi. Cependant ils comptaient dans l’Etat de puissants protecteurs. La persécution (1508-if>iG) amena seulement à ses débuts quelques arrestations et, par exception, des sentences capitales.

H. — Néoutraquisme et Frères Bohémiens jusqu'àla bataille de la Montagne Manche. — La nouvelle de l’entrée en scène de Luther arriva vite aux conlins de la Bohême. Le clergé utraquiste, ennemi de Rome, l’accueillit avec joie. Dès l5lQ, un message fut envoyé de Prague à Luther, pour attirer son attention sur les écrits de Hus, et Luther s’empressa de se déclarer « bon Hussite ». Mais la Réforme se

répandit aussi parmi les catholiques, surtout de race allemande. Ils commencèrent à communier sous les deux espèces. De grossières offenses au rite et au clergé catholiques furent à l’ordre du jour. En 15a4, les Néoutraquistes, c’est-à-dire les Protestants, se sentirent assez forts pour accueillir dans la Réforme le parti utraquiste en bloc. Les miliciens Utraquistes, hostiles à la Réforme, se rapprochèrent dès lors des catholiques. Comme la direction du consistoire utraquiste de Prague échappait de plus en plus aux réformateurs, malgré des nominations luthériennes faites d’autorité (15a4, Cahera ; 1542, Mystopol), ils se préoccupèrent d’obtenir une constitution ecclésiastique autonome. Ferdinand I ne la leur accorda point ; mais on ne put empêcher la noblesse et les villes de continuer à chasser les prêtres fidèles et à les remplacer par des prédicants luthériens La guerre de Smalkalde(1547) ayant mis Ferdinand I et Maurice de Saxe en mauvaise posture, les chefs protestants en profitèrent pour une conjuration. Une armée fut réunie pour arracher au roi la liberté religieuse, la ratification du pillage des églises et des bénéfices, le droit de libre confédération pour la défense d’intérêts particularistes. La bataille de Muhlheim mit vite lin à la conjuration. Cependant 1 effort de Ferdinand pour ramener les Utraquistes aux conventions de Bàle échoua en Bohême comme en Moravie (1540, -50). Après la paix d’Augsbourg(1555), les Luthériens furent maîtres du con- sistoire utraquiste. Mais la réforme religieuse chez les catholiques avait commencé. En 1556, Ferdinand introduisait les Jésuites en Bohême. En 156i, l’archevêché catholique de Prague fut rétabli.

Sous Maximilien II (1 564-76), la situation s’améliora aussitôt pour les Protestants. En 1667, les Conventions de Bàle furent déclarées abolies, ce qui permit aux Luthériens de se séparer des anciens Utraquistes et de fonder une Eglise autonome. En 1070 ils obtinrent encore, contre la promesse de laisser en paix les catholiques, une promesse orale du roi, garantissant la tolérance pour les adeptes de la Confession de Bohême, à laquelle allaient se rallier les Frères Bohémiens.

Les Frères Bohémiens avaient témoigné, dès l’origine, s’intéressera la Réforme allemande. Mais Luc de Prague maintint l’indépendance de la Jednota. En dehors des divergences doctrinales, il voyait avec déplaisir l’absence de toute discipline ecclésiastique chez les Luthériens d’Allemagne. Pourtant, sous l'évêque Jean Augusta ({ 1372), l’influence de Luther sur l’enseignement et la constitution de l’Eglise apparut de plus en plus nette. On renonça à la rebaptisation des convertis et au célibat des prêtres. Des relations furent nouées aussi avec Calvin, dont la doctrine et la pratique trouvaient parmi les Frères bien plus de sympathie que celles de Luther. Lors de l’insurrection contre Ferdinand I en iô47, c'étaient des nobles, membres de la Jednota, qui avaient propagé le mouvement parmi la noblesse. Ils furent rigoureusement châtiés. Augusta subit la torture, et une captivité de seize ans ; les Frères furent bannis des possessions de la Couronne. Beaucoup émigrèrent en Pologne et en Prusse ( 1 548). Jean Blahoslav(~- 1571), successeur d’Augusta, inclina davantage vers le calvinisme et travailla avec zèle à procurer l’autonomie de l’organisation des Frères. Aussi les Frères se gardèrent-ils, même en 1775, d’adhérer à la Confession de Bohème, malgré les efforts de cette confession pour tenir le milieu entre la Confession d’Angsbourg <-t celle des Frères, et bien qu’il en coûtât à la Jednola la perte de la tolérance officielle. Cependant on la laissa pratiquement en paix. Des cercles de la Jednota, est issue