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REFORME

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disailun jour M. Harnack, et Mgr BatifTol, commentant ce mot, a pu écrire : « Si la réalité, en histoire, n’est atteinte souvent que par des approximations successives, la critique étrangère à notre foi catholique a tendu peut-être, depuis cinquante ans, à se rapprocher d’une vue plus compréliensive, plus voisine de nos affirmations traditionnelles. » Par exemple, Baur estimait, en 1835, que les épltres qui nous sont parvenues sous le nom de saint Ignace avaient été fabriquées au milieu du second siècle, en faveur de l’épiscopat, par un faussaire romain. Elles sont du quatrième siècle, disait llitschl. Non, proclame aujourd’hui M. Harnack ; elles sont authentiques et sont bien effectivement du temps de ïrajan. Et de même que M. Harnack, par son verdict au sujet des épîtres ignatiennes, rend implicitement hommage à l’antiquité de L’institution de l’épiscopat, de même, sa conception des origines de la primauté romaine est intéressante à relever.

C’en est fait des vieux systèmesproteslants d’après lesquels le Christ aurait surtout voulu fonder une Eglise invisible, à laquelle Rome, lentement, aurait réussi à substituer et puis à superposer une Eglise visible dépendant de son hégémonie. Aux yeux de M. Harnack, il y avait bien effectivement, au début du troisième siècle, « de l’Euphrate à l’Espagne, une Eglise visible constituée, et formant un véritable organisme politique » ; aux yeux de M. Harnack, il y avait eu, dès le début, entre les communautés chrétiennes, ce qu’il appelle des « commencements de dispositions interecclésiastiques » ; et parmi les centres d’unité que posséda le christianisme primitif, Rome fut de bonne heure le plus important. Et sans nul doute, M. Harnack ne voit dans cette ascension du siège de Rome que l’adaptation du christianisme à la vie même de l’Empire et la réalisation d’une sorte d’impérialisme chrétien ; mais de ces théories historiques, ce que l’apologétique catholique peut retenir, c’est le témoignage qu’elles portent — témoignage assez neuf dans la science protestante — en faveur de l’antiquité de la primauté romaine.

VI. Double contraste entre le protestantisme allemand contemporain et le protestantisme du seizième siècle. — Combien seraient surpris les réformateurs du seizième siècle, s’il leur était donné de ressusciter et de jeter les yeux sur l’arbre qu’ils ont planté !

Toutes leurs polémiques, toutes leurs négations, étaient dirigées contre l’institution catholique. Et voici qu’aujourd’hui les thèses historiques de Harnack et de son école divergent singulièrement d’avec les allégations du protestantisme traditionnel au sujet de l’épiscopat, au sujet de la papauté, au sujet du monachisme ; et ces conclusions d’une école qui prétend ne relever que de la libre science convergent à certains égards avec le désir qui porte quelques âmes strictement croyantes à vouloir, à l’écart de Rome, introduire du catholicisme dans la vie des Eglises luthériennes.

Et d’autre part, tout ce qui restait de positif, tout ce qui subsistait d’aflirmations, dans le Credo de la primitive Réforme, la croyance à l’Incarnation, la croyance à la Rédemption, la notion de sacrement, tout cela périclite dans les systèmes de la théologie

« moderne » ; et du principe du libre examen ont découlé

peu à peu certaines théories sur l’élaboration de la vérité religieuse, qui ont complètement aboli le caractère transcendant et surnaturel de la révélation chrélienne et enlevé à la vérilé chrétienne son caractère et son aspect de « don divin ».

Ce qu’il v avait de commun entre la métaphysique du catholicisme et la métaphysique du protestan tisme primitif tend à s’effacer des croyances protestantes contemporaines : c’est là le résultat des progrès du suhjectivisme et de ses audacieuses négations. Et d’autre part, dans les sphères du libéralisme, les évolutions de la recherche érudite tendent à ébranler les positions historiques derrière lesquelles se retranchaient les réformes du seizième siècle et à l’abri desquelles ils croyaient pouvoir braver et dénoncer ce qu’ils appelaient les usurpations de l’Eglise romaine. L’histoire ecclésiastique, telle que la manient M. Harnack et son école, offre beaucoup plus de nuances et témoigne, à l’endroit de la catholicité primitive, beaucoup plus d’intelligence et d’équité.

Et les vieux orthodoxes, de plus en plus rares, il est vrai, qui joignaient à l’amour tenace de leur dogmatique une haine non moins’tenace contre l’Eglise romaine, assistent impuissants à ces deux phénomènes et sont doublement déçus.

Bibliographie. — Goyau, L’Allemagne religieuse : le protestantisme. Paris, 1898. — Rieder, Zir Innerkirchlichen Krisis des hcut’gen Proteslantismus ; eine Orientierung Hier moderne Evangeliumsverhiindigung. Fribourg, 1910. — JohannesB.Kissling, Der deutsche Protestantismus 1817-1917. 2 vol. Munster, 1918. — Pierre Charles S. J. La robe sans couture : un essai de luthéranisme catholique, la haite Eglise allemande. 1018-1973. Bruges, 1923.

— Pierre Baliffol, L’Eglise va usante et le catholicisme. Paris, 1909.

Georges Goyau.

VIII. — PROTESTANTISME FRANÇAIS MODERNE

1. Son cadre et ses œuvres. — A. Son cadre.

— Le Protestantisme français compte environ’un million d’adhérents, et mille pasteurs et évangélistes, appartenant à un nombre considérable de sectes ou « dénominations » :

1) Eglises réformées : — " a) Eglise réformée évangélique (22 circonscriptions synodales et près de /Joo églises) ; — b) Eglises réformées (10 synodes et environ 170 églises) ; — c) Eglises réformées indépendantes (12 centres) — d) Eglises réformées d’Alsace et de Lorraine - (50 paroisses groupées en 5 consistoires).

2) Eglises évangéliques luthériennes : — a) de Paris et du pays de Monlbéliard (7 consistoires et 76 associations cultuelles) ; — b) d’Alsace et de Lorraine (7 inspections ecclésiastiques réparties en 39 consistoires).

3) Société centraleévangéli<|iie, groupant iasociétés d’évangélisaiion intérieure et une section de Missions étrangères.

Il) Union des Eglises évangéliques libres de France (40 églises).

5) Eglise évangélique méthodiste de France (27 églises).

6) Eglise baptisle (28 églises).

t. Les effectifs protestants sont très difficiles à norobrer exactement. M. E. Doumergue le déploie et s’en inquiète dan » le « Petit Bulletin du Diaconat » (mars 1921).

— Mais la même revue 1919, r, ° 2) compte « 800 011 900 église », dont plusieurs tré » petites, et plusieurs dans lu même localité avec une population prolestante d’environ 500.000 âmes (je n’ose pas dire 60^.000),.. etc. Il En ajoutant à ce chiffre de 6"0.000 qu’on peut oser dire, peut-être, les 280.000 luthérien » d’Alsace et les autres protestants, <>n peut compter en chiffres ronds un million, bien que le cliilTre réel soit certainement inférieur.

2. L « s Eglise » réformée et luthérienne d’Alsace et de Lorraine sont unies à l’Etat.