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POSSESSION DIABOLIQUE

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dinaire assez clairement île quoi ils veulent parler.

Quels sont donc les signes auxquels on reconnaît la vraie possession ?

Le Rituel romain, dans ses instructions pour l’exorciste, renvoie aux bons auteurs, et se contente de rappeler les points les plus nécessaires, « pauca magis necessaria ». Nous citerons donc d’abord les signes énumérés par le Rituel, puis nous consulterons les théologiens. Les signes énumérés par le Rituel sont : « parler unelangueinconnue en faisant usage « le plusieurs mots de cette langue, ou comprendre celui qui la parle ; découvrir les choses éloignées et occultes ; faire montre de forces qui dépassent les forces naturelles de l’âge ou delà condition ; ces signes, et autres semblables, lorsqu’ils se trouvent réunis en grand nombre, sont de plus forts indices de la possession ». Signa autem obsidentis dæmonis sunl : ignota lingua loqui pluribus verbis, el loquentem intelligere ; distantia et occulta patefacere ; vires supra aelatis seu conditionisnaturam ostendere ; et id genusalia, quæ cum plurima occurrttnt, majora sunt indicia.

Nous avons signalé déjà précédemment la prudence de Rituel et la rigueur de critique qu’il prescrit, même à l’exorciste ; ajoutons ici que non seulement il insinue la distinction des signes, qui ne peuvent pas être pris tous comme certains, mais qu’il semble exiger toujours un ensemble de signes, sans nier pourtant qu’il y ait des signes suffisants à eux seuls ; et que, dans l’usage des signes certains, il enseigne encore la prudence pour les découvrir ; c’est ainsi qu’il ajoute, au signe : ignota lingua loqui les mois : pluribus verbis.

Parmi les auteurs qui nous fournissent de plus amples renseignements nous nous contenterons de citer Thyrke, qui écrivit un ouvrage ex professo sur la matière, et cela, notons-le bien, avant la (in du xvie siècle.

Ce théologien commence, en traitant des signes de possession, par en rejeter douze comme n’étant pas de vrais signes, malgré l’opinion de quelques-uns. Ce sont les suivants, que nous énumérons textuellement :

« L’aveu de quelques-uns, qui sont intimement

persuadés d’être possédés ; … la conduite, quelque perverse soit-elle ; … des mœurs sauvages et grossières ; … un sommeil lourd et prolongé, et des maladies incurables par l’art des médecins, comme aussi des douleurs d’entrailles ; … la très mauvaise habitude de certaines gens, d’avoir toujours le diable à la bouche ; … ceux qui renoncent au vrai Dieu, se consacrent tout entiers aux démons ; … ceux qui ne sont nulle part en sûreté, se sentant partout molestés par les esprits (ce sont les obsédés proprement dits) ; … ceux qui, fatigués de la vie présente, attentent à leurs jours ; … ceux qui, invoquant les démons, en perçoivent visiblement la présence et sont enlevés par eux ; … la furie ; … la perte de la mémoire ; … voire même la révélation deeboses occultes ne fournit pas un argument assez grand, mais il sera question de cela ailleurs… » J’ajoute que même les signes que l’on trouve dans les possédés, dont l’hisloireévangélique fait mention, ne sont pasdes preuves certaines et convaincantes de possession ; à savoir : la cécité, la surdité, le mutisme, la cruauté et violence contre eux-mêmes et contre d’aulres, comme le dit aussi Thyrée (De Dæinoniacis, part. 11, cap. xxn).

Le même auteur (fbid., cap. xxrm et sqq.) distingue ensuite les signes dont on peut et doit tenir compte, en signes : « quilmsspiritus agere videnlur, etalia quibus quidpiam pati ». Les premiers supposent le démon agissant, soit intellectuellement,

comme sont la révélation des choses occultes et l’emploi de langues inconnues au possédé ; soit corporellemcnt, comme sont l’exagération des forces physiques, les violences et les tourments corporels, et choses semblables. Les autres signes supposent le démon souffrant, par l’application des choses saintes, reliques, exorcismes.

De plus, le même théologien enseigne que, parmi ces signes, les uns sont certains, les autres probables seulement ou faisant soupçonner la possession. Enlin les signes, même certains, ne sont concluants, ou ne sont certains en réalité, de l’avis très sage de Thyrée, que lorsqu’on les considère non pas in abstracto, mais dans des circonstances particulières, telles qu’il soit impossible de les attribuer à un autre agent qu’à un démon, et au démon qui occupe le corps du possédé.

Examinons maintenant ces signes en particulier. D’abord la révélation de choses occultes, soit passées, soit futures, soit distantes ou autrement inconnues, c’est-à-dire qu’aucun moyen naturel n’a pu faire arriver à la connaissance de la personne qui passe pour possédée. Ce signe est un signe certain : mais il ne suffit pas, comme nous l’avons fait remarquer, de constater simplement qu’une personne a cette connaissance occulte, et de le constater avec une certitude parfaite et évidente, ce qui est très possible ; cela ne suffit pas, car, en dehors des causes physiques, naturelles, et du démon, il y a d’autres agents qui peuvent révéler des choses occultes ; il y a Dieu et les bons anges. Il faut donc constater, en outre, que cette révélation vient du démon. Or, quand cela sera-t-il ? Thyrée répond : « Quand il n’y a pas de motif raisonnable d’une telle révélation, et aussi quand les choses révélées causent une injure à Dieu ou du tort au prochain (Part. II, cap. xxm), soit ouvertement, soit sous le faux prétexte de la gloire de Dieu ou de l’utilité du prochain. » Cela même étant constaté, la possession est-elle certaine ? Non, car les devins et magiciens, sans être possédés, peuvent faire la même chose.

« Que celle révélation vienne bien des esprits qui

sont dans le corps des hommes et qui les possèdent, il semble qu’on peut avec raison le déduire de deux signes : le premier, quand ceux qui révèlent ces choses n’onl aucun pacte avec le démon ; l’autre, quand il est permis d’observer chez eux les autres signes qui font soupçonner qu’ils sont possédés des démons. Tels sont très souvent les douleurs internes, des mouvements déréglés, l’action de se nuire à soimême ou au prochain. » (Ibid.)

Ceci explique pourquoi Thyrée disait plus haut que la révélation de choses occultes, tout en pouvant constituer un signe certain de possession, n’est cependant pas toujours un argument suffisant ; pourquoi nous disions après lui que les signes même certains ne peuvent pas être considérés seulement in abstracto ; pourquoi enfin le Rituel semble exiger toujours un ensemble de signes. Dans le cas qui nous occupe, le signe certain sera la révélation des choses occultes, à condition que d’autres signes moins certains ou même équivoques en eux-mêmes viennent s’y joindre, de la manière expliquée tout à l’heure.

Le second signe du démon agissant sur l’intelligence est l’emploi de langues inconnues à la personne censée possédée. Ceci est un signe certain et plus facile à constater que le précédent. D’abord, que l’agent extérieur qui produit cette science des langues soit le démon, on peut le connaître, de même que pour la révélation de choses occultes, au défaut de motif raisonnable déparier ou à la fin mauvaise que l’agent se propose. Que cet agent occupe néanmoins le corps même du possédé, rien de plus clair ;