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RÉFORME

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rédigé par lui, atteste qu’il n’est plus catholique. La persécution que déchaîne ce discours et celle qui marque la lin de 1534, après les Placards, le jettent dans la révolte déclarée. La France demeure catholique. Calvin quitte la France.

V. L’Institution chrétienne. — On a pu voir, d’après ce qui précède, que les raisons de l’apostasie de Calvin furent quelque chose de tout personnel, d’essentiellement subjectif. La tâche de l’apologiste est en somme achevée quand il a montré, par une analyse impartiale autant que rigoureuse, que l’abandon du catholicisme par des hommes tels que Luther, Mélanchthon, Calvin se réduit à des manifestations particulières du sens propre. Ce qui prouve bien que les motifs de la désertion de Calvin n’avaient pas ce caractère objectif qui vient de la possession certaine de l’immuable vérité, c’est que la théologie de Calvin a péri tout entière, dans sa partie positive. Il n’en reste plus que la partie négative : l’opposition à l’Eglise catholique. Il n’est pas un protestant de nos jours qui puisse approuver sans les plus graves réserves, ni les idées ni les actes de Calvin. Nous nous bornerons à résumer 1 histoire de sa vie, de iô34 à 1564, c’est-à-dire de son départ de France à sa mort.

En quittant son pays, Calvin se rendit d’abord à Strasbourg, puisa Bàle (début de 1535). C’est là qu’il acheva la première édition de sa Christianæ religions Institutio, précédée d’une lettre-préface à François I er, datée du a3 août 1 535. L’ouvrage lui-même ne parut qu’en mars 1 536. Immédiatement après, Calvin partit pour l’Italie, où il fut reçu avec faveur par Renée de France, duchesse de Ferrare.

C’est au mois d’août 1536, à son retour d’Italie, qu’il fut retenu à Genève, par Guillaume Farel.

VI. Calvin à Genève. — Voici en quels termes Calvin nous raconte cet événement : « Je ne mis pas lors en lumière le livre [de l’Institution chrétienne] tel qu’il est maintenant, copieux et de grand labeur, mais c’estoit seulement un petit livret contenant sommairement les principales matières : et non à aulre intention, sinon afin qu’on fust adverty quelle foy tenoyent ceux lesquels je voyoye que ces ræschans et déloyaux flatteurs diffamoyent vilenement et malheureusement. Or, que je n’eusse point ce but de me monstrer et acquérir bruit, je le donnay bien à cognoistre, par ce qu’incontinent après je me retiray de là : joinct mesmement que personn » ne sceut là que j’en fusse l’autheur : comme aussi par tout ailleurs que je n’enay point faict de semblant, et avoye délibéré de continuer de mesmejusques à ce que finalement maistre Guillaume Farel me reteint à Genève, non pas tant par conseil et exhortation, que par une adjuration espovantable, comme ti Dieu eust d’en haut estendu sa main sur mor pour m’arrester. Pour ce que pour aller à Strasbourg, où je vouloye lors me retirer, le plus droict chemin estoit fermé par les guerres, j’avoye délibéré de passer par yci [Genève] légèrement, sans arrester plus d’une nuit en la ville. Or, un peu auparavant, la Papauté en avoit esté chassée par le moyen de ce bon personnage que j’ay nommé [Farel, en 1535], et de maistre Pierre Viret : mais les choses n’estoyent p >int encore dressées en leur forme, et y avoit des divisions et factions mauvaises et dangereuses entre ceux de la ville. Adoncques, un personnage

Louis du Tilletl, lequel maintenant s’est vilenement révolté et retourné vers les Papistes, me descouvrit et feit cognoistre aux autres. Sur cela Farel (comme ilbrusloit d’un merveilleux zèle d’advancer l’Evangile ) feit incontinent tous ses efforts pour me retenir.

Et après avoir entendu que j’avoye quelques estudes particulières auxquelles je mevouloye réserver libre, quand il vit qu’il ne gaignoit rien par prières, il veint jusques à une imprécation, qu’il pleust à Dieu de maudire mon repos et la tranquillité d’estudes que je cherchoye si en une si grande nécessité je me reliroyeet refusoye de donner secours et aide. Lequel mot m’espovanta et esbranla tellement, que je me désistay du voyage que j’avoye entreprins : en sorte toutesfois que sentant ma honte et ma timidité, je ne voulus pointm’obliger à exercer quelque certaine charge. » (Corp. Réf., Op. Calvini, XXXI,

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La scène de Fahel levant la main au ciel pour maudire Calvin et le remplissant d’épouvante, est demeurée célèbre. On ne peut s’empêcher cependant de trouver je ne sais quoi de tendu, de violent, d’excessif dans cet appel, que Calvin regardait dans la suite comme un appel évidemment divin.

Il vient de nous dire qu’il n’avait point voulu s’obliger « à exercer quelque certaine charge ».

De fait, les Registres du Conseil de la ville nous apprennent simplement ceci, à la date du 5 septembre 1 536 : « Maître Guillaume Farel expose comme quoi est nécessaire cette lecture que ce Français [ille Gallus] a commencée à Saint-Pierre : c’est pour cela qu’il supplie que l’on prenne des mesures pour le retenir et l’entretenir. Sur quoi, il a été décidé que l’on avisera à le garder. »

Ille Gallus : c’est dans ces termes assez distants et presque dédaigneux que Genève désigne pour la première fois celui qui allait rapidement devenir son maître. D’un bout à l’autre de la vie de Calvin, on remarque l’art infini et peut-être inconscient qu’il a de se faire prier, rechercher et porter au premier rang, comme malgré lui et sans aucune apparence de désir ou d’ambition de sa part.

VII. Première période du ministère de Calvin à Genève (i 536-1 538). — Calvin était donc simple

« lecteur de la Sainte-Ecriture » à Genève, tandis

que Farel portait le titre de « prédicateur de l’Evangile » (voir Hkhminjaiid, Correspondance des Réform. , IV, n° 650). Ils marchaient la main dans la main. La Réforme gagnait rapidement du terrain en Suisse. Le canton de Berne se faisait le propagateur très zélé du mouvement anticatbolique. Pendant que l’Empereur cherchait à apaiser les querelles théologiques et interdisait les conférences, — on disait alors : les disputes, — contradictoires, en prévision du prochain Concile général, déjà convoqué par le pape Paul III, à Mantoue, les Bernois envoyaient au contraire des convocations publiques à la Dispute de Lausanne (i-8 octobre 1536). Tous les prêtres, moines, * etgensque l’on appelle d’Eglise », étaient sommés de « comparoir et se trouver à Lausanne. .. pour rendre raison de leur foi, pour maintenir et soutenir par la sainte Escriplure, tant du Vieulx que du Nouveau Testament, ce qu’ils enseignent, font et tiennent en l’assemblée du peuple a (Ruchat, Hist. de la Ré/orm. de la Suisse, V, 717).

Le clergé catholique, mal préparé à ce genre de combat, se montra très inférieur. La doctrine de l’Eglise ne trouva point de défenseur. Farel et Calvin triomphèrent sur toute la ligne. Le Conseil de Berne s’empressa de décréter la destruction de

« l’Eglise papale » dans tout le pays de Vaud (19 octobre

1536). L’ordonnance contenait les formelles prescriptions que voici : « A ceste cause et affect mandons et commandons à tous et un chacun nous [nos] baillifs, advoyers, chastelain*, lieutenans et aullres officiers que, incontinent avoir vues iccstes, vous transpourtiez d’une église en l’autre, et aussy