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REFORME

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-V cette époque, Calvin était profondément attaché aux convictions catholiques. On commençait cependant à connaître le luthéranisme, en France, même en dehors des milieux universitaires. La Sorbonne avait condamné io3 propositions de Luther, en date du 15 avril 15ai. Depuis ce temps, elle poursuivait l’tiérésie protestante partout où elle envoyait des traces, et pas toujours avec beaucoup de discernement. Les procès d’hérésie avaient commencé pour les sectateurs de Luther, au temps même où Calvin arrivait à Paris Un certain Jean Vallières avait été brûlé, le 8 août i.">23. Un Picard, nommé Jacques 1’uivant ou Pavanes, d’abord jeté en prison, puis élargi, avait été ressaisi comme relaps, condamné et brûlé vif, en place de Grève, l’an 1525.

Un autre compatriote de Calvin, Louis de Berquin, avait de même été enfermé, puis délivré sur l’intervention de Louise de Savoie, alors régente, de nouveau appréhendé, en 1526, déclaré luthérien et par conséquent digne du bûcher, une seconde fois mis en liberté, sur l’ordre formel de François I, à son retour de Madrid. Il devait se faire reprendre en 1029, et cette fois il n’échapperait point à l’horrible peine du feu, réservée par le droit rigoureux du temps aux hérétiques notoires.

De tels événements ne pouvaient manquer de passionner les esprits, surtout dans les collèges, où l’on disputait du matin au soir. Les retentissantes querelles entre la Sorbonne et les novateurs, entre Erasme et Luther, entre Luther et les Zwingliens, devaient forcément défrayer les conversations des apprentis théologiens de Montaigu.

Le principal de cette école était justement Nobl Bkda ou Bédirr, le plus fougueux adversaire du protestantisme en France. Nul doute que le jeune Calvin n’ait pris parti, à cette date, pour ce principe d’autorité, qu’il appliquerait lui-même un jour avec une vigueur si inflexible, en matière doctrinale, dans son Eglise de Genève.

S’il avait désapprouvé les exécutions des hérétiques, en place de Grève, il est infiniment probable qu’il nous l’aurait appris dans quelqu’un des textes fameux où il explique son passage au protestantisme et que nous citerons dans un instant.

Jusqu’à 1528, date de sa sortie de Montaigu, Calvin n’a pas connu, semble-t-il, une seule hésitation en matière de foi. Son évolution vers le protestantisme se place entre 15a8 et 1533. Nous allons en analyser les phases successives.

II Passage de Cal via au protestantisme. — Au début de 15a8, Jean Calvin quittait le collège de Montaigu, pour s’engager dans l’étude du droit, son père avait changé d’avis et ne rêvait plus pour lui de la carrière ecclésiastique. Il alla donc à Orléans, où il eut pour maître Pierre de l’Estoile. L’année suivante, 15aç), il passait à l’Université de Bourges, où l’attirait la renommée du jurisconsulte Alciat. Il fit 4 Bourges la connaissance d’un humaniste allemand, Mklchior Wolmar, qui était luthérien et qui lui apprit un peu de grec. Sur ces entrefaites, la mort de son père, survenue le 26 mai 1 53 1, vint lui donner une liberté plus grande. Il en profita pour abandonner le droit, qui ne l’intéressait guère, et pour s’adonner aux études littéraires Pendant quelques années, le jeune Calvin sera humaniste à son tour. Il revient à Paris. Justement François I vient de fonder, en mars 1530, le fameux Collège de France (Collège des Trois Langues). Calvin se range parmi les premiers disciples des professeurs royaux : Pierre Danès, pour le grec, et Valable pour l’hébreu. Il coudoie peut-être, au cours, Ignace de Loyola, Pierre Lefèvre, François-Xavier, Marot, Rabelais I

En ces noms se résument toute l’époque et toutes les tendances de l’avenir.

Enfin, en 153a, il fait acte d’humaniste en publiant son premier ouvrage, un Commentaire sur le Traité delà clémence de Sénèque, dont la préface est datée du 4 avril.

L’année suivante, en octobre, il écrit, pour son ami Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris, un discours qui est prononcé le 1" novembre, et qui provoque un énorme scandale. Nicolas Cop, suspect de luthéranisme et poursuivi comme tel, s’enfuit à Bàle. Jean Calvin, non moins compromis, disparaît également. A partir d’octobre 1533, Calvin doit être regardé comme un adversaire déclaré du catholicisme. Nous disons qu’il a apostasie. Les protestants soutiennent qu’il s’est converti. Que s’est-il donc passé ? La tradition protestante la plus ancienne rattache cette « apostasie-conversion » de Calvin à l’influence de son cousin Pibrrb-Robbrt Olivétan. Cette tradition remonte à Théodore db Bbzb, premier biographe de Calvin, qui dit formellement : « Calvin, ayant été instruit de la vraie religion par un de ses parents nommé Pierre Robert Olivétan, et ayant lu avec soin les livres sacrés, commença d’avoir en horreur la doctrine de l’Eglise romaine et fit dessein de renoncer à sa communion. »

Ce texte a été admis sans contestation, presque jusqu’à nos jours. Certains historiens, d’esprit romantique, tels que Merle d’Aubigné, l’ont dramatisé avec complaisance. L’iconographie calviniste a représenté plus d’une fois ce tableau émouvant : dans quelque mansarde orléanaise, Olivétan et Calvin, jeunes étudiants tous les deux, disputant surlaBible, le premier essayant de faire comprendre au second la nécessité de remonter aux pures sources de la foi, Calvin se défendant, invoquant ce principe d’autorité qu’on lui avait inculqué et qui allait si bien à son tempérament, mais finissant par se laisser convaincre I

La critique la plus récente a fortement réduit la portée de l’affirmation de Bèze. Une lettre de Martin Bucer datée de Strasbourg, le 1" mai 1528, parle d’un jeune homme de Noyon, réfugié en Alsace, d’Orléans où il étudiait les lettres. Herminjard et Lefranc s’accordent à identifier ce jeune homme avec Olivétan. Mais si le cousin de Calvin a quitté Orléans, au plus tard, en avril 15a8, pour ne plus rentrer en France, ses relationsavec le futur réformateur n’ont pu être que très courtes. Calvin donnera, en 1 535, une double préface, en latin et en français, à la traduction de la Bible par Olivétan. Mais il ne fera aucune allusion au rôle que son parent aurait joué auprès de lui. Argument plus décisif encore : l’examen attentif de la préface et du commentaire de Calvin au De Clementia, celui de sa correspondance assez active avec ses amis, les Daniel, Duchemin et autres (une douzaine de lettres nous restent de1530à 1533, voir Hbrminjard, Correspondance des Réformateurs dans les pays de langue française, Paris-Genève, 1866et s., tomeII, p. 310, 3a8, 338, 345, etc.), ne dénote aucune aversion déclarée pour le catholicisme, aucune connaissance approfondie de la Bible. Il n’utilise que la Vulgate, el d’une façon qui n’a rien de spécifiquement protestant. Le critique calviniste Auguste Lang a pu écrire : « Du théologien biblique que deviendra Calvin, il n’y a encore aucune trace [en 153a]. La sainte Ecriture n’est pas encore entrée dans le cercle de ses goûts. Nous devons en conclure que son cœur ne bal pas encore pour elle. » (Zwingli und Calvin, von August Lang, Bielefeld und Leipzig, 1 91 3, p.o, 3.)

Si ce n’est pas Olivétan, c’est peut-être l’humaniste luthérien, Melciiior Wolmar, qui a entraîné Calvin