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tout cela que dei désordres récents, et voulait faire croire qu’en matière purement doctrinale les luthériens étaient les meilleurs des catholiques. On montrera plus loin, en instituant la critique générale du protestantisme, que le dissentiment était au contraire bien plus profond. Luther n’aurait jamais été condamné comme hérétique s’il n’avait voulu que corriger des abus ou réformer des hommes. Son erreur fut justement de croire que la doctrine même était corrompue dans l’Eglise et qu’il allait redécouvrir l’Evangile.

Une des plus solides réfutations de la Confession d’Augsbourg est celle de Bossdrt dans l’Histoire des variations. Il esta remarquer cependant que les premières éditions de la Confession présentaient toutes de notables différences. Bossuet lui-même le constate. Il ne cite pas toujours le texte comme nous venons de le faire. L’analyse qu’on vient de lire est faite d’après la rédaction authentique de Mélanchthon, lue à la diète d’Augsbourg, et éditée dans Corpus lieformatorum, XXVI, 263 et suiv. — Le document était signé de Jean, duc-électeur de Saxe, — Georges, margrave de Brandebourg, — Ernest, duc deLunebourg, — Philippe, landgrave de liesse, — Jean-Frédéric, duc de Saxe, — François, duc de Lunebourg, — Wolfgang, prince d’Anhalt, — le sénat et les magistrats de Nuremberg, — le sénat de Reutlingen. On sait que les théologiens catholiques réfutèrent la Confession et que Mélanchthon défendit son œuvre dans l’Apologie de la Confession d’Augsbourg, que les Luthériens considèrent également comme un de leurs livres symboliques.

IV. — APERÇU DE L’ÉVOLUTION DU

LUTHÉRANISME AUX XVIIe ET XVIIP SIÈCLES

I. La scolastique luthérienne, — XVI* et XVII’siècles. — La luthéranisme avait été, pour une bonne part, une protestation contre la scolastique du Moyen Age. Mais la doctrine de Luther donnée comme la vérité absolue, purifiée de tout alliage humain, ne pouvait échapper à la loi fatale qui veut que trop souvent le commentaire finisse par recouvrir l’enseignement original. Les disciples, sont, en un sens, les pires ennemis du maître. Ils étouffent l’esprit en s’attachant à la lettre. Il se forma de bonne heure une scolastique luthérienne, infiniment plus sèche, plus étroite, plus intransigeante et plus disputeuse, que l’ancienne scolastique. Mklanchthon avait été le premier auteur d’une théologie systématique luthérienne, en publiant, dès 15ai, se » Loci communes rerum theologicarum seu hypotyposes theologicae. Son ouvrage, d’abord très incomplet et très sommaire, s’était développé, d’édition en édition, etil était devenu l* Manuel de. théologie luthérienne, par excellence. L’édition de 155q comptait 858 pages, au moins trois fois plus que celle de 1521. L’Eglise luthérienne reconnaissante décerne à Mélanchthon le titre de Præceptor Cermaniæ. Flacius Illyricus donna à la méthode de l’auteur le nom de synthétique (Mélanchthon passe de la cause à l’effet, des principes aux conséquences). Cette méthode demeura en honneur jusqu’à Georges Calixte (i 586-1 656).

Les principaux commentateurs du luthéranisme, marchant surlestraces de Mélanchthon, furentMARïin Chkmnitz (1522-i ^~l), mort surintendant (titre équivalent à celui d’évêque) de Brunswick. Son principal ouvrage avait pour titre : « Loci communes rerum theologicarum, qnibus et loci communes Melanchthonis perspicue explicantur et quasi integrum christianæ doctrinæ corpus ecdesiæ Dei sincère proponitur » (trois vol., Francfort-sur-le-Mein, i."><|i).

Avec Chemnitz, s’accusait déjà la tendance de l’orthodoxie luthérienne à se figer en formules fixes et à retourner au fatalisme prédestinatien de Luther, que Mélanchthon avait essayé d’adoucir. La que/elle synergisle avait éclaté un peu avant la mort de Mélanchthon, dès 1 558. Luther avait enseigné que l’homme « demeure purement passif, comme un morceau de bois ou une pierre entre les mains du statuaire, dans l’œuvre de sa conversion et de sa régénération sous l’action de Dieu ». En vain Mélanchthon avait-il timidement affirmé le libre-arbitre. Quand ses amis voulurent enseigner une coopération de la volonté humaine avec la grâce, dans la justification (c’est la doctrine appelée synergisme o » coopérationnisme), ils soulevèrent les protestations des luthériens stricts : Nicolas Amsdorp, Plaotos Illyricds. Les synergistes, PwrrJMMit, Strioai., Hukgbl bien que protégés par Mélanchthon, furent condamnés, les deux derniers même jetés en prison. Pendant un temps, on se demanda qui l’emporterait, des Flaciens ou des synergistes. Les princes, hésitants, passaient d’un camp à l’autre, et leur faveur décidait de la foi des sujets. Finalement le luthéranisme strict l’emporta.

ha. Formule de concorde en 1077, décida que dans l’œuvre de la justification, l’homme est » pire que la pierre ou le morceau de bois, parce qu’il répugne à la parole et à la volonté de Dieu ». Les principaux auteurs de cette Formule étaient Martin Chbmnitz et Nicolas Sklnbckbr (1532-160a). — La scolastique luthérienne proprement dite commence avec If.onhard Huttbr prf. à Wittemberg (1616), dont l’ouvrage principal, paru en 1619, était intitulé : Loci communes theologici ex sacris litteris diligenter euti, vtterum patrum testimonio passim roborati et confirmati, ad methodum eocorum Melanchthonis. » Mais le géant de la dogmatique luthérienne fut assurément Johann Gerhard (1082-1637), dont les Lieux théologiques, développés « en thèses nerveusement, solidement et copieusement » (textuel dans le sous titre) ne comptent pas moins de 9 volumes in-folio ! Avec Georges Calixte (1 586-1 656), un nouveau plan apparut dans les manuels luthériens. Calixte inaugurait la méthode analytique. Il divisait la théologie en trois parties : la fin (objective : Dieu, formelle la béatitude) ; — le sujet (l’homme déchu) ; — les moyens (grâce du Christ, parole de Dieu, sacrements). Il fut du reste attaqué avec violence pour ses opinions et ses tendances conciliantes. On lui reprocha de soutenir que le S3’mbole des Apôtres, commun aux catholiques, calvinistes et luthériens, contenait l’essentiel du christianisme et que tout le reste, par quoi les églises étaient divisées, n’était qu’opinion controversable. Ses plus chauds adversaires furent Abraham Calov (1612-1686), Huklsrmann, Buschbr, Wrllbr. — Ainsitoute tentative pour élargir l’orthodoxie luthérienne se heurtait à une farouche opposition. La scolastique de la secte était féroce autant que puérile. Pour donner une idée du genre de problèmes qu’on agitait au sein des écoles, rappelons seulement que, de 1616 à 1637, une formidablequerelle mit aux prises lesthéologiens de Giessen et ceux de Tubingue. Il s’agissait de savoir si le Verbe avait seulement voilé ou complètement abdiqué ses ntt’ibuls divins, en se faisant homme. Tubingue tenait pour la première solution ; on appela les partisans de cette doctrine les Cryptiques. Ceux de Giessen soutenaient que le Ch iist était vidé de toutes les prérogatives divines, ils furent dénommés les Kénotiques.

II. La réaction piétiste. — Une réaction devait se produire sous l’aiguillon de la Réforme catholique,