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REFORME

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voit combien Mélanchthon, jaloux île rétablir la responsabilité civile, était loin de maintenir dans leur rigueur, les thèses du de servo arbilrio de Luther où l’on pouvait lire notamment ceci :

« Par sa volonté immuable, éternelle et indéfectible, 

Dieu prévoit, prédit et réalise toutes choses. Cette proposition est comme un éclair qui foudroie et détruit de fond en comble la liberté humaine. » Mélanchthon, pour appuyer sa doctrine, cite l’/fvpognosticon attribue à saint Augustin, traité réellement antipélagien et où se trouve une phrase, soigneusement empruntée par Mélanchthon, de laquelle Bossuet a pu dire qu’elle insinue « l’erreur semipélagienne ». Voici cette phrase : « Le libre-arbitre ne peut commencer ou du moins achever les choses de Dieu sans Dieu » (voir Hist. des variations, livre I, i, n° 20). — 19. — De la cause du péché. — Ce n’est pas Dieu qui est cause du péché mais seulement

« la volonté des méchants, c’est-à-dire du diable

et des impies, qui, privée du secours de Dieu, s’éloigne de Dieu ». (On remarquera l’équivoque de cette proposition : veut-elle dire que Dieu ne donne point son aide pour qu’on s’éloigne de lui, ou que la volonté des méchants s’éloignede Dieu, parce qu’elle est privée du secours divin ? Dans ce dernier cas, qui serait sûrement le sens adopté par Luther, on se demande comment Dieu n’est point l’auteur du péché, puisqu’il prive les pécheurs de sa grâce, sans qu’on dise que ce soit leur faute.) — 20. — De la foi et des bonnes œuvres. — « On nous accuse injustement de prohiber les bonnes œuvres », dit Mélanchthon. Et comme cet article est le plus important de tous, il y insiste longuement dans la Confession. Il prétend qu’avant Luther on ne prêchait jamais sur la foi, mais seulement sur des « œuvres puériles et non nécessaires, telles que l’observation de certaines fêtes, de certains jeûnes, les confréries, les pèlerinages, le culte des saints, le rosaire, la vie monastique, etc. » C’est seulement depuis Luther que les catholiques eux-mêmes se sont mis à parler delà foi. Les luthériens affirment « que nos œuvres ne peuvent nous réconcilier avec Dieu, ni mériter la rémission des péchés, la grâce et la justi-Gcation, mais que celle-ci n’est obtenue que par la foi, en vertu de laquelle nous croyons que nous somm s reçus en grâce àcausedu Christ, seul médiateur et propitiateur ».

On avertit les hommes que le nom de foi ne signifie pas seulement la connaissance de l’histoire, telle que l’ont les impies et le diable, mais cette foi qui ne croit pas seulement à l’histoire, mais aussi à l’effet de l’histoire, c’est-à-dire à cet article : la rémission des péchés, à savoir que par le Christ nous avons la gràee, la justice et la rémission des péchés. »

— C’est ce qu’on a appelé la foi-confiance, opposée à la loi-croyance. On pourrait dire que la grande différence entre la théorie de la justification des luthériens et celle du Concile de Trente, c’est que pour les luthériens la présomption justifie, — tandis que pour l’Eglise catholique, c’est t la foi qui agit par famourt qui seule peut justilier. Mélanchthon cependant s’attache à sa doctrine parce qu’elle est consolant

  • . Nous touchons ici au cœur même du luthéranisme.

Il y a eu à cette époque un véritable romantisme spirituel, f.e mal du siècle, c’était l’effroi d> la conscience en face du Dieu vengeur. On le trouve chez Luther, chez Calvin, comme chez Mêla ichthon. Celui-ci écrit dans la Confession d’Augsbourg, au lieu même que nous analysons : « Toute cette doclrine doit être mise en rapport avec ce comintimpj de la conscience épouvantée, et elle ne peut être comprise sans ce combat… Les consciences pieuses et craintives reçoivent de là une grande con solation, car elles ne peuvent ètrt tranquillisées par aucune œuvre, mais seulement par la foi qui les assure que Dieu est apaisé pour elles par le Christ. » Autrefois on cherohait la consolation dans le cloître. Depuis Luther on la trouve dans la foi-certitude du salut personnel. — Mais, ajoute Mélanchthon, une fois justilié, le chrétien doit accomplir les œuvres pour répondre à la volonté de Dieu. Avec le Saint-Esprit qui est en lui, c’est chose facile. Comme disait Luther : un bon arbre rapporte toujours de bons fruits, — doctrine dangereuse et illusoire. — ai. — du culte des saints. — La Confession permet de proposer les exemples des saints, elle n’admet pas qu’on les invoque, ni qu’on leur demande du secours. — Serait-ce que les saints au paradis soient indifférents à noire égard ou que leur intercession n’a aucun pouvoir ? Ils sont doncousans amour ousans crédit I

Mélanchthon, en terminant cette première partie de la Confession, soutenait que cette doctrine des Eglises luthériennes ne s’éloignait « ni des Ecritures, ni de l’Eglise catholique, ni de l’Eglise romaine, en tant que représentée par les écrivains ecclésiastiques ». A l’entendre, les différends n’existaient qu’au sujet de certains abus t sans rapport avec la doctrine même. — La seconde partie de la Confession dénonçait donc ces abus : 1" la suppression de la communion sous les deux espèces et les processions de l’Hostie seule, séparée du calice, — 3° le célibat ecclésiastique, durement imposé en Allemagne, depuis cinq siècles (depuis Grégoire VII). Mélanchthon y est très opposé, — 3" la messe privée, qui ne se célèbre guère que par intérêt, affirme notre auteur. La Confession s’élève également contre la doctrine catholique du sacrifice de la Messe. Mais elle n’ose pas dire ouvertement que la Messe n’est pas un sacrilice, elle se contente de l’insinuer en de longues circonlocutions : i Si la messe détruit les péchés des vivants et des morts ex opère operato, dit-elle, la justification est effectuée par l’œuvre des messes et non par la foi, ce qui est contraire à l’Ecriture. » — Inutile de dire que telle n’est point la doctrine catholique, et que jamais théologien n’a enseigné

« que le Christ ayant satisfait dans sa passion pour

le péché originel, il a institué la messe pour y faire une oblation pour les péchés quotidiens [actuels], mortels et véniels ». Ceci est une invention gratuite de Mélanchthon, — 4° la confession auriculaire, avec énuméralion complète des fautes, — torture des consciences. — Cependant, dit le rédacteur, « la confession est conservée chez nous, tant à cause du très grand bienfait de l’absolution que pour les autres besoins des consciences », — 5° les traditions humaines concernant les jeûnes, abstinences, pratiques de piété, etc, — tout cela n’est fait que pour tyranniser les consciences, les éloigner de la doctrine de la foi, les troubler et les égarer, — 6° les vœux monastiques, causes, nous dit-on, de toutes sortes d’abus, soit au point de vue doctrinal (confiance dans les œuvres), — soit au point de vue moral, — "j" les envahissements de la puissance ecclésiastique. Cette dernière, assure Mélanchthon, a constamment usurpé sur le pouvoir civil. Elle a établi également une foule de lois, de décrets, de pratiques, dont l’unique résultat est l’oppression des consciences, telles que la récitation du bréviaire, le célibat ecclésiastique, les empêchements du mariage, le Carême, les Qualre-Temps, les rites de la Mf-sse et des Sacrements, etc., tout cela obligeant plus au moins sous peine de péché grave. Tout cela est manifestement abusif.

En terminant, la Confession donnait une brève mention aux abus secondaires : indulgences, pèlerinages, excommunications, etc., etc. Elle nevoyait en