Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/308

Cette page n’a pas encore été corrigée

603

RÉFORME

604

Ulrich db Hutten, un agitateur et un pamphlétaire, est le chef le plus autorisé, et l’appui de la chevalerie révolutionnaire, notamment Je Fhanî de Sickinobn et de Silvbstre db Schacmbbrg. Se sentant soutenu par un puissant parti nationaliste et italophobe, il écrit le 10 juillet k>20 : « Le sort en est jeté ! je méprise la fureur et la faveur de Rome : je neveux plus de réconciliation ni decommunion avec eux pour l’éternité » ; et le 17 juillet, il donne, dans une autre lettre, le secret de son assurance : « Silvestre de Schaumberg et Franz de Sickingen m’ont désormais affranchi de toute crainte humaine. »

Aussi, dès le I er août, il lance son fameux appel : A la noblesse chrétienne d’Allemagne sur la réforme de VEtat chrétien. Il monte à l’assaut de la « triple muraille » qui constitue la forteresse des « romanistes » — on dira bientôt des papistes. La première, c’est la distinction du clergé et des fidèles. Luther proclame l’égalité de tous les chrétiens, c’est le principe du sacerdoce universel. La seconde muraille, c’est le droit d’interpréter la Bible réservée l’autorité ecclésiastique. Luther déclare que la Bible est à tout le monde ; principe du libre-examen, en fait sinon en droit, comme on a vu plus haut. La troisième muraille, c’est le droit que le Pape s’arroge de pouvoir seul convoquer le Concile général. Luther transfère ce droit aux princes, et ce principe le conduira au césaropapisme, c’est-à-dire aux Eglises d’Etat.

En octobre 15ao, Luther publie son Prélude sur la captivité babylonienne de l’Eglise, où il s’attaque au dogme sacramentaire et réduit le nombre des sacrements à trois : Baptême, Eucharistie, Pénitence, eu subordonnant leur efficacité à la foi, qui seule justifie (Le sacrement agit non plus ex opère operato, mais ex opère operantis).

Enfin, en novembre, paraissait le petit livre De la liberté du chrétien, qui achève la trilogie des écrits révolutionnaires de Luther. Il y précise la théorie de la justification par la foi seule. La foi, d’après lui, nous rend libres de toute obligation. Cependant, l’homme qui a la foi, s’empresse d’accomplir, par pur amour, tout le bien dont le Christ nous a donné l’exemple. Il n’est pas douteux que le peuple, toujours simpliste, aitcomprisqu’on pouvait tout se permettre pourvu qu’on eût la foi, c’est-à-dire la certitude du salut, sans les œuvres.

Cependant Rome avait parlé. La Bulle Exsurge Domine, du 1 5 juin 1510, condamnait’< 1 propositions de Luther etexigeaitdesa part unerétractation. sous menace d’anathème. En recevant cette sommation suprême, Luther bondit de colère et de rage. La haine de Rome s’exhale dès lors dans ses lettres et ses écrits, en invectives forcenées et brûlantes. Le 17 novembre, il renouvelle son Appel au Concile, — simple artifice de procédure de sa part, — puis le 10 décembre 1920, il brûle publiquement la Bulle du pape, à Wittemberg, en disant : « Parce que tu as tourmenté In vérité de Dieu, il te tourmente à ton tour dans ce feu.* » A quoi tous les assistants répondent : Amen (voir Grisar, Luther, J, p. 3}o, note). Finalement, leojanvier 15ai, Lkon X lança l’excommunication.

La parole était à l’empereur, pour l’exécution des conséquences civiles de cette mesure. L’empereur était alors Ciurlbs-Quint, qui venait d’arriver au trône. A la demande du légat Jkiiômr Alkandrb, Charles-Quint résolut d’intervenir. Il ne crut pas pouvoir cependant procéder immédiatement contre Luther et il le convoqua à la diète de Vorms. en lui adressant un sauf-conduit. Luther comparut le 18 avril 1 5a 1 et prononça, en pleine assemblée, ces paroles fameuses : « PuisqueSa Majesté Impériale et les seigneurs désirent une réponse simple, j’en

donnerai une qui n’aura ni cornes ni dents : A moins d’être convaincu par des preuves d’Ecriture et des raisons évidentes, — car je ne crois ni au Pape ni aux Conciles seuls, lesquels, cela est certain, se sont souvent trompés et contredits, — je suis lié par les textes que j’ai apportés tt ma conscience est captive des paroles de Dieu. Je ne puis ni ne veu.r rien rétracter, parce qu’il n’est ni sûr ni convenable d’aller contre sa conscience. Dieu me soit en aide ! Amen. »

Cette réponse ne luissepas que d’être impressionnante. Notons toutefois que le principe sous-entendu dont s’inspire Luther, à savoir que « quand on a un texte clair, l’on doit s’y tenir, alors même que l’explication des Maîtres serait contraire », est essentiellement fallacieux. Ce principe, Luther l’avait formulé à la Dispute de Leipzig^ le l juillet 151g. Jean Eck avait répliqué avec beaucoup d’à propos :

« Si le texte est si clair, comment les divins Docteurs

ne V auraient-ils jamais compris ! » et il concluait que

« personne ne doit interpréter la Bible d’après sa

raison individuelle, mais seulement d’après le sentiment des Pères ». De toute évidence, la religion du Christ n’avait plus à être découverte, quinze siècles après les Apôtres I Autrement ce serait à désespérer de la vérité. Ce n’est pas en vain que le Christ a fondé une Eglise hiérarchisée, indéfectible, infaillible, et lui a promis son assistance « jusqu’à la consommation du siècle » (voir Saint Matthieu, xxviii, ao).

Luther, ayant refusé de se rétracter, fut mis au ban de l’empire. Mais comme il jouissait du saufconduit jnsqu’à son retour à Wittemberg, l’exécution de la sentence était réservée à son prince immédiat, Frédéric le Sage. Celui-ci le fit enlever mystérieusement, pendant le voyage de retour, et mettre en sûreté sous an déguisement, au château de la Wartbourg (4 m li 15ai). Frédéric ne comprenait rien aux querelles théologiques et il tenait à son Luther, parce qu’il voyait en lui l’ornement et la gloire de la jeune Université de Wittemberg, fondée par ses soins, en 150a. On appelait Frédéric « le Renard saxon ». C’est grâce à lui que Luther échappa aux foudres impériales.

VIII. Fondation de l’Eglise protestante (1 5a 1-1629). — Luther resta dix mois à la Wartbourg. Les troubles intimes, qui toute sa vie l’avaient tourmenté, reprirent de plus belle en sa profonde solitude. Il se demandait anxieusement : « Es-tu donc le seul sage ? Tous les autres se trompent-ils ? Tant de siècles onl-ilsété dansl’ignorance ? » — C’était, on s’en souvient, ce que Eck lui avait objecté à Leipzig, c’était ce que Jean d’Ecken, officiai de Trêves, lui opposait de nouveau, à la diète de Worms. — « Et si tu te trompais, reprenait Luther, et si tu entraînais avectoi tant d’àmesà l’erreur et à la damnation éternelle ? » (Préface du De abroganda missa, composée à la Wartbourg et datée du i’r nov. 15ai, Weirnar, VIII, 4’"*) Son imagination terrifiée lui faisait voir le diable en personne, sous des apparences diverses : « J*. n’ai pas seulement un Satan avec moi, écrivait-il, ou plutôt contre moi… » (Lettre à SpaUtin, Il nov. 15ai, Endbrs, III, a’17). Parfois, ilsemble presque halluciné, seslettresd’alors sont bizarres, violentes, déconcertantes. Ilest visiblement malade de corps et d’esprit. C’est le moment qu’il choisit pour aborder la délicate question du célibat ecclésiastique et des vœux de religion. Des nouvelles inquiétantes lui arrivent de Wittemberg. Son ancien collègue, Karlstadt prend, à sa place, la tête du mouvement. Un de « es confrères augustins, Gabriel Zwillihg, le supplante comme prédicateur.