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REFORME

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évêchés de Magdebourg et d’Halberstadt, qu’une Indulgence fut concédée aux diocèses qui dépendaient de lui. Pour gagner cette indulgence, il fallait donner une aumône (le » indigents en étaient dispensés). La moitié du produit de cette aumône devait revenir à Albert, l’autre moitié à la fabrique de Saint-Pierre de Rome, alors en construction. On était très monté en Allemagne contre la fiscalité pontificale. Des rumeurs de colère s'élevèrent de toutes part ». On ne parlait que de l’affaire des Indulgences, dans les tavernes, allirme Luther. C’est alors qu’il résolut d'élever la voix. Il choisit la grande fête de la Toussaint, qui attirait à la Collégiale ou Chapelle du Château, à Wittemberg, un grand concours de peuple, et la veille au soir, — 31 octobre 15 1 7, — il afficha à la porte de cette église ses 9.î thèses contre les indulgences. Ce qui prouve que la foule comprenait infiniment mieux son geste que sa doctrine, o’est qu'à cette date il reprochait surtout aux Indulgences d’engendrer chez les acheteurs la certitude du salut et de les détourner de la vraie pénitence. On l’applaudissait quand même, parce qu’on ne retenait de ses thèses que l’idée d’une hardie protestation contre Rome et contre le « tratic des indulgences ». L’année suivante, il dira tout le contraire. Il aura découvert le dogme de la certitude du salut, il proclamera ce dogme avec la plus intransigeante rigueur. On l’applaudira encore. Il sera très sou vent amené à se contredire dans la suite, sur un point ou sur un autre. On l’applaudira quand même. Cela ne montre-t-il pas jusqu'à l'évidence qu’il peut dire à son gré blanc ou noir, pourvu qu’il soit contre l’Eglise romaine, il obtient toujours le même succès. Les thèses qui retinrent l’attention et dont l'énoncé provoqua en quelques jours un émoi de Révolution dans toute l’Allemagne, furent les suivantes : « Les trésors des indulgences sont les filets avec lesquels on pèche aujourd’hui les richesses des hommes. Pourquoi le Pape, dont les richesses sont plus grasses que celles des Crassus les plus opulents, n'élève-t-il pas sa basiliqne de Saint-Pierre avec son argent plutôt qu’avec celui des pauvres fidèles ?… Si le Pape est capable de racheter tant d'âmes du purgatoire pour de l’argent, sous prétexte de bâtir une basilique, pourquoi ne les délivre-t-il pas toutes par charité pure ?… etc. (thèses 66, 86, 82). En même temps, Luther se faisait l'écho des fables les plus indignes contre les prédicateurs d’indulgences, dont le principal, on le sait, était le dominicain Jran Trtzkl (thèse 75).

Luther semble avoir été surpris par l'énorme retentissement de ses thèses. Elles furentimprimées un peu partout, à son insu. Anssitôtl’Alleraagne se trouva divisée en deux camps. Les uns appplaudissaient avec rage, les autres proféraient, paralt-il, des menaces de mort contre le nouvel hérésiarque. Tetzel répondit, en janvier 1518, par une longue liste d’Antithèses, mais quand celles-ci parvinrent à Wittemberg, les étudiants en arrachèrent les copies au colporteur et en firent un feu de joie. L’Archevêque de Mayence avait entre temps déféré à Rome les thèses de Luther. Une enquête canonique fut ouverte. Le Maître du Sacré Palais, Silrestro Mazzolini dit Prierias, publia une réfutation en règle des idées de Luther. Cekii-ci avait un tempérament irascible et têtu. II fut aiguillonné par les critiqurs, bien plus qu’effrayé par les menaces. Il écrivait, le a£ mars 1518 : « Plus ils témoignent de fureuret plus je m’avance. Je laisse mes premières positions pour qu’ils jappent après et j’en prends de nouvelles pour les faire aboyer encore » (f.ettres, éd.EivDKRs, I, 173).

Luther, du reste, se sent soutenu par son prince,

l’Electeur Frédéric de Saxe, et il entretient une correspondance sacrée avec Spalalin, confident et chapelain de Frédéric. Il commence à parler de réforme radicale de l’Eglise. Rome lui apparaît comme le siègede l’Antéchrist. La haine des Italiens soulève son cœur d’Allemand.

Il consentit toutefois à comparaître devant le cardinal-légat, Cajbt an, à Augsbourg^-ao octobre 1518). Le cardinal le traita très paternellement, mais exigea sa soumission à l’Eglise. Luther au contraire voulut discuter. Ses arguments étaient du reste sans aucune portée. Aucune discussion ne pouvait aboutir. Cajétan parlait théologie, Luther croyait faire de même, mais sous son langage perçaient des impressions d’ordre tout subjectif. Avant de se rendre à Augsbourg.il avait écrit à Staupitz : « Aucune menace ne peut m'émouvoir. Je souffre, comme tu sais, des choses incomparablement pires, qui m’obligent à regarder comme insignifiantes les foudres passagères (de Rome) » (Lettres, Endkrs, I, 223). De quelle nature étaient ces souffrances, nous ne pouvons que le conjecturer. Mais il n’est pas douteux que c’est dans ces tortures intimes qu’il faut chercher l’explication dernière et de la doctrine de Luther et de l’obstination désespérée qu’il mettait à la défendre.

Dès lors les événements se précipitent. Il suffira de rappeler ici les dates principales. Dans la nuit du aoauai octobre, Luthers’enfuitd’Augsbourg. Le 22, il lance son Appel du Pape mal informé au Pape mieux informé ; le 28 novembre, son Appel du Pape au Concile général. Dans la célèbre Dispute de Leipzig (27 juin-16 juillet 1919) contre Jban Eck, il rejette définitivement toute autorité dogmatique, il nie l’infaillibilité des Conciles généraux et nereconnaitplus que la Bible comme source de toute vérité, mais la Bible interprétée par chaque chrétien, sous l’influx de l’Espril-Saint.

Ainsi sa théologie, déjà formée dans ses principes métaphysiques (fatalisme prédestinatien) et théologiques qustification par la foi au salut personnel, sans les œuvres), de 1515 à 1518, se complète par la théorie du biblicisme intégral, qui consacre la rupture avec l’autorité enseignante de l’Eglise. Paradoxal jusqu’au bout, Luther condamne cependant le libre examen et prétend que « les Saintes Lettres ne peuvent être pénétrées par l'étude ni par l’esprit humain… » « Il faut donc que tu désespères, affirmait-il, de ton propre examen et de ta raison, pour n’avoir conliance que dans le véritable influx de l’Esprit-Sainl. Crois-en mon expérience « (Lettre du ï8 janvier 1518, Endkrs, I, 1^2).

Il ne s’apercevait pas que rien n’est plus dangereux que cet appel, — par delà le bon sens et la raison, — à l’influx direct de l’Esprit-Saint. Le protestantisme sera jusqu'à nosjours condamné à osciller entre Villuminisme et le rationalisme,

Luther se heurtera bientôt aux illuminés (Anabaptistes, dès le début de 1622) etleurfera, jusqu'à sa mort, une rude guerre. Mais ayant sapé le principe d'à u <0'17e', indispensable pour trancher en dernier ressort les discussions exégétiques, il livrera la Bible sans défense aux inévitables variations du sens propre, — et c’est ce qu’on appellera le libre examen.

VII. Révolte ouverte contre Rome. — En 1 5 1 9, après la Dispute de Leipzig, Luther est définitivement détaché de l’Eglise romaine et du dogme catholique. Mais il hésite à déclarerouvertement la guerre au Pape. Son protecteur, Frédéric le Sage, est ennemi des aventures. C’est alors que le moine Augustin reçoit les encouragements des néo-humanistes, dont