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sous lesquels on peut ranger les plus hautes réalités chrétiennes : amour, sympathie, magnanimité, don de soi, exemple, émulation généreuse… A l’aide de ces mois, on peut reconstruire toute la dogmatique chrétienne, — oui, mais après l’avoir vidée de son contenu historique. Un tel christianisme n’a qu’un défaut : il est tout entier construit de mains d’hommes.

Entre ces deux déformations, diamétralement opposées, de la donnée chrétienne, il est clair que l'écart est grand. Inutile de discuter laquelle mérite le plus d’analhemes : ce ne serait sans doute pas la première, car la répulsion même qu’elle provoque sullit à en préserver nos générations. Nous ne nous attarderons pas non plus à rechercher par quelles teintes dégradées on peut passer insensiblement de l’une à l’autre. Il suflit que toutes deux soient hérétiques. La doctrine catholique répudie l’un et l’autre excès. Elle fait sa part à la justice vindicative, à l’expiation pénale, si fortement marquée dans l’Ecriture, à la rédemption objective, à la réelle solidarité de tous les hommes dans le Christ nouvel Adam. Et elle fait sa part à l’amour paternel de Dieu, qui l’a porté à livrer son Fils unique ; à la valeur subjective d’exemple que possède la passion du Fils de Dieu, à la contagion salutaire de la grâce, qui, dans le corps mystiquedu Christ, fait concourir les mérites de plusieurs au bien de tous.

V. — Conclusion

Le dogme catholique de la Rédemption a subi des attaques nombreuses et diverses qui, pour une bonne part, se détruisent entre elles. Pour le venger de ces attaques, il suffit bien souvent de rétablir la notion exacte du dogme.

Cette notion est complexe. Elle réunit dans son unité l'élément objectif : — réparation due à la majesté divine —, et l'élément subjectif : — appropriation à chaque fidèle de la justice, méritée pour tous par le Christ rédempteur.

On a vu que l’ancienne orthodoxie protestante appuya exclusivement sur l'élément objectif, non sans le déformer ; que, par contre, le rationalisme socinien et le protestantisme libéral s’attachèrent à l'élément subjectif, au point de faire évanouir la Rédemption objective.

La doctrine catholique réunit les deux points de vue dans une harmonieuse unité. Elle donne au dogme sa pleine valeur devant Dieu et devant les hommes.

D’ailleurs elle n’est pas solidaire des déformations infligées parfois à l'élément objectif de la Rédemption. La forme juridique donnée par la tradition à l’exposition de ce dogme est fondée sur l’ordre essentiel des choses. Elle est indépendante do la théorie primitive des droits du démon, simple excroissance imputable à quelques Pères. Indépendante aussi du conflit imaginé parfois entre les attributs divins, dramaturgie grossière et naïve qui trouve son excuse dans la difficulté d’analyser en concepts humains l'œuvre divine. L'œuvre divine est trop complexe pour se laisser enfermer dans une formule simple. L’idée de satisfaction vicaire offre un cadre très propre à en grouper les aspects essentiels. L’aspect de miséricorde et de grâce est au premier plan. La doctrine catholique repousse l’idée d’un Dieu cruel et sanguinaire qui se repaîtrait de vengeance et de supplices. Elle écarte également l’idée d’un Dieu débonnaire qui, après avoir pourvu le genre humain d’une rançon surabondante, se désintéresserait de la conduite des individns.

L'élément subjectif de la Rédemption présente

lui-même de multiples aspects. Aspect exemplaire : c’est l’attitude sainte du Christ humilié pour nous et obéissant jusqu'à la mort. Aspect sacramentel : c’est la communication de la vie divine par les sacrements de l’Eglise. Aspect personnel : c’est l’effort spirituel de chaque Ûdèle, aidé de la grâce, pour faire siens les fruits de la Rédemption du Christ.

Le mystère de la Rédemption, loin de scandaliser la raison humaine, lui offre le thème de méditations admirables, en même temps qu’il provoque le cœur humain à répondre par l’amour à l’amour du Rédempteur.

Bibliographie. — La littérature du sujet — littérature catholique et plus encore littérature protestante — est infinie. Tous les cours classiques de théologie renferment un traité delà Rédemption. Le présent article a fourni des indications éparses. Qu’il suffise de signaler, en terminant, quelques ouvrages catholiques, pour la plupart d’accès facile, et pourvus de riches bibliographies.

B. Dôrholt, Die Lehre von der Genugtuung Christi, Paderborn, 1891. — J. Rivière, Le dogme delà Rédemption ; Etude historique, Paris, iqo5.

— C. Van Combrugghe.ZJe Soteriologiæ christianae primis fontibus, Lovanii, 1905. — J. Wirtz, Die Lehre von der Apolylrosis, untersucht nach den hl. Schriften und den griechischen Schri/tstellern bis auf Origenes einschliesslich, Trier, 1906. — K. Staab, Die Lehre von der stellvertretenden Genugtuung Christi, Paderborn, 1908. — E. Hugon, O.P., Le mystère de la Rédemption, Paris, 1910.

— J. Laminne, La Rédemption. Etude dogmatique, Bruxelles, 191 1. — J. Rivière, Le dogme de la Rédemption. Etude théologique, Paris, 191 4 (à consulter pour l’exposition des théories prolestantes). — P. Ricard, O. S. B., De satis/actionc Christi, in tractatum S. Anselmi « Cnr Deus hamo » Disserlalio historico-dogmatica, Lovanii, 1 9 1 4 - — Chr. Pesch., S. I., Das Suhneleiden unseres gôltlichen Erlosers, Freiburg i. B., 1916.

— A.Médebielle.Za Vie donnée en rançon ; article de Biblica (Rome, janvier 1923).

A. d’Alès.


RÉFORME. — Le présent article ne peut prétendre donner une orientation complète sur les causes, le développement et l’histoire de la Réforme protestante. D’un point de vue catholique, on devait s’attacher à marquer, pour les divers pays où la Réforme s’est implantée, l’origine de ce mouvement très complexe, à en décrire l’aboutissement de nos jours, à en dégager l’esprit.


I. — Causes religieuses, politiques et morales de la Réforme protestante.
II. — Luther. Sa vie, son œuvre, son caractère.
III. — La Confession d’Augsbourg.
IV. — Aperçu de l'évolution du Luthéranisme aux XVIIe et XVIIIe siècles.
V. — Calvin et le Protestantisme à Genève.
VI. — Origines du schisme anglican.
VII. — Le Protestantisme allemand moderne.
VIII. — Le Protestantisme français.
IX. — L’Anglicanisme moderne.
X. — Suisse.
XI. — Pays-Bas.
XII. — Pays Scandinaves.
XIII. — Europe centrale.
XIV. — Amérique.
XV. — Principes et essence de la Réforme.