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RÉDEMPTION

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de Socin, la. valeur religieuse de ce légalisme demeure médiocre. L’effort tenté pour défendre la satisfaction du Christ n’aboutit qu’à un compromis de surface entra la justice qui se désiste et la sagesse qui sauve les apparences. Expédient politique, suggéré par l’esprit de gouvernement ; non solution vraie de la tradition chrétienne.

VI. Ohientations nouvelles : naithalismi et mysticisme. Le xixe siècle a vu revivre, au sein du protestantisme, les anciennes doctrines de la Réforma, avec toutes sortes d’amendements, dont nous ne pouvons dcnomlirer l’infinie variété. Mais surtout, il en a vu naître de nouvelles, d’un christianisme de plus en plus dilué. Parmi ces dernières, deux tendances générales se font jour : un naturalisme inclinant plus ou moins au panthéisme, et le mysticisme. Ces deux tendances se mêlent dans plusieurs des uiouvenientsque nous allons énumérer.

a) Renaissance gnosli^ut. — L’invasion du naturalisme, dans la théologie de la Rédemption, n’est pas un phénomène sans précédent. On l’a vue se produire dès les premiers temps du christianisme. Les aspirations confuses, qui trouvèrent leur expression dans les diverses sectes gnostiques, présentent ce trait commun : elles poursuivent la libération d’un principe spirituel captif dans la matière. Cette libération est, au sens le plus vague du mot, une rédemption : rédemption analogue à celle des mystères païens, qui déjà parlaient à leurs initiés de salut, de renaissance, d’apothéose. Voir art. Mystères, col. 1001-1004. La fameuse trilogie valentinienne, qui distinguait des natures pneumatiques, psychiques et hyliques, ouvrait aux natures psychiques des perspectives d’affranchissement et d’ascension vers le monde des esprits. Le manichéisme incitait ses adeptes à libérer par l’ascèse, notamment par l’ascèse alimentaire, les parcelles divines qu’ils portaient en eux. Selon toutes ces vieilles contrefaçons du christianisme, la rédemption est la réalisation d’une destinée supérieure, d’après les lois d’une mystérieuse sagesse dont le secret fut souvent demandé à une interprétation ésotérique des Livres saints. Ainsi la gnose renouait-elle la chaîne des mystères païens ; elle prenait rang parmi les diverses créations religieuses qui, avant et depuis notre ère, ont prétendu résoudre, par le seul effort de la nature, l’énigme douloureuse de la destinée humaine. Phénomène noté par E. du Fayb, Gnostiques et Gnosticismt, p. 433-4, Paris, 1 g 1 3.

Notre temps* connu plus d’une renaissance gnostique. Citons au moins un exemple.

Dans son livre récent, intitulé Kyrios Chrisios (Gôttingen, 1913), W. Bousset, auteur profondément versé dans la connaissance de la gnose, reprenait lui-même latræedes gnostiques, en retraçant le plan de la Réilemptiou d’après saint Paul : simple drame de métaphysique religieuse, dont les protagonistes sont les deux Adam. J’en emprunte l’esquisse à nn remarquable artiele du R P. Hdbt, Recherches de Science religieuse, iar.’1( p. ! j~ :

Si ta nature humaine est essentiellement… chair de pécha, comment le Kiis de Dieu a-t-i) pu l’en revêtir ? Saint Paul se contente de répondre que c’est une iiiig ose, ’.Il mystère ; en tout cas, la mert sur la croix a délivré le nrist à tout jamais de cette chair de péché. Jésus ressuscité jouit d iid corps spirituel, mais ce corps n’est pas le mime que le cadavre enseveli après la descente de croix ; il y a eu preduetien d’un cerps nouveau, et il en sera à 1 * mime poor tous les justes qui ressusciteront, car In chair et le sang ne peuvent possé 1er le royaume de Dieu. Cette me-rt et cette résurrection du Christ sont le svtnhele de la mort du vieil homme et de la naissance dn | chrétien a une rie nouvelle. Ce changement s’opère par

le Baptême, le vieil homme y meurt une fois pour toutes, et si complètement que M. lt.iussct peut écrira, non sans une pointe d’orgueil national : « La pensée luthérienne d’une lutte contre le vieil Adam, lutte quotidienne, incessante, toujours renouvelée avec la même ardeur, n’est pas paulinienne. »

De telles imaginations nous entraînant évidemment fort loin de saint Paul et de tout christianisme. Elles sont d’ailleurs étrangères aux grands courants de la penser- protestante, et ne noua retiendront pas plus longtemps. L’artiele Kki-’ohmk fournira, sur le fond du luthéranisme, les éclaircissements nécessaires. avec des éléments pour l’appréciation de cet effort isolé. R faut venir à des mouvements beaucoup plus profonds.

b) Rationalisme kantien. — L’effort tenté par le rationalisme allemand pour interpréter la donnée chrétienne aboutit souvent à un vague panthéisme, et en particulier à la conception d’une Rédemption sans Rédempteur.

Dans son écrit sur La Religion dans les limites de la raison (17 ij3 ; trad. fr. par A. Tremesaygnes, Paris, iy13), Kant avait tracé la voie : à ses yeux, le personnage de Jésus n’a de valeur que comme traduction de tendances religieuses immanentes à l’humanité. Voir art. Criticismu kantikn, !. I, 748. Pour Ht MM. la vie et la mort du Christ représentent un instant, instant décisif, dans la conscience universelle du Dieu-humanité, que l’évolution éternelle ramène à son principe à travers le renoncement et la mort. Telle est l’idée de la Rédemption qui se dégage de sa Philosophie de la Religion : i rc éd. 1832, a » 18/10 ; trad. fr. par A. Véra, Paris, 1876-8, 2 vol.

c) Sentimentalisme de Schleiermacher. — Schleikhmachkr (1 768-1834), dans sa Dogmatique, publiée en 1821 sous ce titre : Der christliche Glaube nach den Grundsàtzen der evangelischen Kirche in Zusammenhange dargestellt, s’oppose tout ensemble à la tradition luthérienne et au rationalisme kantien. L’idée de Rédemption occupe le centre de sa théologie. La vie humaine lui offre le spectacle de la lutte entre deux principes : la conscience de Dieu, sentiment de dépendance absolue qui représente la synthèse des éléments supérieurs ; et la conscience sensible, synthèse des éléments inférieurs. Assurer l’empire de la conscience de Dieu sur la conscience sensible, est la leçon enseignée à l’humanité par des médiateurs divins, dont le plus grand est le Christ. Kn cela consiste précisément la Rédemption. Le Christ a seul réalisé pleinement en sa personne la victoire de la conscience de Dieu sur la conseïence sensible, et cette victoire a porté des fruits poumons dans la révélation du Dieu-Père, que nous a faite le Christ. A ce titre, et à ce titre seulement, le Christ est le Rédempteur de l’humanité. La Rédemption, pour chaque homme en particulier, consiste à développer en lui-même le germe de vie spirituelle qu’y a déposé le Christ : par où il assurera dans son être la suprématie delà conscience divine.

Système hybride, àbase de rationalismepanthéiste, d’ailleurs pénétré d’un mysticisme pseudoehrétien, vague réminiscence de l’éducation donnée à Schleiermacher par les- « Frères Moraves ». Scbleiermæher rejette le dogme de l’expiation, cher à l’orthodoxie luthérienne, et ne réserve à la mort du Christ, dans son système, aucune place de choix. Il prétend s’élever au-dessus du rationalisme, mais sa description du conflit entre les deux principes coexistant dans l’homme, est pur naturalisme psychologique. Il n’a fait que donner au rationalisme à la mode une teinte plus sentimentale.

Il n’en fallait pas davantage pour assurer à la pen-