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REDEMPTION

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fecit. Le Catéchisme romain y insista, dans la doctrine sur le sacrement de pénitence, en montrant dans In satisfaction du Christ le principe de celle que le pécheur doit à Dieu, et rattachant cette vérité au texte de saint Jean sur le Christ victime de propitiation pour nos péchés (1 lo., ii, a). Voir Catecli. Mom., Pars ii, De pænit. saor., 02-60, notamment 53.

Le Concile du Vatican a voulu faire plus. La définition de la doctrine catholique sur la Rédemption était inscrite au programme des travaux conciliaires ; le temps manqua pour une dcliuitiou ; mais un schéma dogmatique, soumis aux Pères du Concile et refondu d’après leurs observations, demeure comme l’expression authentique delà foi commune. L’une et l’autre rédaction développe tout au long la doctrine de la satisfactio vicaria. Voir Acta et Décréta sacrorum Concilierum recentiorum. Collection f.acensis, t. VII, Schéma Constitutionis de doctrina catholica, c. xiv, p., ">15 ; eiusdem schematis reformata pars altéra, c. iv, 7.8, p. 561, avec deux canons, p. 566 :

Can. 5. Si quis afjirmare præsumpserit satisfactionem vicariam, unius se. Mediatoris pro cunctis hominibus, divinæ gratiæ repugnare, A. S.

Can. 6. Si quis non conpteatur ipsum Deum Verbum, in assitmta carne patiendo et moriendo, pro peccatis nostris Deo potuisse satisfacere vel vere et proprie satisfecisse nobisque gratiam et gloriam mentisse, A. S.

Lbon XIII, inaugurant le nouveau siècle par l’encyclique Tametsi futura, reprit la même doctrine et la même expression. Leonis XIII Pontificis maximi Acta, vol. XX, p. 398. Romae, typogr. Vatic, 1901. In-i.

… L’excès de son amour pour nous fit que Dieu se livra pour notre salut. Quand fut accompli le temps marqué dans le conseil divin, le Fils de Dieu, fait homme, offrit pour les hommes, à la majesté offensée de son Père, la satisfaction surabondante et trè » précieuse de son sang, et rachetant duu si grand prix le genre humain, le réclama comme sien. Vous n’avez pas été rachetés d’un prix corruptible, or ou argent, mais bien du sang précieux de l Agneau immaculé, irréprochable, le Christ (I Petr., 1, 18-19). Ainai tous les hommes sans exception, déjà soumis à sa puissance et à son empire, parce qu’il eat leur créateur et leur conservateur, vraiment f-t proprement rachetés par lui, redevinrent siens. Vvus ne vous appartenez pat : vous avez été achetés d’un grand prise {[ Cor, , vi, 19-20). Ainsi Dieu restaura-t-il tout dans Je Christ. Tel est le mystère de sa volonté, selon le bon plaisir qu’il disposa par av.incetn lui, en vue de la plénitude des temps, pour tout restaurer dans le Christ [Eph., i, 9, 10)…

Exposition grandiose, presque entièrement tissue de réminiscences scripturaires ; les antiques formules de la Bible, marquées au coin de la civilisation juive, y encadrent le néologisme théologique de satisfaction rendue à Dieu par son Fils unique, expression authentique de la tradition chrétienne sur la Rédemption.

Parvenus à ce sommet, nous pouvons embrasser du regard tout le développement de la doctrine. Il aboutit à suspendre l’énoncé du dogme à la notion de satisfaction vicaire. Dajis son fond, la Rédemption est éminemment œuvre d’amour, loan., iii, 16 :

« Dieu a aimé le monde jusqu’à donner son Fils unique, 

afin que tout homme qui croit en lui ne périsse point, mais qu’il ait la vie éternelle. « Sans préjudice des formes juridiques observées dans cette œuvre d’amour.

b) Analyse de la satisfaction vicaire. — Si l’on essaye d’analyser cette idée consacrée par la tradition dogmatique, on rencontre plus d’une sorte de justice.

Kl d’abord la justice commutati ve, qui règle l’é change des biens. Des expressions telles que tswtùurfm (I 77m., ii, 6) suggèrent naturellement cette voie, cl l’on a vu saint Anselme s’y engager. Il faut avouer qu’elle ne mène pas très loin. Car si l’honneur rendu à Dieu par le Verbe incarné peut, d’une certaine manière, être considéré comme un bien possédant une valeur d’échange, on ne voit pas immédiatement comment ce bien d’ordre moral profite à l’humanité insolvable ; il faut recourir à d’autres considérations. Nous verrons comment, pour avoir poussé exclusivement la théorie de la justice commutalive, la dogmatique luthérienne aboutit à l’absurde et au blasphème.

Fera-t-on intervenir la justice vindicative ? Oui, sans doute, puisque l’Ecriture montre le Juste chargé des péchés d’un grand nombre, châtié, broyé pour nos iniquités (/s., lui, 4- 5. 7) ; plus encore, le Christ fait péché pour nous (Il Cor., v, 21), fait malédiction (’Va/., iii, 13) : toutes expressions qui évoquent l’idée de la colère divine. Avant d’être conjuré par la passion volontaire de l’Innocent, l’effet de la colère divine a dû être détourné des vrais coupables et attiré sur lui-même. Assurément ces expressions veulent être lues à la lumière d’une foi très avertie : un transfert réel des fautes de l’humanité sur les épaules du Saint est inconcevable, et un déchaînement réel de la colère divine contre sa personne ne l’est pas moins. Néanmoins, tout se passe comme ai un tel transfert et un tel déchaînement avaient lieu, c’est pourquoi les écrivains del’Anei< j n et du Nouveau Testament n’ont pas reculé devant cet énergique raccourci, qui montre le Christ courbé sous le poids de la colère et de la malédiction. Il est incontestable que, dans l’agonie et dans la mort de Jésus, Dieu a voulu marquer la rigueur d’une justice qui ne se laisse pas désarmer sans affirmer ses droits, jusque dans l’acte du pardon. Dei severitas, qui peccalum sine poena dimitterenoluii, dit saint Thomas, III, q. 47, art. 3 ad 1°. Ceci est l’acte propre d’une justice vindicative : Severitas autem altcnditur circa exteriorem inflictionem poenarum, dit encore saint Thomas, II a II æ, q. 157, a. 2 ad 1". Cf. I", q. iy, a. Il ad 3". Seul, un morcellemeut grossier des attributs divins pourrait s’offusquer d’une collaboration qui s’affirme plus ou moins dans toutes les œuvres divines. Ne sont-elles pas, tout ensemble, œuvres de sagesse, de puissance, de justice et de bonté ? Jusque dans l’acte de la suprême miséricorde, Dieu a voulu montrer à la raison humaine une ombre de châtiment. La nature avait péché en Adam ; il convenait qu’elle fût châtiée dans le Christ. La double solidarité, si fortement marquée par saint Paul, s’étend jusque-là.

Mais, ici encore, l’abus et le contresens est proche. Car si ! a Passion de Sauveur manifeste jusqu’au scrupule le besoin de justice qui est en Dieu, elle manifeste plus encore le besoin et le désir de faire grâce. Sous peine de fausser totalement la perspective du mystère, on doit maintenir à l’arrière-plan le châtiment du péché.

Reste une justice meilleure, cette forme de justice distributive qui veut se répandre en bienfaits et en pardons, justice qui, loin de s’opposer à l’amour, va au-devant de l’amour même, et s’attache moins à venger les droits de Dieu qu’à lui gagner les cœurs à force d’avances miséricordieuses et de tendre délicatesse. C’est cette justice qui décrète l’Incarnation du Fils de Dieu et l’œuvre de la Rédemption ; c’est cette justice qui suggère au Verbe incarné de rendre à Dieu un hommage dont le prix surpasse infiniment tous ceux que Dieu pouvait attendre des hommes et que le péché a détournés de lui. C’est cette justice qui désire s’implanter dans le cœur