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REDEMPTION

ment modifié ou voilé la notion essentielle de la vie spirituelle.

En prenant parti contre le quiétisme, comme elle a pris parti contre le jansénisme, l’Eglise a défendu la morale et la foi, le sens commun et le sens chrétien, la virilité et la noblesse de la liberté humaine ; elle a réhabilité l’ascèse et protégé la mystique digne de ce nom ; elle a tracé le chemin des chrétiens, entre les effrois désespérants du pessimisme dérivé de Calvin, et les amollissantes illusions d’un optimisme trop apparenté à Epicure et aux hésychastes grecs du onzième siècle.

V. Bibliographie. — Dictionnaire des hérésies, de Pluquet dans la Collection Migne ; Histoire des Conciles de Hefele, rééditée par Dom Leclercq. Paul Dudon, Le quiétiste espagnol Michel Molinos, Paris, Beauchesne, 1921, donne, aux pages ix-xxi, une indication détaillée des ouvrages relatifs aux controverses quiétistes du xviie siècle.

En ce qui concerne l’Espagne, rien n’a encore remplacé les Heterodoxos españoles de Marcelino Menendez y Pelayo ; une réédition de cet ouvrage est en cours de publication, sous la direction de M. Adolfo Bonilla y San Martin, professeur à l’Université de Madrid. M. Manuel Serrano y Sanez, professeur à l’Université de Saragosse, a publié des textes de procès dans le Boletin de la Real Academia de Historia, juillet-septembre 1902, 105-138, et dans la Revista de Archivos, janvier 1903, 1-16 ; février, 126-189. De même l’ex-jésuite Mir a publié, dans la dite Revista (1903-1905), quelques papiers du dominicain Fray Alonso de la Fuente sur les Illuminés de Llerena.

Henri Bremond, Histoire littéraire du sentiment religieux, a exposé ses vues sur la spiritualité française au xviie siècle. Il parle de Benoit de Canfeld II (156-168) ; de Bernières VI, 229-233) ; de Boudon (240-265) ; de Surin V, 148-310) ; de Desmarets de Saint-Sorlin IV, 476-477 ; VI, 445-518). — Dans son Apologie pour Fénelon l’auteur s’est déjà expliqué sur les Maximes des Saints, et le Moyen court ; il est probable qu’il reprendra le sujet, dans le prochain tome de son Histoire littéraire.

M. Souriau, Deux mystiques normands au xviie siècle, M. de Renty et M. de Bernières, Paris, Perrin, 1913.

A. Auguste, Les sociétés secrètes catholiques du xviie siècle et A. M. Boudon, Paris, Picard, 1913. Ernest Jovy, Fénelon inédit, d’après les documents de Pistoie, Paris, Champion, 1917.

Paul Dudon.

R


RÉDEMPTION. — Le mot Rédemption, de par son étymologie, équivaut à rançon ou rachat. Tel est le sens des termes grecs λύτρωσις, ἀπολύτρωσις, et hébreux : pidiôn, geoullâh, kôpher. De par son origine, ce mot évoque des traits de mœurs propres aux sociétés antiques : rachat de la vie ou de la liberté.

En pénétrant dans la langue chrétienne, le mot Rédemption fut appliqué à l’œuvre du Verbe incarné, mystérieusement annoncée par les prophètes de l’AT. et exposée dans le NT. Plus spécialement, il désigne la première phase de cette œuvre, celle qui s’accomplit entre Dieu et le Christ et aboutit à une réhabilitation de principe, pour le genre humain déchu. Une phase ultérieure de la médiation du Verbe incarné consiste dans la répartition des grâces acquises par sa vie et par sa mort, et se déroule à travers toute l’histoire de l’humanité. Le nom d’οἰκονομία, dispensatio, répond plutôt, bien que non exclusivement, à cette deuxième phase.

La Rédemption chrétienne est donc la restauration de l’humanité dans sa condition primitive, ruinée par le péché d’Adam ; restauration qui lui rouvre l’accès des biens surnaturels et la voie du salut. Cette notion traditionnelle implique plusieurs données théologiques susceptibles d’être méconnues ou faussées. Aussi l’idée de Rédemption a-t-elle, depuis l’origine du christianisme, donné prise, soit à des déformations plus ou moins graves, soit à des tentatives de confiscation. Exposer le concept authentique de la Rédemption chrétienne, signaler les altérations qu’il a subies, doit être l’objet du présent article. De cette exposition même, ressortira une apologie de la Rédemption, telle que l’Eglise catholique l’a, de tout temps, comprise.

Voici la marche du développement :
I. Préparation juive.
II. Donnée chrétienne.
III. Elaboration rationnelle : la satisfaction vicaire.
IV. Déformations diverses.
V. Conclusion.

I. — Préparation juive

Avant de trouver dans le NT. son expression authentique, le dogme de la Rédemption avait été, dans l’AT., l’objet de prédictions plus ou moins mystérieuses. C’était d’abord, Gen., iii, 15, l’annonce du Libérateur qui devait écraser la tête du serpent ; l’idée de la déchéance originelle et du relèvement en perspective demeura toujours présente à la conscience d’Israël. Avec la victoire promise à la race de la femme, Israël attendait l’effet des bénédictions spéciales accordées aux patriarches bibliques et progressivement resserrées de Noé à Sem, de Sem à Abraham, d’Abraham à Isaac, d’Isaac à Jacob, de Jacob à Juda. Il y a une rédemption dans le passé, c’est la sortie d’Egypte, rappelée d’ordinaire à l’aide des mots phādāh (Deut., ix, 26 ; xiii, 5 ; xxi, 8 ; Ps., lxxvii, 42 ; cx, 9, etc.), ou gâal (Ps., lxxiii, 2 ; lxxvi, 16 ; lxxvii, 35 ; cv, 10 ; cvi, 2, etc. — Nous citons les Psaumes d’après la vulgate). Et il y a une rédemption à venir, désignée d’ordinaire à l’aide des deux mêmes racines, soit qu’il s’agisse de la restauration d’Israël, phādāh, Ps., xliii, 36 ; cxxix, 7-8 ; soit qu’il s’agisse du salut personnel, xxv, 11 ; xxx, 6 ; xxxiii, 23 ; xlviii, 8. 9. 10 ; liv, 19 ; cxviii, 134 ; gâal, Ps., lxxi, 14 ; cii, 4, etc. C’est la restauration d Israël que vise Isaïe, phādāh, Is., xxxv, 10 ; l, 2 ; gâal, Is., xli, 14 ; xliii, 1 ; xliv, 32. 23. 24 ; xlix, 36 ; lii, 3. 9 ; lx, 16 ; lxiii, 4. 9-16, etc.

Dans ces divers exemples, s’affirme parfois explicitement, l’idée de rançon payée, comme dans ce texte, Is., lii, 3 : Quia hæc dicit Dominus : Gratis venundati estis, et sine argento redimemini. Le Seigneur donne à entendre qu’après avoir livré son peuple aux Chaldéens, il le délivrera ; et comme les Chaldéens n’ont acquis aucun droit, le Seigneur reprendra son bien, librement : Israël peut se fier à la parole de son Libérateur. Ce qu’il importe de remarquer, c’est la portée principalement tem-