Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/266

Cette page n’a pas encore été corrigée

519

ITRGAT01RE

520

condamnation d’hérésie. » Ihid. De cette profession de foi est exclue la question de la nature des peines, dont saint Thomas traite aussitôt, sans que la moindre allusion soil faite à une autorité dogmatique.

Dans l’Eglise romaine, le cardinal Cajbtan a pu enseigner qæ le délai de la vision béatillque imposé aux âmes du Purgatoire ne leur cause pas plus de peine que n’en ont les vivants, sur la terre, de ne pas jouir de la présence de Dieu. Opusc, Lyon, 156a, t. I, p. 4’|. O’autre part, sur l’autorité de Bbdr, llist. eccles., V, xii, P. I-, XGV, a50, Bbllarmin admet comme probable l’existence d’un lieu faisant partie du purgatoire, « où les âmes n’ont plus la peine du sens, mais seulement la peine du dam, purgatoire fort mitigé, où cependant les âmes ne sont pas heureuses, par suite du retard apporté douloureusement à leur béatitude ». Op. cit., p. M,

Devant cette liberté laissée par l’Eglise à renseignement catholique et mise à profit par des théologiens de cette marque, au moment même où le dogme du Purgatoire était attaqué par les protestants avec le plus de violence, comment soutenir que les pontifes romains ont innové en matière de foi et imposé à la croyance des fidèles une erreur dogmatique, celle de la réalité du feu du purgatoire, alors que les papesne se sont jamais prononcés ni surlanature des peines, ni même sur la réalité de la peine du sens ?

De même qu’ils n’ont jamais pu citer un seul document pontifical où fût proposée aux fidèles comme un dogme la réalité du feu du Purgatoire, jamais non plus les Grecs n’ont découvert ni allégué, dans tout l’enseignement de l’Ecole, un texte quelconque en faveur de leurs prétentions. Scarez regarde, il est vrai, comme « téméraire et confinant à l’erreur » l’opinion de ceux qui n’admettent pas de feu matériel au Purgatoire : il n’a pas été suivi sur ce point, et la doctrine de Bkllarmix dans ses Controverses reste lanormede l’enseignement théologique quand, après avoir donné comme certain qu’il y a une peine du feu au purgatoire, il prend soin de spécifier : * soit que ce feu soit entendu au sens propre ou métaphoriquement, soit qu’il signifie la peine du sens ou la peine du dam, comme quelques-uns le veulent ». loc.cit., x.

Nous voilàloin du prétendu dogme du feu du Purgatoire, forgé de toutes pièces par les papes, et de la croyance universelle des Latins à ce dogme : l’accusation d’erreur dans la foi portée par les coryphées des Eglises orientales contre l’Eglise romaine, avec une conscience si légère et une science plus légère encore, ne repose même pas sur l’ombre d’un prétextent il faut que les partisans du schisme de Pliolius soient bien à court de raisons pour que ce grief sans fondement se soit maintenu au cours des siècles et fasse encore les frais d’une polémique.

2. Le feu du Purgatoire et l’enseignement théolegique. — Il est vrai que, sans admettre comme vérité de foi la réalité du feu du Purgatoire, les théologiens catholiques l’enseignent comme unevéritéà peu près unanimement reconnue et certaine. Il n’y arien là, nous le verrons, de contradictoire. Mais tout d’abord, ont-ils ce droit ? Les docteurs del’Eglise orientale dénoncent ici l’erreur de doctrine en opposition formelle avec les données authentiques de l’Ecriture et de la tradition. Sur quels fondements légitimes les docteurs catholiques appuient-ils leur enseignement ?

a) Le texte de saint Paul, I Cor., Ht, 1 1 - 1 5. — Pour lea Grecs, le feu dont il est question dansée passage est le feu éternel qui atteindra, au dernier jour, les impies. Lorsque saint Paul écrit : cï rtm% xaraxaW*cr « i ri ëcr/o*) ÇluUtilbjllnai, àvrè ; Si 7ù18r, iiTvi, aSroif Se <ùç Siy. nu/ev ; , il envisage le feu de l’enfer, qui détruira l’œuvre des pécheurs, sans consumer le pécheur lui-même. Mais

qui ne voit que, pour admettre cette exégèse, repoussée par tous les commentateurs, honnis saint Jkan Cuiiysostomr et quelques-uns de sesdisciples, il faut i mp o se r aux mots un sens arbitraire et faire violence au texte. Zqp.ta&a&u implique le châtiment reçu ; ntÇMfat, le salut procuré. L’opposition marquée dans le texte met encore en relief cette valeur de sen9. Traduire, avec les exégètes orientaux : « les damnés éprouveront un dommage, mais subsisteront, seront conservés », c’est détourner le mot de son acception régulière, détruire l’opposition et la suite même des pensées. D’ailleurs, dans l’Evangile, Matth., xix, 25 ; Marc, x, 26 ; Lue., xviii, 26, etdans saint Paul même, I Cor., 1, 18 ; v, 5 ; ix, 22, aùZtaOv.i se dit toujours du salut messianique. Par quel renversement de sens l’appliquer ici aux damnés ?

Une exégèse rationnelle, fondée sur la signification obvie des mots, sur la structure de la phrase, sur l’ensembledu contexte, sur l’enseignement général df ; l’Apôtre, arrive, sans effort ni détour, à cette conclusion que ce feu qui éprouve les doctrines et les actions des hommes (I Cor., ni, 13) et qui aceomy pagne et manifeste le jour du Seigneur, est, directement exprimé, le feu du jugement. Ce n’est donc pas le feu de l’enfer, qui punit, mais n’éprouve pas. Ce n’est pas non plus le feu du Purgatoire, qui purifie, mais n’a pas la vertu d’éprouver les œuvres saintes, or, argent, pierres précieuses. Toutefois, ce qui se passe au grand jour du jugement, ce discernement du bien et du mal dans les Ames, cette distribution des peines et des récompenses, n’est que la manifestation publique de ce qui se sera passé pour chacun au jugement particulier. Là aussi les fautes vénielles seront punies, mais l’âme sera sauvée, « comme on se sauve à travers le feu ». En vérité, l’argument n’est pas apodictique. Gen’est qu’une suggestion du texte, mais assez nette pour qu’un nombre imposant de Pères et de docteurs l’aient recueillie avec raison, sans qu’il soit possible d’établir avec certitude que le feu du jugement, et dès lors celui du Purgatoire, est un feu réel ou un feu métaphorique, La parité du feu de l’enfer et cette règle d’herméneutique qui prescrit de s’attacher au sens naturel des mots quand aucune raison positive n’intervient de recourir au sens figuré, fournissent un point d’appui suffisant à l’opinion de ceux qui voient dans le texte de saint Paul une affirmation implicite et probable de la réalité du fendu Purgatoire. — Cf. Atzbbrgrr, op. cit., p. 128 ; Michel, Feu du Purgatoire, dansle Dictionnaire de Théologie catholique, t. IV, col. 225a2261.

b) La patristique. — La plupart des Pères, soit de l’Eglise latine, soit même de l’Eglise grecque, ont évoqué ou affirmé de diverses manières le feu du Purgatoire. La valeur de leurs témoignages est inégale ; mais il en est d’explicites, où la réalité de ce feu est formellement invoquée.

1. Dans l’Eglise grecque. — L’idée d’un baptême de feu qui purifiera les âmes après la mort, est déjà familière à Clbmknt d’Alrxandhir, qui a bien en vue un feu réel, Strom., V, xiv ; VII, vi, /’. G.. IX, 133, 64$. Elle se retrouve en maints passages (I’Oric. knk, iiitm. xxiv in f.uc., P. G.. XIII, 189/) ; t outra Cri*., V, xv, P. G., XI, vaot ; In Hbr. Rrg. II, P. G., XII, 1027 ; In Exod., vi, P. G., XII, 33/ ( ; Nom., iii, in Ps. xxxvi, 1, P. G., XII, 1336 ; InJerem., 1, 3, P. G., XIII, 280. Il paraît hors de doute qu’il s’agit dans ces textes d’un feu matériel. Cf. Atzrbrorr, Geschichte der christlichen Eschatologie innerhalb der vornicànischen Zeit, VrhciTg en Brisgau, 18<)6.p. /(O^, sq. Mais rien n’empêche, en toute rigueur, qu’on les entende aussi du feu du jugement ou de l’épreuve. La rénlité du feu du Purgatoire ne serait alors