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PURGATOIRE

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Ici encore nous retrouvons dans le protestantisme le » plaintes qui expriment le regret du passé et condamnent ainsi le présent. « Si nous admettons, avec les catholiques et les protestants, une continuation d’existence immatérielle après cette vie, il n’y a rien de plus inconséquent, pour ne pas dire de plus inhumain (et cette expression ne semble pas trop forte), que de regarder tout rapport avec nos frères décédés comme entièrement rompu par la mort. Oh ! combien elle est belle, cette croyance, fondée sur l’idée d’un monde spirituel, que la mort ne nous sépare pas de nos morts (car qui n’a pas une tombe où sont les siens ?), mais que dans cette vie terrestre et périssable nous sommes liés d’une manière indissoluble à l’autre monde. » Hoeninghaus, op. cit., p. 226 sqq.

Encore n’est-ce là qu’un écho affaibli des protestations indignées qui accueillirent au début la doctrine de Luther et qui faillirent compromettre le succès de la Réforme. Les conséquences de cette désolante doctrine ne tardèrent pas à se faire sentir. Tandis qu’en Allemagne les offices des morts étaient supprimés, les fondations abolies, les monuments funéraires brisés, les épitaphes effacées, cf. Janssbn, L’Allemagne et lu Réforme, trad. Paris, t. III, p. 36g, la dépravation et l’impiété s’étendaient partout. t Pratique salutaire, remarque encore Hoeninghaus. Si elle avait été conservée, nous n’aurions probablement pas eu parmi nous tant de scepticisme et d’incrédulité. » Op. cit., p. 225.

D’autre part, la réaction contre cette impitoyable doctrine gagnait si fortement les esprits que, d’un extrême passant à l’autre, les théologiens protestants en vinrent bientôt à convertir l’enfer lui-même en purgatoire en admettant pour tous les hommes une expiation temporaire après la mort. Cette renaissance imprévue de l’apocatastase, dans une religion qui rejetait même pour les fautes légères des justes la possibilité d’une purification, était déjà si généralement accueillie à la lin du xvm* siècle, que Joseph de Maistrb s’en étonnait et, non sans humour, s’en égayait. « Un des grands motifs de la brouillerie du xvie siècle fut précisément le purgatoire. Les insurgés ne voulaient rien rabattre de l’enfer pur et simple. Cependant, lorsqu’ils sont devenus philosophes, ils se sont mis à nier l’éternité des peines, laissant néanmoins subsister un enfer à temps, uniquement pour la bonne police, et de peur de faire monter au ciel tout d’un trait Néron et Messalinc à côté de saint Louis et de sainte Thérèse. Mais un enfer temporaire n’est autre chose que le purgatoire ; en sorte qu’après s’être brouillés avec nous parce qu’ils ne voulaient point de purgatoire, ils se brouillent de nouveau parce qu’ils ne veulent que le purgatoire. » Soirées de St-Pétrrshourg, t. II, p. 107, Paris, 1821.

II. — Le feu du Purgatoire

A. Controverse avec les Eglises du schisme grec — La croyance de l’Eglise grecque au Purgatoire était entièrement conforme, avant le schisme, à la croyance de l’Eglise romaine. Dans la liste des accusations formulées par PhoTius contre l’orthodoxie des Latins, figurent, avec la doctrine de la primauté du pape, celle de la procession du Saint-Esprit, l’addition du Filioque au symbole, et tout ce qui peut accuser une divergence de rites ou de pratiques religieuses entre les deux Eglises, comme d’observer le jeune du samedi, d’autoriser en carême l’usage du lait, d’imposer le célibat, de réserver aux évêques le droit d’administrer le sacrement de confirmation, etc. Mais aucune mention n’est faite du dogme du Purgagatoire, ni dans le formulaire dogmatique rédigé par Photius en 866 et proposé à l’acceptation du légat du pape, cf. Hergenroetiifr, Photius, Patriarchvon Constantinopel.t. I, p. 617-666, Ratisbonne, 18671869, ni dans sa lettre aux Bulgares où il multiplie les griefs, accentue les moindres disparités dans les coutumes, comme le port de la barbe dans le clergé, la préparation du saint chrême, etc., Photius, Ep. encycl., 1, 13, P. G., Cil, ôgg. Aucune allusion, non plus, à une opposition ou différence de doctrine sur ce point dans les réponses du pape Nicolas I er et des théologiens de l’Eglise latine, ce qui implique l’accord absolu de part et d’autre. Cf. Enée de Paris, Liber adv. Græcos, P. L., CXXI, 22Ô, Ratramnb, Contra Græcorum opposita, P. L., CXXI, 485 ; liesponsio episcopor. Germaniæ Wormat. adunatorum, P. L., CXIX, 1201 ; Hbrgbnrobthbr, op. cit., p. 684 sq. Il en est de même de la polémique engagée par Michel Cérulaire et par l’archevêque bulgare Léon d’Achrida, P. G., CXX, col. 833 sq., Hbfblb, Conciliengeschichte, Fribourg en Brisgau, 1885-1874, t. IV, p. 736 sq. Et pourtant, vrai ou faux, rien n’a été laissé dans l’ombre, parmi les cent trois griefs dressés contre Rome dans le domaine du dogme, de la morale et du culte, de ce qui pouvait aviver l’hostilité des Grecs contre les Latins et mettre la confusion dans les esprits.

Par contre, les théologiens de l’Eglise latine signalaient chez les Grecs séparés du centre de la foi l’éclosion d’une foule d’erreurs entachées d’hérésie. Ils révèlent chez leurs adversaires, et non comme un signe de la vérité, le byzantinisme de leurs méthodes d’attaque et de repli, leurs détours et faux fuyants, leur goût puéril et malsain pour les controverses insignifiantes qui avilissent et dégradent la théologie, en même temps l’orgueil et la prétention inouïe qu’ils font paraître dans leurs jugements. Enée db Paris, op. cit., P. /.., CXXI, 226 sq Les controverses sur le Purgatoire devaient s’inspirer jusqu’au bout de cet esprit. "Voir le jugement autorisé du R. P.Jugie sur les Caractères généraux de la polémique des théologiens schismatiques, dans ce Dictionnaire, art. Grecque (Eglisb), t. II, col. 377 sqq.

C’est dans le cours du XIIIe siècle que semblent se manifester, sans doute sous l’influence du grand mouvement de l’hérésie des Cathares, les premières erreurs relatives au dogme du Purgatoire. Au synode de Nymphée, où se discute, en 1234, un projet d’union des Eglises, il en est à peine question. Mais en 1 202, une discussion étendue, sinon approfondie, s’ouvre à Constantinople ; l’opposition s’affirme au point que, dans la confession de foi proposée par Clément IV à l’empereur Michel Paléologue, on juge nécessaire de rédiger un article spécial sur ce point. « Si les pécheurs, vraiment repentants, meurent dans la charité avant d’avoir satisfait par de dignes fruits de pénitence pour les fautes commises et pour les omissions, leurs âmes sont purifiées après la mort par des peines expiatoires, poenis purgatoriis seu catharteriis, et c’est au soulagement de ces peines que servent les suffrages des fidèles vivants, messes, prières, aumônes, et autres œuvres de piété, que les fidèles ont coutume d’offrir pour d’autres fidèles suivant les prescriptions de l’Eglise. » D. B.464- La question des peines du Purgatoire avait été soulevée quant au mot et quant à la chose, et l’accord s’était établi sur les deux points, puisque le terme grec xxdzarripiKi ; avait été expressément insérédans la formule. A cette formulesouscriventles Grecs au concile œcuménique de Lyon, en 1274, Cf. Acta Concilii Lugdun., Mansi, t. XXIV, p. 38 sq. ; Hbfblb, op. cit., 1 VI, p. 1 1 4 sq.

La controverse reprit, aux discussions du concile de Ferrare.en 1 438, âpre et vive, avec tout le byzantinisme de la méthode orientale et toutes les arguties d’une dialectique déliée, trop souvent oublieuse d’elle-