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PURGATOIRE

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par Luther au début de la lutte et adoptée par les anciens réformateurs delà Saxe et de la Thuringe, ! Aiusdorf, Jonas, Mathesius, Schenk, Aquila, lleich, Arbiter ; par ceux de Wittenberg.Bugenhagen, Cruciger, Forster, Froschel, Eber ; par les théologiens d’Iéna, de Leipzig, de Dresde ; par tous les disciples de la première heure, pour qui la parole du maître valait parole d’Evangile et mieux encore, car « ils relevaient au-dessus même des Ecritures », comme s’en plaignait fort justement le conseiller Palatin Hardenberg à Flacius lllyricus, et « faisaient dépen dre des seuls écrits de Luther, leurs croyances, leurs opinions, leur personnalité ». Cf. J. Dokllingkh, Die lie formation, trad. Perrot, Paris, 1848, t. I, p. 160. Ainsi s’explique l’extrême indigence de la polémique luthérienne en matière scripturaire, sans que le puissant effort de Chemnitz, au point de vue dogmatique, dans son Examen du Concile de Trente, et celui des Centuriateurs de Magdebourg, au point de vue historique, ait pu apporter de solides étais à cette argumentation dans le vide.

Le premier soin des défenseurs du dogme catholique fut de constater cette carence : négation n’est pas preuve. Il leur fut aisé ensuite de faire ressortir jusqu’à l’évidence les liens intimes qui rattachent la doctrine de l’Eglise romaine sur le Purgatoire aux données positives delà Révélation. Déjà, au lendemain des thèses luthériennes sur les indulgences, le dominicain Phiuhias (Sylvestre Mazzolini), maître du Sacré-Palais, dans son traité De juridica et irrefragabili veritate Iiomanæ Ecclesiae, Rome, 1518 ; puis Jean Eck (Mayer), vice-chancelier de l’Université d’Ingolstadt, dès les premières passes d’armes de la dispute de Leipzig, en 1519, et peu après dans son De Purgatorio, Rome, 15-23, etdans son précieux petit volume, répandu aussitôt dans toute l’Allemagne : Enchiridion locorum communiant advenus Lutheranos, Landshut, 1525 ; Ambroise Cathahin O.P., dans son A polo gia pro veritate catltolicae atque apostolicæ fidei, Florence, 1520 ; Cajbtan dans son opuscule De Purgatorio, ct.Opuscula, quæstiones et omnia quodlibeta, Anvers, ibj6, t. 1, p. 116 sqq. ; d’autres encore, en attendant l’œuvre monumentale de Brllabmin, avaient fait prévaloir contre les novateurs la vérité de la doctrine traditionnelle, en apportant dans la discussion l’ensemble des textes scripturaires les plus suggestifs ou les plus décisifs, ceux-là mêmes que les théologiens catholiques n’avaient jamais cessé d’invoquer et d’interpréter de même façon pour justifier leur croyance.

Sans remonter aux textes des livres des Rois, I Reg., xxxi, 13 ; II Iieg., 1, 12 ; iii, 35 ; xii, îC, ou du livre de Tobie, iv, 18, qui montrent la mémoire des morts honorée par des jeûnes, des aumônes, des sacrifices, ce qui paraît impliquer une sorte de suffi’age pour les défunts, Cf. Atzbbrger, Die Chrislliche Eschatologie in den Stadien ihrer Offenbarung, Fribourg-en-Brisgau, 1890, p. 99, il suffit, au point de vue apologétique, d’insister sur le texte péremptoire du second livre des Macchabées, xii, 3g-46, qui porte sa lumière avec lui. Au lendemain de sa victoire sur Gorgias, Judas Macchabée découvre que des soldats tombés sur le champ de bataille avaient caché sous leur tunique des objets idolàlriques provenant du pillage de Jamnia. C’était une infraction manifeste à la loi des Juifs. « Tous, se mettant en prières, conjurèrent le Seigneur d’oublier le péché commis. Quant à Judas, le vaillant héros, il exhortait le peuple à se préserver de toute faute, devant le spectacle de ce qui était arrivé par suite des péchés de ceux qui avaient trouvé la mort. Et ayant recueilli d’une quête douze mille drachmes d’argent, il les envoya à Jérusalem afin que l’on offrit un sacrilice pour les

péchés des soldats morts, car il n’avait que de bons et religieux sentiments touchant la résurrection. Et, en effet, s’il n’avait pas eu l’espérance que ceux qui avaient été tués ressusciteraient un jour, il eût jugé inutile et vain de prier pour les morts. Et il comptait aussi que la grande grâce réservée à ceux qui étaient morts pieusement, leur serait faite. C’est donc une sainte et salutaire pensée de prier pour les morts, afin qu’ils soient absous de leurs péchés. ». De ce texte de la Vulgate, dont la conformité avec le texte grec n’est pas mise en cause pour la pensée de fond par les protestants, il résulte que les morts peuvent, après cette vie, recevoir la délivrance de leurs péchés, et par conséquent qu’il y a un Purgatoire ; que les prières et les sacrifices des vivants sont utiles aux morts ; que tous les restes du péché ne sont pas toujours purifiés au moment de la mort ; qu’un homme, même s’il estpieusement etsaintement mort, peut avoir encore une dette à payer, soit à cause des péchés véniels non remis en cette vie, soit parce que la satisfaction pour les péchés mortels remis n’a pas été entière. Cf. Bbllahmin, De Purgatorio, 1. 1, c. 1, dans Opéra, Paris, 1869, t. III, p. 55.

Le sens de ce passage est si manifeste, les déductions apparaissent si obvies et si nettes, que Luther, ne pouvant nier l’évidence, mais trouvant tout naturel de s’ériger en juge souverain de l’Eglise et des choses révélées, nia résolument, impudemment, la canonicité du texte et du livre tout entier, vu que ce texte ne lui donnait point raison et que le livre contenait ce texte. Ses disciples l’ont suivi sans réserve dans cette voie. Eclatant aveu d’impuissance et d’obstination dans l’erreur, qui consacrait la plus humiliante défaite. El comme l’application des suffrages aux âmes du Purgatoire implique la valeur satisfactoire des œuvres pies, que le novateur réprouvait de toute sa force, il rejeta du même coup, avec la même désinvolture, l’épître de saint Jacques, qui enseigne l’utilité des bonnes œuvres. « Ce Jacques ne fait rien autre chose que de pousser à la loi et aux œuvres, et il brouille tout si bien qu’il me fait l’effet d’un dérot personnage qui aurait retenu quelques bribes de la prédication des apôtres et les aurait couchées tout de go sur le papier. » * C’est une épltre bien insipide… une épitre de paille… Jacques fait là un sot raisonnement… Eh ! quel chaos ! » Resolutiones Lutherianæ super propnsitionibus Lipsiae disputatis, Weimar, t. II, p. 4^5 ; De captivitute babylonien, Weimar, t. VI, p. 568 sqq. ; Uebersetzung des Neuen Testamentes, Werke, Erlangen, t. LXIII, p. 156 ; In Genesim, dans Opéra latina exegetica, Halle, 1720, t. V, p. 227. Cf. Doli.inger, op. cil., t. III, p. 339 sqq. Cette fois, Karlstadt, soutenu par Bullingeh, éleva la voix pour dénoncer les périls de cette méthode exégétique de destruction à outrance : Luther ne rétracta rien de ce qu’il avait avancé. Cf. H. Barge, Andréas Rodersteinvon Karlstadt, Leipzig, 1905, t. I, p. 197 sqq.

En ouvrant toute grande cette nouvelle brèche dans le canon des Ecritures pour se mettre à couvert des textes qui condamnaient sa doctrine sur le Purgatoire, Luther n’en assurait pas moins que cette doctrine, il la puisait aux pures sources du Nouveau Testament. Mais, ici encore, il se heurtait à un ensemble de textes qui, sans avoir par eux-mêmes rien de démonstratif, s’opposent néanmoins à son principe fondamental de la justification par la foi, qui soustrait le pécheur à toute pénalité, à toute expiation ultérieure. Le Christ déclare aux Pharisiens que tout péché est rémissible, quel que soit le crime, hormis le blasphème contre le Saint-Esprit : « Ce péché n’aura de rémission ni dans ce siècle, ni dans le siècle à venir ». Matlh., xii, 31, 3a. Donc, pour que