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PSAUMES

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moi parlant se distingue lui-même du peuple, ou des connationaux, et s’oppose à eux en quelque façon (xxn, a3 ; lxvi, i(i ; exi, i ; cxxii, 8, etc.). Ce serait aussi méconnaître l’origine et l'évolution de la poésie religieuse chez les Hébreux.

On nous dit que le Psautier est le livre de prières aux services du temple après l’exil. Soit. Mais que de fois une prière, composée par un individu pour y épancher ses sentiments personnels, a élé adoptée par toute une communauté comme prière publique ! Chacun peut se l’approprier dans des circonstances analogues à celles qui l’ont fait jaillir du cœur de L’auteur.

Un fait est toutefois à retenir de la théorie ici combattue : c’est que, dans la religion des anciens Hébreux, l’individu avait vis-à-vis de la communauté un rôle beaucoup moindre que chez nous : la religion, le culte surtout, était avant tout national, public. Nous y reviendrons bientôt. Mais cela ne nous empêche pas d’entendre dans les Psaumes les individus nous exposer leurs peines, nous communiquer leurs sentiments, nous dire ce qu’ils pensent. Lorsqu’ils nous parlent d’eux-mêmes, c’est doned’un homme que nous l’entendrons, non d’une Eglise.

B) Nature et valeur de l’homme. — Sur la place qui revient à l’homme dans la création et sur l’excellence de la nature humaine, on ne peut enpeude mots dire de plus grandes choses que dans les vers Lieu connus (le Psalmiste parle à Dieu) :

QuVst-ce que l’homme pour que tu en prennes soin ?

Tu l’as fait de peu inférieur à Dieu,

Tu l’as couronné de gloire et d’honneur.

Tu lui as donné l’empire sur les œuvres de tes mains,

Tuas mis toute la création à ses pieds… (vin, 5-7).

Ces idées reposent sans doute sur Gen., i, 26 ss., où l’homme est dit créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, et où le domaine sur toute la nature lui est octroyé. Quelle dignité incomparable ! Mais aussi, qu’il est petit, ce roi de la création, vis-à-vis du Créateur ! Le Psalmistes'étonnequeDieu s’abaisse à penser à lui. Ici encore, d’un trait magistral, est résolu on ne peut mieux le problème de concilier la dignité de l’homme avec sa dépendance vis-à-vis de Dieu.

L’anthropologie des Psaumes n’a rien de spécialement remarquable. Dans l’homme on reconnaît le corps matériel et l'àme, ou, comme les poètes hébreux aiment à s’exprimer, la chair et l’esprit. Mais l’esprit pour eux n’est proprement que le principe dévie ; le siège et comme l’organe de l’activité intellectuelle est le cœur (le h) ; comme les reins le sont des sentiments ou affections ; l'âme (nephesch) est souvent synonyme de passion, d’appétit. Mais il est un trait spécial aux Psaumes, bien digne d’attention : cette partie plus noble de l’homme, que nous appelons âme, est appelée souvent (vu, G ; xvi, 9 ; xxx, 13 ; lvii, 9 ; cviii, 2 ; hors des Psaumes seulement clans le passage poétique Gen., xlix, G) la gloire, l’honneur de rbomme(Amïo(/, étymologiquement : ce qui pèse, ce qui importe, fui est substantiel).

Mais L’enthousiasme pour la grandeur de l’homme ne ferme pas les yeux du Psalmiste sur les misères de la vie d’ici-bas. Il les connaît et s’en plaint à Dieu sur un ton de profonde tristesse, mêlée d’humble résignation (xc ; xxxix ; en ; xxxi, 10 s.). Il reconnaît cependant que tous ces maux, y compris la mort, sont le juste châtiment du péché (xc, 7-0 ; xxxi, 1 1). Impossible de ne pas entendre ici comme l'écho de Gen., 111, où est racontée la chute originelle. Le pieux poète s’avoue pécheur, né et conçu dans le péché (li, 7). Ailleurs, il est vrai, il proleste

être pur et innocent et prétend être traité en conséquence (xvn, 3.15 ; xviii, ao ss. ; xxvi, 1. s., etc.).Mais cette innocence n’est que relative. Ces protestations ont été soulevées à l’occasion de calomnies ou de persécutions de la part d’adversaires. C’est le crime précis qui lui est imputé, que lePsalmiste rejette avec indignation (vu,.{ ; xvii, 3 s., etc.) ; c’est qu’il trouve ses souffrances hors de proportion avec l’ordinaire mesure de justice dont on use envers la faiblesse humaine. Tels étaient bien aussi la situation et les sentiments de l’héroïque Job (Job, vi, 2 s. ; ix, 2 s., 20 s. ; x, 2-7).

C) Destinée de l’homme : la vie future. — Quedeviendra l’homme après la mort ? Question très grave, qui a pris, dans la religion catholique surtout, une importance capitale. Il est d’un haut intérêt de savoir ce qu’en disent les Psaumes, ce livre de prières de l’Eglise. Distinguons d’abord deux questions bien distinctes : immortalité de l'àme, et condition ou état de l'àme dans l’autre vie. En d’autres ternies : est-ce que l'àme survit au corps ? (i re question) ; et si oui, quel est son sort dans l’autre vie ? (2e question).

A la première question, tous les livres de la Bible donnent une réponse affirmative, même les plus anciens. Jacob, par ex., qui croit que son iils Joseph a été dévoré par une bête, se souhaite néanmoins la mort « pour descendre vers son lils au séjour des morts (au scheôl) » (Ge/i., xxxvii, 35).

Les Psalmisles, qui parlent si souvent du scheôl, le séjour des morts, et de ses habitants, les ombres, les rephaïm (lxxxviii, 1 1), ne pensent pas autrement ; on n’a pas à s’y arrêter. Voir à l’article âme, dans le Dictionnaire de la Bible de Vigouroux, I, col. 462-468. Sur la 2e question : de quelle sorte est cette survie des âmes ? on constate, précisément dans le Psautier, différents points de vue, ou pour mieux dire, un progrès, une évolution à travers les âges, quoiqu’on ne puisse pas toujours fixer sûrement la date relative des Psaumes qui en traitent. Dans les plus anciens, tels que lesPs. davidiques.nous voyonstous les morts indistinctement descendre au scheôl et y mener une vie obscure et inerte, vraiment à peine une ombre de vie. Là les rephaïm, ces êtres insaisissables, ne peuvent célébrer les louanges de Dieu (vi, G ; xxx, 10 ; lxxxviii, Il ss. ; cxv, 17 ss.), et Dieu ne se soucie plus d’eux (lxxxviii, G). Ces phrases sont à expliquer par le milieu historique dans lequel elles ont été écrites. La religion, le culte, disions-nous plus haut, était alors, avant tout, chose de la communauté ; c’est ce culte public, collectif, que le l’salmiste a surtout en vue. Or ce culte est impossible dans l’autre vie, où la société a cessé etl’individu seul demeure. C’est pourquoi Dieu ne peut plus attendre aucun honneur des rephaïm.

D’ailleurs, comme la vie d’outre-tombe n’est plus sujette aux variations, aux vicissitudes d’ici-bas, plus de Providence pour les habitants du scheôl, plus de soin de la part de Dieu ; car ceci suppose un avenir ehangeable. C’est ce que signilielaphrasc : « Dieu n’en a plus le souvenir : ils sont soustraits à sa main » (lxxxviii, 6). Cette doctrine est susceptible de précisions, que lui apportera le progrès de la révélation.

Pourtant, jusqu’ici, aucune distinction de bons et de méchants dans l’autre vie, aucune place privilégiée pour les justes. Comment donc la verluaurat-elle sa récompense, le crime son châtiment ? Comment sera sauve la justice divine qui gouverne le monde ? Les l’salmistes se sont posé plusieurs fois la question, et c’est dans la réponse qu’ils donnent qu’on peut le mieux suivre les étapes de la révélation.

Le Ps. xxxvii nous reporte à l'état le plus primitif ; sa réponse est d’une simplicité étonnante :