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PROVIDENCE

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ilivine infailliblement efficace exclut physiquement et par sa propre vertu, antécédemmeitt au consentement delà volonté créée, la possibilité d’un dissentiment. Par ailleurs, elle ne violente pas la volonté créée, mais au contraire consacre l’exercice du libre arbitre, en le mouvant (ou en le déterminant) à se déterminer librement.

Et voici l’autre commentaire. La motion divine infailliblement efficace exclut la possibilité d’un dissentiment de la volonté créée, non pas physiquement et par sa propre vertu, antécédemmeitt au consentement libre, mais mélaphysiquement et par voie de conséquence, en vertu du principe de contradiction, parce qu’elle pose un efTet incompatible avec le dissentiment de la volonté créée. Son rôle est donctout matériel et se borne à poser un etlét. Le raisonnement commence à la position de cet efl’et.

De part et d’autre, on reconnaît que la motion divine consacre l’exercice du libre arbitre, en mouvant la volonté créée selon sa nature. Mais d’un côté on suppose l’exercice du libre arbitre compatible avec une détermination (et pas seulement une motion) physique ; de l’autre côté, on le nie.

De ces deux commentaires, lequel peut légitimement prétendre à traduire la pensée de saint Thomas ? Pour en décider, deux voies s’offrent à nous. Une première voie, déductive : analyser le concept de détermination physique, là où saint Thomas le propose ex professo ; et rechercher si la distinction du sen » composé et divisé peut s’insérer dans le processus consécutif à une telle détermination, Une autre voie, en quelque sorte régressive : partir des textes où saint Thomas énonce expressément la distinction du sens composé et divisé ; et rechercher si les nécessités qu’affirment ces textes ressortissent à l’ordre physique ou à l’ordre métaphysique. Nous allons tenter successivement l’une et l’autre voie.

La première voie nous met en présence de la conception suivante : une prédétermination physique exercée sur la volonté, la prédéterminant à se déterminer ultérieurement. Or, quel que soit le point d’application d’une telle prédétermination — choix de l’objet immédiat, passage à l’exercice de l’acte, tracé de la voie précise par où la créature veut tendre à sa Qn suprême, — elle a pour effet propre de supprimer l’indétermination sur ce point précis, et d’y substituer une nécessité pure et simple : telle est la doctrine constante de saint Thomas, nous l’avons noté plus haut. En d’autres termes, la prédétermination physique est, sur le point d’application qui lui est propre, formellement et simplement nécessitante, et ne laisse point de place à la liberté de la créature. Il n’y aurait qu’une issue : ce serait de distinguer les points d’application de la prédétermination physique donnée par Dieu et de la détermination que la créature se donnera ; d’assigner à la première, par exemple, l’exercice de Pacte, à la seconde sa spécification, ou inversement. Mais c’est là justement ce qu’on ne veut pas ; on entend bien que la prédétermination divine s’étende à tous les éléments de la détermination ultérieure. Il faut avouer qu’une telle voie ne laisse aucune place à la distinction du sens composé ou divisé, en tant que sauvegardant la liberté. Nous n’y rencontrons pas la pensée de saint Thomas. Qu’on veuille bien se reporter ci-dessus, col. ^6 1-466.

La seconde voie nous met en présence des textes où saint Thomas énonce la distinction du sens composé et divisé. Ces textes présupposent, comme un fait acquis, l’exercice de la causalité divine par voie de motion infailliblement efficace ; ils ne prétendent’l’analyser. C’est en tablant sur ce fait acquis, que ces textes énoncent, comme une nécessité consécutive, l’incompatibilité d’un tel effet avec la non existence du même effet : incompatibilité d’ordre métuphysiquv, découlantiminédiatemcnt du principe de contradiction. Les expressions de saint Thomas ne laissent aucun doute à cet égard : elles visent, non la rigidité de la motion divine, mais l’immutabilité de la volonté divine ou de la science divine, incompatible avec son conlraire. Nous sommes en plein ordre métaphysique. Citons quelques textes, parmi les plus expressifs.

I* II 10, q. 10, a. 4 ad 3 m : Si Deus movet voluntatem ad aliquid, incompossibile est huic positio/ii quod voluntas ad illud non nioveatur ; non tumen est impossibile simp’iciter. Unde non sequitur quod voluntas a Doo ex necessitale moveatur. — 1 », q. 19, a. 8 ad3 m : Ea quæ fiunt a voluntale divina talent necessitateni habent qualom Dous vult ea liabere, se. vel absolutam vel condicionatnm. El sic non omtiia sunt necessaria obsolute. — l a, q. 23, a. 6 ad 2 m : Licet sit possibile cuui qui est prædeslinatus mort in peccato, secundum se con-ideratum ; tamen hoc est impossibile pas ito proi t se. pomtiir, eum esse prædestinatum. Unde non sequiturquod prædestinatio falli possit. — Ib., ad 3 m : Cuin prædestinatio includat ciivinam voluntatem, sicut supra dictant est quod Deum velle aliquid creatum est necessariiiin x suppositione, propier immutabiUtntem divinæ VO-Inntat s, non tamen absolute, ita dicendum est hic do prædestinatione. Unde non oportet dicere quod Deus possit non prædestinare quem prædestinavit, in sensu compusilo accipiendo, licet, absolute considerando, Deus possit prædestinare vel non predestinare. Sed ex hoc non tollitur prædestinationis certiludo. — II » II »’, q. 2’i, a. Il : Tripliciter possumus considerare caritatem : uno modo ex parte Spiritus sancti moventis animant ad diligcndum Deum : et ex hac parlfî caritas impeccabilitatem habetex virtute Spiritus sancti, qui infallibiltter operaturquodeumque voluerit. Unde impossibile est hæc duo si/nul esse vera, quod Spiritus sanclus velit aliquem niovore ad actum carilatis, et quod ipse caritatem amittat peccando. — De verit., q. vi, a.’i ad 8 »’ : Quamvis de quolibet absolute concedi posset quud Dcus potest eum prædestinare vel non prædestinare, tamen, supposito quod prædestinaveril, non potest non prædestinare ; velecovverso, quia non potest esse mutabilis ; et ideo dicitur communiter quod hæc : Deus potest non prædestinatum prædestinare vel prædestinatum non prædestinare, in sensu composito est falsa, in diviso vera. — De verit., q. xxiii, a. l ad l m : Deum velle aliquid in creaturis, utpote Pelrum salvari, non est necessarium absolute, eo quod voluntas divina non habeat ad hoc necessarium ordinem ; … sed farta supposilione quod Deus illud velii vel voluerit, impossibile. est eum von volui.ise vel non velle, eo quod voluntas eius itnmutabilis est Unde liuiusmodi nécessitas apud theologns vocatur nécessitas immulabililatis. — Ib., a. 5 ad 3 ni : Quamvis non esse offectus divinæ voluntatis non possit stare simul eum divina voluntate, taroen potontia deficiendi effectum simu’statcum divina voluntate : non enim suntistaincompossibilia : Deus vull istum salvari, et iste potest damnari ; sed isla sunt incompos’ibilia : Deus vult istum salvari, et iste damnatur.

Ce qui, sous l’action d’une grâce efficace, sauve l’exercice du libre arbitre, c’est que la détermination ne se produit pas nécessairement, sinon ex suppositione, selon une expression familière à saint Thomas. Cette expression signifie que dans l’hypothèse d’une volonté divine, ou d’une science divine, comportant l’existenced’une telle détermination, la nonexistence d’une telle détermination est impossible ; disons mieux, incompossible : inrom possibile huic potitioni (I « II » *, q. io, a. 4> ad i m). Une fois déplus, nous constatons que saint Thomas parle de nécessité métaphysique, provenant ex intrinseco ordinationis divinæ ; non pas de nécessité physique, provenant ex intrinseco gratiae. La vraie notion thomiste du sensu » compositus et divisus condamne donc le commentaire prédéterminisle.

Il est à peine besoin de le faire observer : le commentaire que nous venons de donner, delà célèl’re distinction thomiste, diffère toto cælo de celui que des prédéterministes ont parfois combattu avec une