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PROVIDENCE

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quam formant in ipsam voluntatem ; sicuti enim ox ipsa natura, qiiain Deus voluntati dédit, inclinatur voluntas in aliquid volendum, ita ex aliquo auperadiiito, sicut est gratia rel virtus, inclinatur ulterius ad volendum ali>|uid aliud, ad quod prius non erat detenninata nalurali inclinatioue. Se d hat-c quidem inclinatio superaddita quandoque est perfecia, quandoque imperfecta. Quando quidem est perfecta, facit necessariam inclinationem in id ad quod déterminai ; sicut per naturam de nécessité te inclinatur oluntas in appetendiim Bnera ; sicut contingit in beatis, in quibus caritas perfecta inclinât suflicienter in bonum, non solum quantum ad tinem, sed quantum ad ea quæ sunl ad Une m Aliquando vero forma superaddita non est usquequaque perfecta, sicut est in viatoribus ; et tune ex forma superaddita voluntas inclinatur quidem, sed non ex necessitate.

Il faut noter dans cette page les moindres nuances du vocabulaire thomiste.

Nous y trouvons décrites quatre sortes de motion divine. D’abord la contrainte ou violence (coactio, violentia), contraire à l’inclination de la nature, et donc à la conduite de Dieu sur l’agent libre. Saint Thomas l’écarté simplement. Il énumère les trois autres par ordre d’efficacité croissante.

a) Changement produit dans la volonté par simple motion. C’est le cas de la grâce actuelle, qui passe, sans imprimer dans l’âme une trace durable.

b) Changement produit dans la volonté par l’impression d’une forme permanente : grâce sanctifiante, vertu. Pour caractériser l’effet de cette forme permanente, saint Thomas emploie le mot d’inclination. Car la grâce, en général, incline, elle ne détermine pas.

c) Changement produit dans la volonté par l’impression d’une forme permanente irrésistible : la gloire des bienheureux. Saint Thomas parle ici d’inclination parfaite, ou encore de détermination, car l’âme subit une véritable nécessité *.

Ainsi le nom de détermination est-il réservé soit à l’inclination primitive de la nature : ad quod… erat determinata naturali inclinatione, soit à l’inclination parfaite qui s’impose comme une seconde nature : Quandoquidem est perfecta, facit necessariam inclinationem in id ad quod déterminât. Soit dans le cas d’une grâce actuelle et transitoire, soit dans le cas de la grâce sanctifiante ordinaire, saint Thomas parle simplement de motion, d’inclination, et sous-entend que, sous cette motion, l’âme se détermine. La détermination qu’elle sedonneest un impondérable qui, par son essence, échappe au concept propre de motion divine.

Même précaution de langage en toute matière semblable, par exemple, sur la grâce de la persévérance, I* II*e, q. 1 lit, a g : Cum homo naturaliter habeal liberum arbitrium flexibile ad bonum et ad malum, dupliciter potest aliquis perseverantiam in bono obtinere a T)eo : uno quidem modo per hoc

1. On voitici l’inconvénient de transporter lemoldeterminatio, du domaine de la gloire, où il est à sa place, au domaine de la grâce efficace, où il n’y est [dus. Les jansénistes ont eu conscience de s’engager sur cette pente, et sont délibérément allés jusqu’au bout ; non pas seulement l « s disciples immédiats de Jansénius, mais les appelants de la Bulle Unigenitut, dans le temps même où ils désavouaient les cinq propositions condammées par Innocent X. Nous avons publié des pages inédites du célèbre diacre Pahu (I 1727) qui, après avoir posé cette thèse : Gratia m statu naturæ lapine est per se efficax, seu voluntatem md bnnum proprie physice efficienler déterminât, aboutit à une équation pure et simple entre l’action de la grâce efficace et celle de la vision intuitive. L’nde patet adiutorium quo esse efficax. Se habet enim respecta viatoris SICUT visio intuitiva respeclu comprehensoris. Atqui beatiludinem producit cfficacitcr et infallibiliter tisio intuitiva. Voir Recherches de Science religieuse, 1920, p. 38 ». 385.— La rigueur de cette équation (sicut) nous paraît mettre en pleine lumière le vice congénital du fatalisme janséniste.

quod liberum arbitrium determinatur ad bonum per gratiam consummalam, quod erit in gloria ; alio modo ex parte motionis divinae, quæ hominem inclinât ad bonum usque ad finem.

On ne saurait trop le redire : détermination n’est pas motion. Ce mot, essentiellement limitatif, ne signifie aucun apport d’énergie nouvelle, mais seulement l’adhésion privilégiée de l’âme à telle motion salutaire de grâce ou à tel entraînement de nature. La détermination venue de l’intérieur est libre ; la détermination venue de l’extérieur est nécessitante.

Ce mince détail de terminologie éclaire d’une lumière appréciable la métaphysique de l’acte libre chez saint Thomas. Il use couramment du mot inclinatio pour désigner le penchant des puissances appétilives : inclination universelle de la nature, ou inclination particulière consécutive à l’appréhension d’un bien particulier. A l’inclination universelle de la nature raisonnable vers le bien en général, peuvent se superposer diverses inclinations particulières vers des biens del’ordre surnaturel, produites par la grâce. Tout cela est un don de Dieu. Mais l’inclination, comme telle, demeure ouverte à diverses déterminations ultérieures : détermination quant à son objet immédiat, détermination quant à l’exercice de l’acte, détermination quant à la manière de tendre vers la fin suprême de la nature raisonnable. Voir De verit., q. xxii, a. 6. Ici intervient le libre arbitre de la créature. Dieu a donné l’inclination, actut primus proximus ; à la créature de déterminer Vactus secundus, dont Dieu donne encore la substance.

Inclinatio et déterminât o sont donc des mots de sens très différent. Inclinatio rentre dans le genre motio, c’est un mot essentiellement dynamique, où l’analyse décèle immédiatement le rôle de la cause finale et celui de la cause efficiente. Au contraire, determinatio n’exprime rien de proprement dynamique ; il appartient plutôt à l’ordre de la cause exemplaire. C’est pourquoi saint Thomas ne l’emploie jamais quant il décrit l’influx physique de la Cause première sur les actes de la créature libre. Au contraire, il use perpétuellement du mot inclinatio. Nous indiquerons quelques pages de saint Thomas où l’on en pourra recueillir des centaines d’exemples ; il serait facile d’en découvrir d’autres.

I « , q. 19, a. 2 ; q. Kg, a. 1 ; q. 62, a. 3 ad a m ; q. 78, a. 1 ad 3 ; q. 80, a. 1 ; q. 87, a. 2 ; q. io3, a. 8 ; q. io5, a. 4 ; q- 106, a. 2 ; q. 1 1 1, a. a ; I* II æ, q. 6, a. 1, a. 4 ; a. 5 ad 2 ; q. 9, a. 6 : q. 80, a. 1 ; q. n4, a- 9 ! U a U æ > q. 23, a. 2 ; q. 26, a. 3 ; a. 6 ; De caritate, q. 1, a. 1 ; De verit., q. xxu passim, v. g. a. 1 ; a. 4 ; a. 5 ; a. 8, a 9 ; De malo, q. iii, a. 3 et 13 ; q. xvi, a. 2 ; I C. G. y lxviii ; lxxxii ; III C. G., lxxxviii, 3 ; IV C. G., xix ; In Ud., 39, q. 2, a. 2 ; In Dionys., de div. nom., e. iv, lect. io ; Quodlib., i, a. 8 ad 3.

Les mots motio, determinatio, dont l’un appartient à l’ordre dynamique et l’autre à l’ordre statique’, ne peuvent s’échanger. Mais les mots determinatio, limitatio, appartenant tous deux à l’ordre statique, peuvent s’échanger, et saintThomasles échange quelquefois. Rien ne montre mieux comment la prédéler 1. Pour expliquer la relation de l’un à l’autre, on peut s’aider de grossières images, qui d’ailleurs mettent en relief la propriété étymologique du mot determinatio. La détermination est à la motion un peu ce que le point est à la ligne qu’il termine, la ligne à la surface, la surface au volume. A travers l’imperfection de ces analogies matérielles, on entrevoit que la détermination ne comporte aucun apport nouveau d’énergie, mais délimite une zone abandonnée par le libre arbitre humain à l’envahissement de la motion divine.

— La confusion entre motion et détermination est perpétuelle chez certains auteurs thomistes. Voir, par exemple, Ant. Massoul16, 0. P., Divus Thomas sui inlcrpres*, Rome, 1707 ! », 2 fol.