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PROVIDENCE

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libre quant aux objets particuliers ; autrement dit, d’une prédéterniinalion reçue dans la volonté avant qu’elle se détermine. Car il fait consister l’essence delà liberté précisément en ceci que la volonté créée, prédéterminée quant à l’appétition du bien universel, se détermine elle-même quant au choix des biens particuliers. Les textes sont innombrables et très variés dans leur forme : affirmative, négative, exclusive, de manière à ne laisser aucun doute quant à l’interprétation.

I », q. 22, a. 2 ad 4 m : ’» hoc quod dicilur Deum hominem sibi reliquisse, non excluditur horno a divina l’rovidentia, sed ostenditur quod non prae/igitur ei virtus operativa determinata ad untini, sicut rébus naturalibus, quæ aguntur ttintum, quasi ab altero directæ in finem, non autem se ipsa agunt, quasi se dirigentia in finem, ut creaturæ rationales per liberum arbitrium, quo consiliantur et eligunt ; unde signauter dicit : In manu consilii sui. — I » U « °, q. 9, a. 6 ad 3m : Deus movet voluntatem hominis sicut universalis motor ad universale obiectum voluntatis, quod est bonum. El sine hac universali motione homo non potest aliquid velle. Sed homo per rationem déterminât se ad volendum hoc vel illud, quod est vere bonum vel apparens bonum. Sed tamen interdum Deus movet aliquos ad aliquid determinale volendum, quod est bonum ; sicut in his quos movet per gratiam. — Ibid., q. 10, a. 4 : Quia voluntasest activum principium non determinalum ad unum sed indifferenter se nabens ad multa, sic Deus ipsam movet quod non ex necessitate ad unum déterminât, sed remanet motus eius contingens et non necessarius, nisi in his ad quæ naturaliter movetur. — De verit., q. xxii, a. 4 : Natura rationalis, quae est Deo vicinissima, non solum habet inclinationem in aliquid, sicut habent inanimata, nec solum movens hanc inclinationem quasi aliunde eis determinatam, sicut natura sensibilis ; sed ultra hoc habet in potestate ipsam inclinationem, ut non sit ei necessarium inclinari ad appetibile appreliensum, sed possit inclinari vel non inclinari ; et sic ipsa inclinalio non determinatur ei ab alio, sed a seipso. — De pot., q. iii, art. 7 ad 13 m : Voluntas dicitur habere dominium sui actus ; non per exclusionem causæ primae, sed quia causa prima non ita agit in voluntate ut eam de necessitate ad unum determinet sicut déterminât naturam ; et ideo determinatio actus relinquitur in poteslate rationis et voluntatis.

1 » 11 », q. 13, a. 2 ; q. 10, a. 2 ad 1 ; III, q. 18, a. 4 ad 3 ; De ver., q. xxii, a. 5 ad 5 ; a. 6 et 8 ; De pot., q. 1, a. 4 ad 3 ; De malo, q. vi ; In II d., 25, q. 1, a. 1 ; 28, q. 1, a. 1 ; 37, q. 1, a. 2 ad 5 ; 3g, q. 1, a. 1 In III d., 18, a. 4 ad 3 ; In IV d., 49. q. 1, a. 3 ; q. 2 ad 1 ; I C. G., lxviii ; III C. G., lxvi, 5.

Le sens de ces textes est parfaitement clair’. Ils

1. Ces textes ont été lus bien souvent et groupés par des autours qui pensent trouver chez saint Thomas les prédéterminatious bannésiennes. Ces auteurs disent que saint Thomas vaut ici marquer simplement la différence entre les causes secondes déterminées par nature et celles dont la nature est de se déterminer ; que la détermination venue de la Causa première n’est pas exclue pour autant. Ainsi répond, entre autres, Ant. Mssoui. if, Divus Thomas sui interp-es, t. I.Diss. 1, q. 18, p. 227 R, Romae, 1707. Nous avouons ne pas voir comment les textes s’accommodent d une telle explication. Saint Thomas marque efl’eclivement la différence entre les causes secondes déterminées par nature et celles dont la nature est de se déterminer : mais il fait consister cette différence, non dans la superposition de deux déterminations, mais dans l’ubsence d’une détermination préalable A celle que la cause seconde prend par elle-même, La Cause, première est la seule à laquelleil donnel’exclusive. parce que la seuleen vue. Assurémont, la cause seconde n’est pas créatrice d’énergie, et son acte, comme tel, procède de

expriment la différence entre les natures inférieures, caractérisées par la détermination ad unum, et la nature raisonnable, caractérisée par l’absence d’une telle détermination. D’où il suit que les natures inférieures procéderont à l’acte sous l’empire d’une véritable prédétermination physique ; la nature raisonnable passera généralement à l’acte sous l’empire d’une motion universelle qui, en la poussant vers le bien conçu par l’intelligence, lui laissera la propriété de sa détermination. Parfois cependant, à cette motion universelle, vient se superposer une motion particulière vers un bien déterminé : c’est le cas de la motion de grâce. Saint Thomas souligne par deux fois.I » II » ", q. 9, a. 6 ad 3 iii, la nature particulière de cette motion : interdum, … aliquos ; mais, en indiquant qu’elle tend à un bien déterminé, il se garde bien de lui donner le nom de détermination. Il réserve expressément ce nom au choix de la créature libre, dont c’est la propriété incommunicable ; car la motion divine l’incline et ne la détermine pas. Il n’y a aucune place, dans l’enseignement de saint Thomas, pour une motion « déterminant la volonté libre à se déterminer elle-même » ; ce sont notions qui, d’après ses déclarations les plus expresses, hurlent d’être accouplées. Des prodiges d’ingéniosité seront dépensés pour sauver l’esprit de l’enseignement thomiste, après une telle entorse donnée à la lettre. Mais ils seront dépensés en vain.

A ce concept thomiste de la détermination, établi par un si grand nombre de textes, on ne peut raisonnablement objecter que celui-ci, I a, q. ig, a. 3 ad 5 m : Causa quæ est ex se contingens, oportet quod determinetur ab aliquo exteriori ad effectum. Sed voluntas divina, quæ ex se necessitatem habet, determinal seipsam ad volitum ad quod habet habitudinem non necessariam. A première vue, il semblerait que la volonté divine a le privilège de se déterminer elle-même à certains effets, au lieu que la causeconlingente ne se détermine pas, mais reçoit sa détermination du dehors. Maison va voir l’objection se retourner en faveur de la thèse.

En effet, l’intention de ce texte est de marquer la différence entre la détermination dont la cause seconde mendie les éléments, à raison de son indigence, et la détermination que la Cause première se donne à elle-même, à raison de son infinie plénitude. A raison de son indigence, la cause seconde a besoin d’être réduite en acte par un agent extérieur : c’est à quoi Dieu pourvoit, en inclinant la volonté humaine vers le bien universel, moyennant quoi elle-même se déterminera ultérieurement à tel bien particulier. Au contraire, la Cause première, à raison de son infinie plénitude, est nécessairement et parfaitement en acte, et ne doit rien à personne. Elle se détermine seulement à tels effets extérieurs, de préférence à tels autres. Qui dit détermination, dit restriction d’une plénitude, et saint Thomas sait mieux que personne que l’Etre divin est, essentiellement, une plénitude. La restriction ne peut porter que sur les effets extérieurs : Dieu restreint volontairement son activité à de certains effets, et en cela il se détermine. Doctrine admirablement exprimée à la page suivante, q. 19, n. 4 : Omne agens per

Dieu. Mais, à moins de confondre motion et détermination — confusion contre laquelle nous devrons protester encora, — on doit reconnaître qu’il fait la part de la Cause première et la part de la cause seconde, attribuant à la première la motion et il la seconde la détermination, hors do laquelle il ne peut y avoir de responsabilité. Sur ce point et sur d’autres, nous renverrons à une controverse avec le R. P. G iu : ii : or-’AC.mNC.i’, Recherches de Science relificusr, année 1917. Premier article : Science divine et décrelt dit ins. Deuxième article : Autour de Molina.