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PROVIDENCE

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interroge les saints et les mystiques chrétiens : c’est encore la même leçon qu’on leur entendra répéter par leurs exemples et par leurs confidences intimes.

Avoir compris le prix de la « bonne souffrance », la valeur morale et spirituelle delà douleur acceptée pour l’amour de Dieu ; avoir fait réflexion sur les splendides rémunérations d’outre tombe, qui sont promises à la vertu, enfin sur la réversibilité mystérieuse qui fait profiter spirituellement les coupables eux-mêmes de la douleur imméritée des justes, c’est avoir fait un grand pas dans la voie du christianisme complet, et c’est absoudre la Providence.

Ces enseignements, répandus dans nos Livres saints, sont pour remplir l’âme de paix et de confiance dans la Providence divine qui, par des voies quelquefois mystérieuses, la guide vers la région de la lumière et de la vie. Elle dira, par exemple, avec le Prophète, Ps., xxii, i-4(trad. Pérennès) :

Iahvé est mon pasteur,

Je ne manque de rien.

Il me couche dans de verts pâturages,

Aux eaux de repos il me conduit :

Il restaurera mon âme.

Il me guide dans de droits sentiers,

A cause de son nom.

S’il m’arrivait de passer

Dans un valaux ténèbres épaisses,

Je ne craindrais aucun mal,

Car tu es avec moi :

Ton bâton et ta jhoulette,

Voilà ce qui me réconforte.

Et encore, Ps., xc, 1-8 :

Celui qui est assis sous l’abri du Très-Haut,

Qui loge à l’ombre du Tout-Puissant,

Dit de Iahvé : Il est mon refuge et ma citadelle,

Mon Dieu, en qui je me confie ;

Car il délivre du piège de l’oiseleur,

De la peste pernicieuse.

De son aile il te couvre,

Et sous ses plumes tu as un refuge ;

Sa fidélité est un bouclier et une cuirasse.

Tu ne craindras ni la surprise nocturne,

Ni la (lèche qui vole durant le jour,

Ni lapestequi marche dans les ténibres,

Ni le fléau qui dévaste en plein midi.

Mille tombent à la gauche

Et dix mille à la droite,

Toi, tu n’es pas atteint :

Seulement, de tes yeux tu pourras regarder

Et voir la rétribution des impies.

Même le psaume d’agonie, emprunté par le Christ en croix, s’achève dans un cri d’abandon et d’espérance. Po., xxi, 2-4 ; 3 1 :

Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? Loin de mon salut (s éteint j ma voix rugissante. Mon Dieu, je crie le jour, et tu ne réponds pas, La nuit, el je ne trouve pas de repos. Et pourtant au Sanctuaire tu habites. Objet des louanges d’Israël !

Et moi, je vis pour lui,

Et la race issue de moi le servira. [future,

On publiera les merveilles du Seigneur à la génération

On annoncera sa justice au peuple qui naîtra :

C’est Iahvé qui l’a fait !

Le poèm.3 par excellence de la Providence, c’est le livre de Job. Dieu montre à la terre et à l’enfer même le juste, ferme dans sa foi, à travers toutes les extrémités des choses humaines.

Job, frappé dans ses biens, dans ses affections, dans son corps, s’écrie, plein d’amertume, iii, 3-4 (trad. Crampon) :

Périsse le jour où je suis né

Et la nuit qui a dit : « Un homme est conçu ! »

Ce jour, qu’il se change en ténèbres, Que D.eu ne le regarde pas d’en haut, Que la lumière ne brille pas sur lui !

Exaspéré encore par des conseillers importuns, il demande grâce, mais ne laisse pas de se reposer en Dieu par une espérance indéfectible, xix, 31-22 ; 25 27 :

Ayez pitié, ayez pitié de moi, vous du moins, mes amis, Car la main de Dieu m’a frappé ! [suit ?

Pourquoi me poursuivez-vous, comme Dieu me pour-Pourquoi ètes-vous insatiables de ma chair ?

Je sais que mon vengeur est vivant

Et qu’il se lèvera le dernier sur la poussière.

Alors de ce squelette revêtu de sa peau,

De ma cliair je verrai Dieu.

Moi-même je le verrai ;

Mes yeux le vorront, et non un autre ;

Mes reins se consument d’attente au dedans de moi.

En dépit d’amers retours sur le bonheur fugitif des méchants, xxi, 7-22, il s’abstient de murmurer contre Dieu, xxiii, 1-17, et en appelle à son infinie Sagesse, xxviii, 20-28 :

D’où vient donc la Sagesse ?

Où est le heu de l’Intelligence ?

Elle est cachée aux yeux de tous les vivants,

Elle se dérobe aux oiseaux du ciel.

L’enfer et la mort disent :

« Nous en avons entendu parler. » 

C’est Dieu qui connaît le chemin,

C’est lui qui sait où elle réside.

Car il voit jusqu’aux extrémités de la terre,

Il aperçoit tout ce qui est sous le ciel.

Quand il réglait la forée des vents,

Qu’il mettait les eaux dans la balance,

Quand il donnait des lois à la pluie,

Qu il traçait la route aux éclairs et au tonnerre,

Alors il l’a vue et décrite.

Il l’a établie et en a sondé les secrets ;

Puis il a dit à l’homme :

La crainte du Seigneur, voilà la sagesse ;

Fuir le mal, voila l’intelligence.

Dieu, qui n’a pas voulu le briser, mais faire éclater sa foi et sa constance, intervient par l’affirmation de sa Providence, xxxvin-xxxix. Job en prend occasion de s’humilier davantage, xl, 3-4 ; xlii, 1-6 ; Dieu l’absout et le comble.

Ce poème divinement inspiré manifeste, dans un exemple concret, la leçon donnée constamment par la Providence divine, non seulement aux grands coupables, qui ont à pleurer leur égarement et leur orgueil, mais aux justes même, qui doivent passer au creuset de la tribulation pour apprendre à honorer Dieu d’un cœur plus pur et plus détaché.

Et c’est là le mot, pour nousmystérieux, de beaucoup d’énigmes providentielles, depuis les épreuves les plus communes jusqu’à ces « purifications passives » que raconte la vie des saints et qui sont destinées à parfaire les plus hautes vertus. L’i vie de l’homme sur terre est un service laborieux (fob, vii, 1 ; vulg., « un service militaire ») ; tant qu’il dure, l’homme attend d’être relevé de son poste (lob, xiv,

14>.

En regard des jugements de Dieu, visibles ou cachés, il convient de remettre ses attentions paternelles sur ceux qui le craignent. A vouloir développer ce chapitre d’histoire providentielle, pn serait infini.

Il y a des vies entièrement dévouées au soulagement de toutes les misères physiques et morales, et fidèles à attendre de Dieu le secours qui passe les forces des hommes. L’expérience de l’intervention, même miraculeuse, d’une Providence à qui rien n’échappe, n’y est pas très rare, et les témoins immédiats de ces merveilles ne s’en étonnent pas.