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PROPRIÉTÉ ECCLESIASTIQUE

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nant la séparation des Eglises et de l’Etat — extrait de l’Annuaire de législation française publié par la Société de législation comparée). — Ce qui rentre directement dans le sujet de cet article, c’est la situation créée par le régime de la séparation, quant à la propriété ecclésiastique. Et tout d’abord, en déclarant (art. 2) que « la République ne reconnaît, ne salarie, ne subventionne aucun culte » la loi porte, dès le principe, une atteinte au droit du clergé catholique. La suppression du budget des cultes efface les engagements relatés ci-dessus, aux termes desquels les biens « mis à la disposition de la Nation » devraient être remplacés par « un traitement convenable ». L’Etat se dérobait ainsi à la « charge » qu’il avait assumée, suivant les termes explicites du décret du 2 novembre 1789. La spoliation se trouvait consommée sans compensation, sous réserve cependant de quelques pensions accordées dans des cas déterminés (art. 11). — Quant aux immeubles qui, conformément aux stipulations du Concordat, avaient été « mis à la disposition des évêques » dans les conditions expliquées, leur sort était réglé de la façon suivante. Les établissements publics propriétaires : menses, fabriques, etc., sont supprimés (art. a, § 2) ; mais leurs droits, partiellement du moins, pourront être transférés à des associations qui se formeront conformément aux règles tracées par la loi. Certains immeubles (Tit. IV, art. 18 et suiv.) du reste ne devaient pas recevoir cette affectation et feraient retour à l’Etat (art. 5). En fait, ces associations cultuelles, qui étaient la base de l’organisation religieuse prévue par la loi, ne se sont pas constituées parmi les catholiques, parce que l’autorité suprême poar eux a décidé qu’elles ne devaient pas l'être. Telle est la décision donnée par une encyclique pontificale prescrivant l’abstention à l’Eglise de France. Le législateur dut, par suite, retoucher son œuvre. Une loi du 2 janvier 1907 règle maintenant la situation en ce qui touche les immeubles. Ceux affectés au logement des ministres du culte sont déclarés purement et simplement propriété, suivant les cas, des communes, des départements, de l’Etat, qui peuvent les louer à leurs anciens occupants ; mais, par une double dérogation au droit commun, la location devra toujours être approuvée par le préfet, même pour les immeubles départementaux et aussi pour les immeubles communaux, quelle que soit la durée de la location, fûtelle inférieure à dix-huit ans.

Pour les édifices consacrés au culte, les églises, voici la solution donnée. « A défaut d’associations cultuelles, dit l’art. 5, les édifices affectésà l’exercice du culte, ainsi que les meubles les garnissant, continueront, sauf désaffectation dans les cas prévus par la loi du 9 décembre 1905, à être laissés à la disposition des fidèles et des ministres du culte pour la pratique de leur religion. »

On voit que, si les catholiques peuvent conserver la jouissance des églises, si le culte peut être continué, la situation légale est singulièrement précaire. Il dépend de la volonté des administrations de louer les presbytères, de réparer les églises ; il n’existe plus d'établissements capables d’assurer des fondations. Dépouillée de ses ressources, l’Eglise vit au jour le jour sans sécurité pour le lendemain. A vrai dire, la jurisprudence a donné aux lois une interprétation généralement susceptible de rendre cette situation moins dommageable aux intérêts religieux. Ainsi, c’est au prêtre orthodoxe f se conformant aux règles d’organisation générale du culte » (L. du 9 décembre 1906, art. /|). au prêtre en communion avec l’autorité religieuse supérieure, 'ju’a été maintenu le droit de disposition des édifices

cultuels prévu par la loi de 1907 (Y. Birbau, Quinze années de Séparation. — Durnbrin, De la Situation juridique des édifices consacrés au culte. — EymardDuvbrnay, Le Clergé, les Eglises, et la Culte catholique dans leurs rapports légaux avec l’Etat).

Le nouveau Code du Droit canon précise le droit de l’Eglise de posséder et d’administrer des biens temporels pour atteindre ses Uns propres (Can. 1/190) et règle, dans les titres xxvi et xxvm du livre III, les principes applicables à leur acquisition et à leur administration. On ne peut que mentionner ces règles canoniques, dont l’exposé sortirait du cadre que nous nous sommes tracé. Il faut dire seulement que, si des laïcs participent à l’administration des biens d’Eglise, comme nos conseils paroissiaux en France, ce doit être en union avec les pasteurs, à la nomination de l’ordinaire, sous la présidence de l’ecclésiastique compétent, et sans aucune ingérence dans l’ordre spirituel (Cf. Barguillat, Prælectiones juris canonici. — Dbmburan, Le Droit canoi des laïques).

En terminant, il y a lieu de faire connaître des projets actuellement étudiés (novembre 1923) et qui ont pour but de remédier à quelques-uns, tout au moins, des inconvénients de la situation résultant pour l’Eglise, en France, de la législation qu’on a résumée plus haut (cf. Etudes du 5 novembre 1923, article de M. Y. de La Bhh.hr). Les relations diplomatiques, très heureusement rétablies entre le SaintSiège et le Gouvernement français, devaient conduire à la recherche d’un régime meilleur pour la paix religieuse. On a cru qu’il serait possible de placer l’Eglise en France dans une situation légale par la constitution d’associations diocésaines qui ne tomberaient pas sous le coup de l’interdit porté par Pie X, tout en restant dans le cadre de la législation française en vigueur. Le projet de statuts de ces associations, après une assez longue élaboration, a été communiqué au gouvernement français par S. Exe. le nonce à Paris, avec demande d’avis sur leur légalité au regard de la loi française (note lue à la tribune du Sénat par M. Poincaré, séance du 19 juin 1923, cité par M. l’abbé Rrnaud, /.es Associations diocésaines, p. 75). Le président du Conseil confia l’examen du texte proposé à trois jurisconsultes, MM. Hébrard de Villeneuve, vice-président du Conseil d’Etat, Berthélemy, doyen de la Faculté de Droit de Paris, Beudant, doyen de la Faculté de Strasbourg. L’opinion unanime de ces Messieurs fut que les dispositions du projet étaient en conformité parfaite avec la législation sur les cultes. — M. Poincaré a fait connaître cette opinion au représentant du St-Siège par une lettre, également communiquée au Sénat à la séance du 19 juin (Renaud, op. cit., p. 77).

La consultation de MM. Hébrard de Villeneuve, Berthclemy et Beudant est du reste intégralement, publiée en annexe à l’ouvrage de M. Renaud (p. 415).

On y trouvera également le texte des statuts (p. 209). Un coup d'œil rapide sur ces statuts permet de faire, du point de vue spécial qui nous occupe, les remarques suivantes. Les associations diocésaines sont placées sous la direction de l'évêque dont l’autorité, au sein du conseil d’administration, est assurée par le mode de recrutement du Conseil. Elles pourront être propriétaires ou locataires des immeubles nécessaires à l’exercice du culte et au logement des ministres, aux divers services ecclésiastiques. Les ressources des associations pourront comprendre les cotisations, les collectes et produits des quêtes, de la location des bancs ou chaises, le revenu des biens meubles et immeubles, les rétributions pour la cérémonie et services religieux. Ces rétribu-