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PR0PIIÉT18ME ISRAÉLITE

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rum Dei hominibus » (Quæst. in Htpt., 1. II, q. 17 : P. L., XXXIV, 601).

Dans la version desSeplante, r.pofr.rru répond presque toujours à nabi (à peu près a60 fois). « Interprète d une divinité », tel est le sens premier et principal de TT05t^’7 ») ; (Dictionnaire grec-français d’Anatole Bailly, Dict. de Liddell et Scott ; Bouché-Leclercq, Histoire de la Divination dans l’Antiquité, t. II, p. 11). On reconnaît généralement aujourd’hui que la préposition -npin’a. pas dans ce mot le sens temporel, avant, comme si le prophète était l’homme annonçant d’avance les événements. Plusieurs l’expliquent par « pro aliquo loqui », parler à la place de quelqu’un, ce qui s’accorderait bien avec le sens d’  « interprète » ; mais on ne remarque pas assez que irpd, en composition dans les verbes, ne signifie jamais à la place. Le sens est proférer, proclamer (pro =. devant), et il convient fort bien à la fonction du n&bt.

Le prophète est appelé aussi rô’è, hôzè, c’est-à-dire

« voyant » ; ou encore « homme de Dieu », à cause de

son union à Dieu, et « serviteur de Iahvé », pour marquer son rôle de messager, d’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Tandis que le prêtre de l’ancienne Loi est intermédiaire aussi, mais s’adressant à Dieu de la part des hommes, pour offrir les prières et les sacrifices, le prophète va de Dieu aux hommes, chargé de leur communiquer les volontés divines ; cette mission lui confère l’autorité sur tout le peuple, sur les grands, sur les rois, sur les. prêtres eux-mêmes. De la part de Dieu, il condamne les pratiques idolâtriques, il menace les impies et annonce le châtiment, il exhorte à la pénitence et à la justice ; il s’élève contre tout ce qui peut compromettre la destinée religieuse du peuple élu ; il réprouve, en général, les alliances politiques avec les nations païennes. Dans les dangers il prêche la confiance en Iahvé, il prédit la délivrance et le triomphe d’Israël, le règne du Messie, la conversion des peuples à la religion du vrai Dieu. Son rôle peut donc se résumer en deux mots : prédication et prédiction. Réduire l’œuvre du prophète à la prédiction, c’est la restreindre arbitrairement : « Arctioribus igitur, quam par est, limitibus munus prophetarum circumscribitur, si futurorum prædiclores fuisse dicunlur. » (R. Cornely, Uist. et crit. Introd. in U. T. Libro* sacros Compendium, éd. 3", p. 364). D’autre part, méconnaître la prédiction, c’est être victime du préjugé rationaliste qui sera réfuté plus loin.

Ou ne s’étonnera pas de l’intervention perpétuelle des prophètes hébreux dans les affaires politiques, si l’on se rappelle que chez les anciens, et particulièrement chez les Sémites, il y avait une connexion étroite entre la religion et l’Etat. En Israël, même au temps des rois, le gouvernement est toujours théocratique : le roi est le mandataire de Dieu ; Dieu lui envoie ses interprètes pour le conseiller, le diriger, lemenacer, le blâmer. Lesprophètes expliquent, à l’occasion, l’action providentielle de Dieu sur le peuple élu : la défaite, l’exil, divers fléaux seront les châtiments de l’infidélité, mais, à cause de la mission d’Israël et en vertu des anciennes promesses, dans les plus grands dangers un secours d’en haut empêchera la ruine. Iahvé est le vrai Dieu, le seul ; il gouverne le monde entier, il se sert des nations ennemies comme d’instruments de sa justice (Am., IX, 7, 8 ; Is., x, 5-15 ; Jer, , xxvii, i-15, etc.). En scrutant le sens des événements et leurs causes profondes, les prophètes ont inauguré la « philosophie de l’histoire ».

Charge avant tout des grands intérêts de la nation, le prophète donnait-il, de plus, des réponses aux simples particuliers sur les affaires de leur vie pri vée ? On lit dans I $ « m., ix, Q, à propos de Saùl, qui va consulter Samuel pour retrouver des ànesses perdues :

« Autrefois en Israël lorsqu’on allait consulter

Dieu, on disait : Venez, allons trouver le Voyant I Car celui qu’on appelle aujourd’hui Prophète s’appelait autrefois Voyant. Et quand le roi d’Israël, Œhozias, envoie interroger Beelzébub sur les suites d’une chute dangereuse, le prophète Elie dit aux messagers : « Est-ce qu’il n’y a pas de Dieu en Israël, pour que vous alliez consulter Beelzébub, dieu d’Accaron ? » (II (IV) Peg., 1, 3, 6). On voit çà et là un prophète prononcer sur quelque événement d’ordre privé ; mais c’est surtout à l’époque ancienne, elle plus souvent au sujet d’un personnage important. Saint Jérôme semble donc généraliser trop en disant « … hanc fuisse consuetudinem populi Israël, ut quidquid scire cupiebant a Domino quærerent per prophetas, multa exempla testantur » (In Ez., xx, 1).

Le recours aux prophètes, comme la consultation de l’oracle Ourim et Thoummim parle grand prêtre, étaient autorisés par Iahvé pour tenir éloigné des superstitions païennes le peuple encore grossier des premiers temps de l’Alliance. Les pratiques de la divination avaient pris chez les païens un développement considérable, en particulier à Babylone. Elles témoignent d’un désir passionné, très humain, de savoir les choses futures pour mieux diriger son activité, joint à la persuasion qu’une divinité connaît l’avenir, peut le révéler, et le révèle de fait, non point à tous indistinctement, mais à certains hommes choisis qui communiqueront à d’autres cette révélation. Art des présages, magie, évocation des esprits, sorcellerie, nécromancie, tous les moyens de divination sont rigoureusement interdits en Israël ; et la loi ajoute queles communications divines se ferontparles prophètes (Dent., xviii, 9-32). Iahvé. souverainement indépendant, peut refuser de répondre ; sa parole a toujours un but moral et religieux, et ne se met pas au service d’une vaine curiosité ; elle est une faveur dont on peut se rendre indigne. Saiïl, menacé par les Philistins, consulte sans résultat les songes, Y Ourim et les prophètes ; alors il se tourne vers la pythonisse d’Endor I (I Sam., xxvin, 6, 7)

II. — Origines prétendues de la Prophétie israélite

Il n’y a pas à s’arrêter à l’hypothèse qui place en Arabie les origines du Prophétisnie israélite : appuyée sur des raisons dérisoires, elle n’a eu aucune vogue. C. H. Cornill apportait comme preuve l’étymologie du nom du prophète, nabi : entre les langues sémitiques l’arabe lui semblait en fournir la meilleure explication (Der Isrælitische Prophctismus, 2e éd., Strasbourg, 1896, p. 12). Rien de plus trompeur que de telles étymologies, surtout pour des mots d’une pareille antiquité. T. K. Chkynb » suggéré l’idée de l’Arabie du nord ; à son sentiment, le manteau de poil porté par le prophète (I (III) Iteg., xix, 13 ; II (IV) Reg., t, 8 ; comp. Zach., xiii, l) rappelle le manteau de poil de chèvre des Bédouins ; et les incisions sur le front (I (III) lies ;., xx, 40 sont probablement une survivance de l’ancienne marque distinctive delà tribu des Kénites[ ?| (Encyclopæ di(t Hiblica, col. 3857).

Origine cananéenne affirmée par Abraham Kuenen.

— Un critique hollandais, Aimiaiiam Kuknen, a exploité les passages de la Bible relatifs aux « fils deprophètes », dont il sera question plus loin, où l’oi voit, au temps du prophète Samuel (xi* s. av. J.-C). des troupes d’enthousiastes se livrer à des manifes