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PROPAGATION DE L’LVANGILE

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ment conquis l’Empire romain, et pénétré en Peràe. j Expansion « étonnante », cIUHahnack. « Etonnant » est faible, quand on voit dans quelles conditions tout s’est fait. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a là un eus unique dans l’histoire de l’humanité. On peut faire large la part de certaines facilités matérielles, intellectuelles et même morales : diffusion de l’hellénisme, uniformité relative des langues, idées, mœurs, unité politique, sans parler d’une certaine facilité de communications : toutes choses que ne connaîtront guère les missionnaires du xvie etdu xvii" siècles. Encore pourrait-on dire que ces conditions favorisaient à la fois et l’apostolat et la persécution.

Quoi qu’il en soit, rien de tout cela n’atténuait le gros obstacle, les multiples intransigeances du christianisme : — intransigeance du dogme aux prises avec le paganisme, et aussi le scepticisme, le syncrétisme, le dilettantisme, le Quid est méritas ? de Pilate, qui est au fond de tous les cœurs, sans parler du fanatisme des foules ; — intransigeance de la morale, aux prises avec une dissolution effroyable des mœurs, laquelle s’alimente dans les arts et les lettres d’une perfection sans rivale ; — intransigeance des prédicateurs (Non possumus non loquï), aux prises avec les susceptibilités grandissantes d’un pouvoir qui veut être adoré. Le grand ennemi de Jésus n’est pas Jupiter, c’est César. Et cela est de tous les siècles.

On a pu exagérer la continuité des persécutions et le nombre des martyrs, mais Rbnan avoue :

« Même dégagées des exagérations de la légende, les

persécutions restent une page des plus sombres de l’histoire, et la honte de l’ancienne civilisation » (Eglise chrétienne, c. xvi, p. 316). Opposition populaire, toujours prête aux dénonciations et aux violences ; législation impitoyable, constamment mise à jour, oubliée parfois, jamais abolie ; effort des stoïciens (Marc-Aurèle), des néo-platoniciens, des lettrés, les uns menant la persécution, les autres essayant de sauver le paganisme en l’épurant, les autres encore gardant le monopole de la science et de l’art : c’est au milieu de tous ces obstacles que la foi chrétienne fait son chemin. Cela, sans violence et sans concession aux faiblesses humaines. — Voir article PuRsécimoNs.

On a ditque la persécution est un moyen de propagande. Oui, quelquefois semen est sanguis christianorum (Tertullien, Apolog., t). Cela n’est pas vrai toujours. La violence fait bon nombre de martyrs, quelques convertis et beaucoup d’apostats. J.a persécution musulmane en Afrique, protestante en Angleterre, bouddhiste au Japon n’a fait que des ruines. Pourquoi la persécution des Césars a-t-elle abouti au triomphe ? Les explications humaines se dérobent, et il reste le mot de Jésus : Si c.valtatus fuero a terra, omnia trakam ad meipsum (Joan., xir, 3a).

Voir Harnack, Die Mission und Ausbrcitung des Christentums in den ersten drei Jalirhunderlen, 1906.

— J. Rivière, La Propagation du Christianisme dans les premier » siècles, 1907. — P. Ai. lard, Dix leçons sur le martyre, igo5. — D. H. Leclkrc(. ! , Expansion du Christianisme, dans le Dict. d’Archéologie Chrétienne, 193a.

4. — L’empire romain est conquis, ou du moins occupe. L’Espagne, la Gaule, laGermanie, la Grande-Bretagne ont leurs Eglises. Il reste à exterminer le paganisme qui, chassé des villes, persiste dans les campagnes : les évêques organisent des missions intérieures. Citons ici saint Martin ({- 397). Sur les frontières, la foi continue à s’étendre.

L’Eglise d’Irlande s’ébauche vers 430 avec le diacre

romain Palladius, et est vraiment fondée par saint Patrice, morten 465. L’heure n’est pas encore venue pourl’Eco68e, où les Pietés et lesScots sont toujours en guerre avec les Romains.

De même, au delà du Rhin et du Danube, où la guerre est incessante avec les Francs, les Alamans, les Saxons. On parle beaucoup plus d’Eglises détruites en deçà des frontières que d’Eglises fondées au delà. Mais la Germanie romanisée a son épiscopat, ainsi que le Norique, la Rhétie, le Pannonie, région non germanique encore et de culture romanoceltique. Ici se place, vers 450, l’apostolat de saint Sévbrin, défenseur contre les Germains de ce qui est aujourd’hui la Basse Autriche.

Plus à l’est, et jusqu’au Pont-Euxin, les Goths. Des exilés et des captifs grecs ont porté chez eux l’Evangile. Malheureusement, c’est l’Evangile des Ariens. Leur premier évêque, Ulfila, ne leur a prêché que l’hérésie, et c’est par eux que le christianisme, sous la forme arienne, se répandra chez les Burgondes, lesSuèves, les Vandales, les Lombards.

Sur le littoral nord du Pont-Euxin, en Crimée et aux environs, la religion chrétienne était connue depuis longtemps : mais au Caucase, c’est une captive qui porte la foi chez les Ibères (Tiflis), sous Constantin. Vers le même temps, saint Ghugoiiib l’Iixuminateur (mort en 33 1) conquiert l’Arménie, baptise le roi Tiridate et fonde la première Eglise franchement nationale.

En Perse, l’extension, commencée plus tôt encore, gagne le pays des Parthes et la Bactriane. Eglise terriblement éprouvée depuis que, dans l’Empire romain, le Christianisme est devenu religion d’Etat, donc pour les Perses religion ennemie. La persécution deSapor II (30g-381) dura 37 ans, fit, rien que parmi les clercs, les religieux, les religieuses, 16.000 victimes. Elle reprit au siècle suivant et dura 30 ans encore.

En Arabie, ce sont les solitaires qui introduisent le Christianisme chez les nomades. Le Hedjaz ne fut pas évangélisé ; mais vers le milieu du ive siècle, des Missionnaires entrent dans le Yemen méridional, baptisent une grande partie de la nation Homérite. Jusqu’à la conquête de Chosroès II, le Yemen eut des rois chrétiens.

On signale des chrétientés encore, dans le temps de l’empereur Constance, sur les côtes occidentales de l’Inde, à Ormuz, à Sokotora, Aden, Safar. Les deux côtés du détroit de Bab-el-Mandeb sont couverts d’Eglises. Le Tyrien saint Frumentu s, sacré évêque par saint Athanase, évangélisé le pays d’Axoum en Ethiopie. En Egypte, on trouve des vestiges chrétiens jusqu’aux environs deKhartoum. On ne sait jusqu’où s’étendaient, vers le désert, les Eglises africaines.

Voir : collection Les Saints, vias de S. Patrice pur Riguet, 191 1, de saint Martin par A. Régnier, 1907, de S. Séverin par A. Baurrillart, 1908 ; — D. Gougaud, Les Chrétientés celtiques, 191 1 ; — Labourt, l.e Christianisme dans l’Empire Perse igo4 ; — Hauck, Kirchengeschichte Deutschlands, 1887-191 1 ; — Tournrbize, [list. polit, et religieuse de l’Arménie, s. d. ; — Duciiesnb, Eglises séparées, ch. vii, 1896 ; Hist. de l’Eglise, II, p. 566, 111, 51g. Dict. d’archéologie, articles Arménie, Celtes, Caucase, etc., etc.

§ 2. — La conquête de l’Europe barbare

1. — Jusqu’ici l’Evangile s’est propagé de proche en proche, faisanttached’liuile, les Eglises essaimant d’une ville à l’autre, d’un pays à l’autre. A quoi servaient grandement les relations commerciales et administratives. Et cette foi qui s’étendait était la foi catholique. Avec l’arianisme, lescondilionsclian-