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PROBABILISME

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ou non exempt du jeune. Et dans les deux nuits, comme chez les deux personnes dont nous parlons, l’impossibilité delà présomptionou la nécessitéde la preuve s’applique également à l’heure qui précède ou & celle qui suit minuit, à l'âge du jeune homme ou à l’Age du vieillard.

Supposons même légitime le recours au principe de possession. Nous sera-t-il d’usage fréquent ? Dans combien de cas il ne saurait rien nous apprendre. Si nous sommes dépourvus de tout calendrier, nous fera-t-il admettre qu’il est dimanche plutôt que samedi ; vendredi plutôt que jeudi ; que nous avons 20 plutôt que ai ans ?

d) Que nous reste-t-il donc à faire ? A résoudre les dilférents cas suivant la volonté raisonnable du législateur. Cette volonté n’est-elle pas l'àme de toute loi ; ne lui donne-t-ellepas sa force ? Ne contient-elle pas, en somme, le dernier fondement du probabilisme lui-même ? Quand cette volonté apparaîtra évidente, elle nous donnera la certitude : la solution s’imposera. N’est-elle que douteuse, elle donnera naissance à un doute de droit, qui permet l’application du probabilisme. Laymann( Z'/ieo/. mor., L. I. tr. i, c. 5, n. 36) se sert de cette règle pour les doutes négatifs concernant le jeûne eucharistique. Les encouragements de l’Eglise à la communion fréquente et même quotidienne ne nous permettent-ils pas de conclure sans hésiter, que la communion reste permise tant que la violation du jeûne n’est pas parfaitement établie ?

Afin d’arriver à des règles d’application plus générale distinguons les lois qui se bornent à des prohibitions et celles qui contiennent des injonctions positives.

e)Rien n’empêche le législateur d'être indulgent en matière d’interdictions. Celles-ci restreignent directement la liberté ; et depuis longtemps on a admis que les lois sont plus promptespour affranchir que pour contraindre : lura promptiora sunt ad solvendum quam ad ligandum. Par conséquent, en l’absence de tout motif de justice ou de charité qui nous obligerait à des précautions, nous estimerons que, dans les doutes négatifs insolubles, les prohibitions ne nous atteignent pas. Donc, ni le jeûne eucharistique, ni la loi du jeûne ou de l’abstinence, ni celle quiinterdit le travail servile.ne doivent nous préoccuper, tant que des raisons positives ne nous disent pas que minuit a sonné, qu’il est vendredi ou dimanche.

f) Les prescriptions positives du législateur, en nous obligeant à certains actes, nous imposent un soin raisonnable pour les remplir dans les conditions voulues. Le prêtre, obligé à réciter l’office divin chaque jour, ne satisfera pas à son obligation s’il n’a pas de raison, du moins probable, pour croire le temps utile arrivé, à moins de constater par après que le bréviaire fut dit en temps utile. Les fidèles doivent, de la même manière, s’enquérir du temps pascal, des jours de jeûne ou d’abstinence.

La validité de certains contrats, de certaines nominations est subordonnée à des conditions d'âge. Ces conditions doivent se véritier d’une façon certaine, soit par la preuve directe, soit par l’effet d’une dispense régulière. L'âge n’est-il requis que pour la licéité de certains acte3, la volonté raisonnable du législateur demande, à tout le moins, que ses exigences soient satisfaites avec probabilité. Quand l'âge est une condition nécessaire pour être soumis à la loi ou pour en être exempté, nous dirons que ne sont astreints au jeûne que ceux dont l'âge de majorité est moralement certain ; et que le jeûne cesse d’obliger ceux qui ont probablement atteint les soixante ans.

C) De l’emploi simultané ousuccessifde deux pro' habilités. — Le lecteur qui nous a suivis dans le

: dédale de ces solutions pratiques tiendra lui-même

à ce que nous répondions à une dernière question. Peut-on à la fois, dans la pratique habituelle, se servir de deux probabilités opposées ?

a) Notre réponse ne causera aucune surprise à qui réfléchit que l’usage de la probabilité n’impose aucun effort d’adhésion à l’intelligence. Pour nous dispenser d’une obligation qui n’est que probable, il n’est nullement requis que, d’une façon plus ou moins forcée, nous opinions, par voie directe, que cette obligation n’existe pas ; mais il suffit que nous en constations l’incertitude. La probabilité nous offre ainsi souvent le choix entre deux partis. Et comme, dans le champ des actions honnêtes, notre conduite peut varier selon les circonstances et nos désirs, nous pouvons, de même, adopter pratiquement tantôt tel parti et tantôt tel autre, en prenant, dans les deux cas, pour guide une probabilité sérieuse.

Rien ne nous interdit d’essayer, par des moyens loyaux, d’obtenir l’exécution d’untestamentinforme qui nous est favorable, et de nous dispenser des obligations d’un autre testament informe qui nous serait onéreux : deux testaments sont deux causes séparées.

Mais nous ne pourrions traiter le même testament à la fois de valide et de nul ; profiter des dispositions favorables et négliger les charges qui grèvent les libéralités dont nous proûtons. Aucune opinion probable ne nous permet d’agir ainsi.

Bref, à condition d’admettre les conséquences morales ou juridiques des partis que nous adoptons, nous gardons la liberté du choix.

b) Il est assez admis que des montres qui marchent normalement nous indiquent l’heure avec une probabilité sur laquelle nous pouvons nous régler. A défaut d’indication plus certaine, il nous est loisible de consulter l’une des deux montres pour la récitation du brévaire, et l’autre pour le jeûne ou l’abstinence. Ce sont là des préceptes distincts. Chacun s’accomplit d’une façon légitime, sans que nous ayons à nous dire à la fois : il est minuit, il n’est pas minuit.

c) Cette faculté d’option subsiste, à plus forte raison, lorsque l’Eglise nous laisse elle-même le choix entre le temps astronomique, le temps moyen, le temps légal. Le probabilisme n’est plus en cause ici. Toutefois, le lecteur nous permettra de traiter en passant une question apparentée à la précédente, et de compléter ainsi notre exposé. Il nous paraît qu’en cette matière, des auteurs très estimables pèchent ici par excès de sévérité, en voulant que notre choix, s’il est fixé pour un précepte, nous lie pour tous les autres préceptes où entre en jeu la considération de l’heure.

Le c. 33, § i, qui nous permet d’adopter pour la célébration privée de la messe, pour la récitation privée de l’office divin, pour la sainte communion, pour le jeûne ou l’abstinence, soit le temps usuel, soit le temps astronomique vrai, soit le temps moyen, soit le temps légal, ne contient aucune clause qui nous oblige à l’uniformité dans nos choix. De quel droit l’imposerait-on, sans aucun texte ? Cette rigueur n’est-elle pas réfutée par la bizarrerie des conséquences où elle nous ferait aboutir ? Il est la h. i/a, temps légal ; n i/a temps moyen. Se réglant sur l’heure légale, un sous-diacre affamé se sert d’un pain fourré ; un sien compagnon se contente d’un petit pain beurré. Nous sommes dans la nuit du vendredi bu samedi. Tous les deux avaient encore à dire Compiles du vendredi. Le premier ne saura