Page:Adhémar d'Alès - Dictionnaire apologétique de la foi catholique, 1909, Tome 4.djvu/176

Cette page n’a pas encore été corrigée

339

PROBABILISME

340

vue a pris de nos jours une importunée de mieux en mieux comprise. Il s’accuse fortement par exemple chez un Lbbmkchl (-j- 1918), qui rejette l’étude du probabilisme au traité de la loi et l’intitule : De necessaria legis certitudine (Tkeol. mor. f tr. II, s. a, c. a). Outre le gain de précision obtenu de la sorte, si l’accord doit jamais se faire entre les moralistes catholiques, ce ne sera que sur ce terrain, hors du verbalisme des discussions concernant la probabilité relative. « Luculentior profecto appareret consensus, écrivait Bouquillon (}- 1902), si, loco quæstionis : an licitum sitsequi opinionemprobabilem in concursu aeque probabilis vel probabihoris, i>roponeretur quæstio : an observanda sit obligatio quae, omnibus sincère consideratis, non apparetcerta certitudine morali late dicta. Hæc altéra quæstionis formula multo aptior videtur, quia rem de qua agitur sub oculis ponit, nullumque relinquit locum aequivocationibus

  • (Tkeol. mor. fund., éd. 1903, p. 591). On

retrouvera la même manière de voir dans A. Vbrmbbrscr, Theologiæ moralis principia, responta, consilia, 1922, t. I, n. 360.

Bibliographie. — a) Travaux généraux : Concina, O.P., Délia storia del probabilismo, 1743, a vol. ; T. Bouquillon, Theologia moralis fundamentalis, 3 a éd., 1903, pp. 575-61a.

b) Sur les origines du probabilisme (avant Médina), il n’existe pas d’étude critique. On en trouvera les éléments, mais à contrôler de près, chez les controversistes postérieurs.

c) Sur la période postérieure à Médina : F. Ter Haar, C. SS. R., De systemate morali antiquorum probabilistarum, 1894 ; A. Schmitt, S. J., Zur Geschichte des Probabilismus, 1904 (excellent).

d) Sur les controverses des xvne et xvni* siècles : A. de Meyer, Les premières controverses jansénistes, 1917 ; Dôllinger et Reusch, Geschichte der Moralstreitigkciten, 3 vol., 1889 (ouvrage indispensable, mais tendancieux) ; Reusch, Der Index, 3 vol., 1 883-1 885 (même observation) ; A. Degert, dans Bulletin de littér. eccl. de Toulouse, 1913, pp. 40°, 44 a > Al. Brou, dans ce Dictionnaire, II, 1282.

e) Sur l’affaire Gonzalez : Dôllinger (l. c) ; P. Mandonnet, O. P., dans Revue thomiste, 1901190s (7 articles passionnés) ; J. Brucker, S. J., dans Etudes religieuses, 1901, t. LXXXV1, p. 778 ; 1902, t. XCI, p. 83 1 ; G. Arendt, S. J., De conciliationis tentamine… diatriba, 1902, pp. 69 ss. ; F. Ter Haar, C.SS.R., Venerabilis Innocenta XI… decreti historia et vindiciae, 1934 ; A. Lehmkuhl, S. J., Probabilismus vindicatus, 1906 ; A. Astrain, S.J., Historia de la Compania de Jésus en la Asistencia de Espana, t. VI, 1930, pp. 119-373 (renouvelle la question).

f) Sur saint Alphonse de Liguori : Vindiciae Alphonsianae… cura… theologorume C.SS.R., 3 vol., Rome, 1873, Bruxelles, Î874 ; Huppert, dans Zeitschrift fur kath. Théologie, 1895, pp. 467 ss. ; Noldin, S.J., /& « <*., 1896, p. 73, 670 ; G. Arendt, S. J., Apologeticae… dissertalionis a R.P. J. db Caigny C.SS.R. exaratæ Crisis, 1897 ; X. Le Bachelet, S.J., La question Liguorienne, 1898 (abondante bibliographie) ; J.-L. Jansen, C.SS.R., dans Jahrbuch fixr Phil. und spek. Théologie, 1896, p. 483 ; Revue thomiste, 1898, 1899, igo3 ; A. Lehmkuhl, S.J., l.c. ; St. Mondino, Studio-critico storico sul sistema morale di St. Alf.de Liguori, 191 1.

g) Du point de vue protestant : Chr. Luthardt, Geschichte der christl. Ethik, 18g3 ; C. Lea, tlistory of auricular confession, 1896, II, 385-4" ; A.Harnack, Lehrbuch der christl. Dogmengeschichte, ^* ed, 1910,

III, 748-756 ; Zockler, dans Herzog, Realencylopadie , t. XVI, 1905, p. 66.

Jacques dk Blic.


II PARTIE DOCTRINALE

Introduction. — Probabilisme n’est pas un terme populaire, du moins en France. Cette défaveur lui vient, pour une bonne part, de la calomnie, qui l’a dénaturé ; en partie aussi d’erreurs et de tendances laxistes, qui l’ont invoqué à tort, ou mal appliqué ; et surtout de l’opposition janséniste, qui a confondu, dans une même inimitié, la Compagnie de Jésus et un système présenté bien faussement comme propre de cet Ordre, que la secte a pris spécialement en aversion.

Nous écrivons cet article, dans la confiante persuasion de nous adresser à des lecteurs capables de se mettre au-dessus des préjugés courants ; et nous les prions de s’intéresser à la seule cause que nous entendions défendre : la vérité.

Dans la disposition de la matière, nous avons à tenir compte des accroissements que les discussions et les controverses lui ont donnés. Nous montrerons d’abord avec quelle impérieuse nécessité se pose la question que le probabilisme estime avoir bien résolue ; puis, nous ferons la critique des essais de solution tentes en dehors du probabilisme : ce qui nous conduira de plain-pied à la solution probabiliste, dont nous ferons l’exposé et la démonstration. Il faudra ensuite, pour éviter les méprises, délimiter le champ dans lequel le probabilisme opère. Mais que faire des doutes qui débordent ce champ ? Question à ce moment toute naturelle, et peut-être trop négligée : nous nous efforcerons d’y répondre. Enfin, pour donner à notre étude une valeur pratique, de grand prix pour l’honnête homme, nous rechercherons quel est le mérite propre du probabilisme et comment il peut et doit s’insérer dans l’activité d’une vie chrétienne.

I. — L’inévitable problème

1. — La moralité de nos actes libres, leur bonne, leur vraie moralité, dérive de l’accord qui relie notre décision pratique à un jugement plus général, dicté par la conscience. Tel acte, en lui-même et dans l’enveloppement des circonstances, m’est prescrit : je me décide à le faire. Tel autre acte n’est interdit : je m’en abstiens. Le sens commun qualifiera de bonne ma décision et mon abstention. Il est entendu que je dois accomplir les actes que je sais être légitimement commandés ; que je dois omettre les actions dont la prohibition m’est démontrée.

La raison immédiate de cette obligation d’agir ou de m’abstenir saute, d’ailleurs, aux yeux : ma volonté, appétit rationnel, doit se régler sur le verdict de mon intelligence.

3. — Si ce verdict avait toujours la marque de la certitude, aucune hésitation ne serait possible à l’endroit de nos devoirs : nous n’aurions qu’à suivre la route lumineuse qui mènera à leur fin les voyageurs que nous sommes.

Mais telle n’est pas la réalité présente. Pour les conseils d’ordre pratique, comme pour les théories, nos recherches, même nos recherches diligentes, n’ont fréquemment d’autre aboutissement que le doute, le doute invincible.

En d’autres termes, pressée de se prononcer sur une obligation, notre intelligencepeut formuler trois sentences : une sentence affirmative, une sentence