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PROBABILISME

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ne favorise en aucune façon les adversaires du probabilisme. D’autant que les documents qui consacrent cette autorité, — Décrets de la Congr. des Rites du 18 mai 1803 (inihil censura dignum ») et du 9 mai 1807 (béatification), Réponses de la S. Pénitencerie du 5 juillet 1 83 1 (à l’abbé Gousset) et du 19 décembre 1855, Bulle de canonisation du 26 mai 1839, Décret des Rites du a3 mars et Bref du 7 juillet 1871 (pour le titre de Docteur), — ces documents, disons-nous, n’entendent montrer aucunepréférence de système : < Nullam opinionem damnare aut unam alteri præferre, sed solum factum designare ab omnibus admissum, quod videlicet S. Alpbonsus suosystematecuraverit sive laxiores, siverigidiores evitare sententias. » Telle est l’interprétation autorisée de la Congrégation des Rites elle-même, dans une réponse du ai juillet 1871 (Cf. St. Mondino, Studio storico-critico sul sistema morale di S. Alfonso de Lig., 191 1, p. 14q) Conclusion. — Ainsi, durant la période d’un peu plus de cent ans qui sépare la crise janséniste de la carrière littéraire de saint Alphonse de Liguori, alors que les théologiens, unis jusque-là pour enseigner le probabilisme, discutent àprement à son sujet, on ne trouve qu’un pape qui montre des répugnances personnelles à l’égard de cette doctrine, et celui-là même, quand l’occasion s’en offre, évite d’imposer on sentiment par un acte officiel. Peut-on croire qu’il en fût de la sorte, s’il s’agissait d’un système de morale en opposition avec l’esprit de l’Eglise ?

VI. — L’état actuel de la question

i° Les écoles en présence. — A. — En publiant, en 183a, sa Justification de laThéologie morale du B. Alphonse de Liguori, l’abbé Gousset, plus tard cardinal (1792-1885), avait fortement ébranlé le probabiliorisme du xvme siècle. Depuis qu’ont disparu les derniers vestiges du jansénisme, ce système n’a plus guère qu’un intérêt historique. Incapable, en vertu de son principe même, de se distinguer nettement du tutiorisme (Bouquillon, Theol. mor. fund., éd. 1903, pp. 546-550), sa position est devenue en effet singulièrement difficile.

L’Ecole thomiste y a généralement renoncé. Voir pourtant T. Pbgubs, Comment, de la Somme de S. Th., t. VI, pp. 57^-584 ; E. Janvier, La liberté, carême 1904, p. 297 ; A. Gardeil, dans Vacant, Dict. de théol. cath., IV, 2250 ; H. Noblb, dans Rev. des se. pli. et th., 1922, p. 436. Au surplus, dans la difficulté de s’assimiler aujourd’hui certaines formules de saint Thomas, les moralistes de cette école manifestent quelque hésitation : les uns, empruntant au Docteur angélique le principe victorieusement défendu par saint Alphonse contre Patuzzi, se rangent dans le camp équiprobabiliste (R. Bbaudoin, De conscientia, 1911, p. io4 ; A. Sbrtillanobs, La Philos, mor. de S. Th., 1916, p. 554) ; d’autres, abandonnant moins volontiers le tutiorisme médiéval, cherchent une transaction dans la théorie de Laloux, dont nous allons parler ; enfin, dans 60n livre récent, Le probabilisme moral et lu philosophie, 1922, p. 269, le R. P. T. Richard se sépare de tous les systèmes modernes, propose l’opinion comme « principe d’action immédiat », et revient ainsi au probabiliorisme direct de Gerson. Malgré ces divergences, la plupart se retrouvent unis dans une opposition de fond au probabilisme. Voir en particulier : P. Mandonnkt, liev. Thom., 1902, pp. 3 1 5. 503 : E. Hug-ubny, Rev. du Clergé fr., 1908, t. LUI,

:  ; A. Mortibr, Hist. des Maîtres gén. des

FF. I>1’., t. VII, ly14, 176.

B. — La théorie moyenne proposée par Laloux, S. S., 7 1853 (De act. hum., 186a, pp. 4a-148), Maniiîr, S. S., -j-1871 (Compendium philosophiae, éd. 1877, t. III, app. 1), Potton, O. P. (De theoria probabUitatis, i&-jli ; iouv. Rev. théol., 1875, p. 37a), et connue sous le nom de coinpensationisme, a généralement trouvé peu de faveur. On lui reproche de n’être qu’un tutiorisme mitigé. Cf. Montrouzibr, Rev. des se. eccl., 1870, t. XXI, p. aao ; X., ibid., 187a, t. XXV, p. 383 ; Bouquillon, Theol. mor. fund., éd. 1903, pp. 548, 574 ; V. Oblbt, dans Vacant, Dict. de théol. cath., III, 604- Dans ces dernières années, il n’y a guère eu à la soutenir ou à la juger plausible, que les dominicains M. -A. Boisdron (Théories et systèmes des probabilités), L. Lbhu (Philos, mor. et soc, 191 4 » p. 387), Prummbr (Man. theol. mor., t. I, n. 351), celui-ci d’ailleurs avec des réserves (Comparer son Vade-mecum theol. mor., 1931, nn. 15a-156).

Aussi est-ccentrel’équiprobabilisme et le probabilisme que se partagent la presque totalité des moralistes contemporains.

C. — Au premier se rallient, à la suite des auteurs Rédemptoristes, les théologiens soucieux de rester littéralement fidèles aux dernières formules de saint Alphonse. Mais ici encore les nuances sont assez diverses. Si, avec Marc, Konings, Abrtnys, on interprète le Systema morale en fonction de la Dissertation de 1763 jugée définitive, on est bien près de donner la main aux probabilistes (Cf. J. Abrtnys, j* 191 5, Theol. mor., éd. io a, 1919, t. I, n. 1 a5).Si au contraire on prend à la lettre les déclarations probabilioristes d’après 1767 et les formules rigides du Monitum de 1772, quitte à rejeter comme « œuvres de jeunesse » toutes les dissertations antérieures à cette date, on se voit fatalement entraîné sur le terrain même du tutiorisme. Ce glissement est très sensible dans les publications des PP. J.-L. Jansbn (spécialement Revue Thomiste, 1898, 1899, igo3)et L. Woutbrs (De minusprobabilismo). Voir G. Arbndt, X. Lb Bachblbt, A. Lbhmkuhl aux indications de notre Bibliographie.

D. — Pareil flottement ne se peut constater dans le groupe des probabilistes. Eux aussi, certes, se réclament de saint Alphonse, car c’est dans les écrits certainement probabilistes de sa pleine maturité qu’ils voient la pensée profonde et persistante du vénéré Docteur. Eux aussi se rattachent, par un côté du moins, à saint Thomas ; ils retrouvent, en effet, dans le De veritate leur argument de fond. Mais, au vrai, leur système doit bien plutôt sa cohésion au fait qu’il se relie, par une tradition théologique continue et homogène, au développement normal de la pensée chrétienne, qui, en dépit des tutiorismes théoriques, a toujours cru pratiquement à la nullité de l’obligation douteuse. De là vient que ce système, après le triomphe momentané du rigorisme, a vite retrouvé la faveur des théologiens. Actuellement, à en juger par la production littéraire, il est bien de nouveau le plus répandu, et l’autorité de noms tels que Gury, Ballrrini, Bouquillon, BuccKnoNi, Gknicot, Lbhmkuhl, Noldin, Fkrrbrbs, Tanqubrby, constitue pour lui, on doit le reconnaître, une garantie de parfait accord avec l’enseignement vivant de l’Eglise.

2° La position du probabilisme dans l’Eglise.

— Pas plus aujourd’hui qu’hier on n’est donc fondé à présenter le probabilisme comme « une opinion tolérée » que l’Eglise « cherche à faire disparaître » (P. Mandonnbt, Rev. thom., 1900, p. 746 ; 1902, p. 19 ; cf. R. Beaudouin, De conscientia, p. 119). Alors même que ces expressions n’impliqueraient pas une