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PROBABILISME

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a Je crois jusqu’à présent que la vérité est de mon côté, et c’est ainsi que le pensent non seulement le P. Skgneri et le P. Tniiius, mais encore une foule d’autres savants. » fbid„ t. XXVIII, p. 541.)

Quelle est cette foule de savants ? On trouvera leurs noms, noms de probabilistes notoires, aussi bien dans la Dissertation de 1^55, nn. 4 ss., que dans celle de 1765, c. 6, n. 5. De part et d’autre en effet la liste est identique, et identique aussi la conclusion :

Texte de 1^55 :

Naquit negari quod spatio centum annorum circiter, vel saltem usque ad medietatem sæculi xvii, benigna sententia ab omnibus doctoribus recepta est. Diss. scholastico-moralis, i ; 55, n. 9 ; éd. Marietti, Torino 1829, t. XV, p. 8a.

Texte de 1766 :

Ne possono negare che la nostra sentenza almeno per ottanta o novanta annie statu commune presso gli autori délia Teologia morale. Dell’uso moderato deW opinione probabiU, i ?65. c. 6, n. 5 ; éd. Marietti, t. XVII, p. 269.

Voir encore Réponse apologétique, 1764 : t. XXIX, p. 360.

Le confesseur dirigé, 1764, 0. 1, n. a6 ; t. XXVII, p. 160.

B. — En pleine convergence avec cette série d’indices extrinsèques, l’étude interne des écrits de cette période y révèle bien les éléments essentiels du probabilisme.

On ne peut en douter pour ce qui constitue l’armature de la théorie : distinctions d’opinion spéculative et de conscience pratique, de certitude directe et réflexe, nullité de l’obligation incertaine, antériorité de la liberté par rapport à la loi, assimilation du doute prudent à l’ignorance invincible même en matière de droit naturel, rejet, dans sa généralité, du principe * In dubio tutior pars ».

Mais, cela n’est pas moins certain, en dépit des apparences contraires, pour ce qui est de l’étendue et des limites du système.

a) « Il est permis de suivre une opinion probable même moins probable, disait Busenbaum, mais, dummodo… adhuc sit probabilis, c’est-à-dire gravi auctoritate a ut non levis momenti ralione nixa » (Medulla, tr. 1, 0. 2, dub. a). Pareillement les auteurs probabilistes invoqués tout à l’heure par saint Alphonse assignaient comme limite à leur thèse le cas où, l’opinion moins sûre n’étant que douteusement ou faiblement probable, c’est-à-dire incapable de retenir l’attention d’un esprit sincère et prudent, la loi se présente à la conscience comme moralement certaine. Or c’est précisément cela qu’en substance, bien qu’en termes un peu voilés, le saint Docteur cherche à exprimer dans les deux thèses reproduites plus haut.

/3)Pour le comprendre, il importe d’avoir présente à l’esprit sa terminologie relative aux notions logiques de probabilité et de certitude.

Se conformant en effet à l’usage probabilioriste de plus en plus répandu (Lu Baciiblbt, La question Liguorienne, p. 195), et à l’usage équiprobabiliste que lui a révélé Amort, il admet tout d’abord, depuis 1761, les équivalences suivantes :

(1) Opinio notabiliter probabilior = moraliter certa ; Opinio notab. minus probabilis = ténuité rprobabilit,

= improbabilis.

Du conflit de telles opinions ne résulte qu’un doute large.

Diss. de 176a ; t. XXVIII, p. a4 ?. De l’usage mod. de l’op. prob., 1765, c. 1, n. a ; t. XXIX, p. 31. Theol. moi., 6a ea., 1767, I, 53. C. S., 188, 217, aig.

De plus, en vertu de l’axiome connu : parum pro nikilo reputatur, il croit pouvoir négliger une modica præponderantia et identiGer pratiquement :

(2) Opinio probabilior ted non notabiliter = aeque vel jere aeque probabilis.

Dana ce cas, le doute est strict.

Dite, de 176a ; t. XXVIII, p. 375. Apologie de 1765 ; t. XXVIII, p. 3 1 4- De l’usage mod. de l’op. prob., 1765. C. 1, n. 3 ; t. XXIX, p. 3a. Theol. mor., 6a éd., 1-167, I, 55. C. S., 188, 2 : 7, 219.’'’'

Puis, se fondant sur une loi psychologique qui lui parait s’imposer, et selon laquelle la certitude subjective de la probabiliorité d’une opinion accuse toujours une probabiliorité notable, il arrive à cette autre assimilation :

(3) Opinio certb probabilior = notabiliter probabilior ; Op. cbrtk minus probabilis = notabiliter minus probabilis.

Apologie de 1765 ; t. XXVIII, p. 314. De l’usage mod. de l’op. prob., 1765, c. 1, n. 2 ; t. XXIX, p. 31. Théo, mor., 6a éd., 1767, I, 55, II. C. S., 188, 217, 219 : « Si l’excédant n’était pas notable, il ne pourrait faire pencher la balance. …Lorsque la probabilité est faible, elle ne fait pas pencher la balance. »

Enûn par la combinaison de (1) et (3) d’une part, de (2) et (3) de l’autre, il obtient sans autre intermédiaire ces dernières formules :

(4) « Opinio certe probabilior… est moraliter aut quasi moraliter certa » ; Theol. mor., 6a éd., 1767, I, 55, II.

« L’opinion reconnue moins probable n’est pas probable. » 

C. S., 185.

(5) « Lorsque l’opinion est douteusement moins [ou plus] probable, alors ou elle est également probable, ou presque également probable. »

Apologie de 1765 ; t. XXVIII, p. 314. C. S., 3, 217, 319.

y) Dès lors, quand il déclare que « celui qui juge que l’opinion favorable à la loi est certainement plus probable, est tenu de l’observer » (Apologie de 1765 ; t. XXVIII, p. 359), il a le droit d’affirmer : < J’ai toujours dit cela », car il se borne à transposer dans sa terminologie actuelle, en vertu de (4), ces expressions équivalentes des probabilistes : « On ne peut suivre l’opinion moins sûre, quand elle n’est pas vraiment probable, soit : quand la loi est moralement certaine » ; et cela, en effet, il l’a toujours dit.

De même, si l’on compare avec (1) et (2) l’autre thèse essentielle du système : « Cum opinio minus tuta est aeque vel fere aeque probabilis, potest quis eam licite sequi » (Theol. mor., 6 » éd., 1767, I, 55, ni), on apercevra sans peine que ce n’est là encore qu’une transposition dans la terminologie équiprobabiliste de la propre thèse de Busbnbaum rappelée plus haut (col. 3a3, a).

Aussi, jugeant en 1769 un de ses écrits antérieur à la Dissertation de 1762, Alphonse le qualifiait-il simplement de fait à l’ancienne manière et avec l’ancienne terminologie, tel que, réédité maintenant, il viendrait quasi à contredire les dissertations postérieures (C. S., 327) (.

1. S’il fallait apprécier la contribution de saint Alphonse à l’éclaircissement de la controverse probabiliste après 17C1, sans méconnaître le progrès accompli dans le choix etla présentation de* preuves, on aurait en revanche à constater l’imprécision croissante des limites imposées au système, imprécision due à l’ambiguïté de l’expression caractéristique notabiliter probabilior (BOVQVII.LON, R. des se. eccl., 1874, t. XXIX, p. g3).

Faites-vous, devrait-on dire, de l’opinion notabiliter probabilior une opinion dont la contradictoire ne donne lieu à aucune hésitation prudente ? Alors vous avez bien ie droit de poser l’équation (1), mais (2) ne vaut plus que grâce à un élargissement abusif de la notion du doute strict, et psychologiquement (3) ne se peut plus admettre. — Définissez-vous au contraire cette opinion : celle dont la probabiliorité, bien que considérable, est mêlée cependant d’une hésitation raisonnable et prudente.’Alors vous pouvez conserver 1 équation (2) et peut-être (3), mais (1) ne saurait subsister