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PROBABILISMË

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Cli. de Montchal, et très probablement inspiré par Pavillon (T. II, tr. xxvi, leç. 10-12).

/) Tout n’est pas exagéré d’ailleurs dans ce mouvement. Par les excès injustifiables où aboutissent alors certains casuisles, faute d’avoir compris la vraie portée des principes enseignés par les maîtres, un certain laxisme tend à se constituer, qui, sous couleur de faciliter la confession, aurait vile émoussé, si l’on n’y prenait garde, le sens moral des confesseurs.

« La plus ténue probabilité, disent les uns, —

une probabilité même seulement probable, renchérissent les autres, — peut servir de règle d’action. » Nous retrouverons ces faux principes parmi les propositions condamnées sous Alkxandrb VII et Innocent XI. A ne critiquer que cela, Arnauld et ses amis n’eussent rien dit de plus que l’ensemble des moralistes de leur temps. Mais en réalité ce sont tous les théologiens opposés aux cinq propositions, les frères de Molina surtout, que, d’accord avec Jansénius, ils estiment relâchés.

S) Et voici que l’accusation prend un éclat inattendu avec la cinquième Provinciale, 20 mars 1656. Les Jésuites ont beau se défendre, l’opinion croira désormais, malgré le P. Dbchamps (Quæstio facti, 165q), que la probabilité est leur invention : argument péremptoire contre cette doctrine pour tous ceux qui, à divers titres, reprochent quoi que ce soit aux bons Pères.

Bien loin d’atténuer le coup, l’Apologie des Casuistes du P. Pihot, 1657, contribue indirectement à l’aggraver, par la campagne de pamphlets qu’elle déchaîne (Ecrits des curés de Paris [en réalité d’ARNAULD, Nicole, Pascal], 1658) et par les condamnations qu’elle provoque, 1658-1650, , de la part de 31 évêques plus ou moins acquis à Pokt-Boyal (Voir ces documents dans Annales de la soc. des soidisans Jésuites, tt. IV et V, 1769-1771) Bref, en assurant le succès de l’opposition janséniste, l’intervention de Pascal va marquer une coupure dans l’histoire du probabilisme (Bouquillon, Theol. mor. fund., éd. 1903, p. 587 ; A. Dbgbrt, Bull, delitt.eccl. de Toulouse, 1913, pp. 400, lli).

3° A partir do 1656 en effet, l’accord, unanime jusque-là, va se rompre. Tantôt sous l’influence directe du jansénisme, tantôt en vertu d’un préjugé créé par le jansénisme, on verra de nombreux théologiens s’écarter de cette doctrine de leurs devanciers, que l’on commence à désigner du nom désobligeant de probabilisme (cf. Arnauld, Cinquième dénonc. du péché phil., Avertiss. ; Œuvres, t. XXXI, p. 398).

C’esl ainsi qu’à côté du tutiorisme plus ou moins avoué dis oratoriens et deslovanisles, se formera une école probabilioriste, très voisine de la précédente (Revue théol., 185g, t. IV, pp. 5$5 ss.), dont l’Ordre de saint Dominique et la Sorbonne feront d’abord principalementla fortune, mais qui recrutera d’année en année un plus grand nombre de partisans.

Néanmoins le probabilisme continuera à vivre (Bouquillon, l. c, p. 589). Il restera longtemps en Italie, en Allemagne, en Autriche, toujours en Espagne (Doellingbr, T. I, p. 318 ss.), la doctrine la plus répandue. En France même, jusqu’à la censure que Bossuet fera porter à l’assemblée du Clergé de 1700, il sera enseigné dans beaucoup de séminaires par les Sulpiciens et les Lazaristes. (Sur cette assemblée, voir Collection des procès -verbaux…, VI, 473-503, et pièces justifie, 212 ss. ; sur son influence, A.. Dbgbrt, l. c.) Par ailleurs, l’école franciscaine attendra jusqu’en 1762 pour se l’interdire (H. Hoi.zapfbl, Monnaie historiæ 0. F. M., 1909, p. 503 ss.). Les Jésuites, à part quelques exceptions

et malgré les efforts personnels du P. Thyrsr Gonzalkz, y 1705, feront bloc jusqu’au bout pour maintenir leur droit à le professer, peu séduits dans l’ensemble par l’équiprobabilisme transactionnel de leur confrère Bassler, } 1713. (Cf. Vacant, Dict. de théol. ciilh., art. Jésuites)

Bref, on persistera à le défendre dans la mesure où l’on saura se protéger de toute atteinte janséniste.

Conclusion. — De l’époque de Gerson au temps de saint Alphonse, la pensée des théologiens sur le problème de la conscience douteuse passe par trois périodes : Après avoir longtemps cherché à se dégager d’un tutiorisme théorique hérité du passé, elle s’affirme probabiliste universellement et sans conteste durant l’espace de trois quarls de siècle, pour ne douter d’elle-même et ne se partager que sous une influence étrangère à son progrès normal. Bien, mieux que cette évolution, ne montre combien sont loin de la vérité historique ceux qui présentent le probabilisme comme un simple accident surveni au développement de la morale, fruit des ininimisations nominalistes(A.HARNACK, Lehrbuch der christl. Dogmengeschichte, 4e éd., 1910, III, ">oi. 7^8), ou conséquence des vues de Molina sur la liberté (Co.xtbnson, Theol. mentis et cordis, éd. 1687, 1. II, diss. n, c. 2, p. 76).

IV. — Saint Alphonse de Liguori (1696-1787)

Saint Alphonse de Liguori fut toujours considéré de son vivant comme un probabiliste. Mais pour des raisons sur lesquelles nous aurons à revenir, il fut amené, au cours de sa longue carrière, à présenter son système moral sous des jours assez différents. Delà une question liguorienne., posée surtout depuis A. B.vllkrini (™ 1881), et résolue en sens contradictoires parles deux écoles probabiliste et équiprobabiliste.

Pour l’histoire et la littérature de cette controverse, voir X. ht Bachelbt, La question liguorienne, 1*98, pp. 49, ss.

Nous nous reporterons souvent dans l’étudo qui va suivre, aux Lettres publiées par les Pères Rédemptoristes (TraJ. franc, 5 vol. Lille, 1888-1893 ; même numérotation que dans l’édition italienne), désignant la Correspondance spéciale par les lettres C. S., la Correspondance générale par C. G. — Sauf exception, nous citerons : « ) lo Morale systema et la Theologia moralis d’après l’édition Gaudé, Roraaï 1905, 4 vol. ; /3) les dissertations latines d’après l’édition Marietti des Opère del H. Alf. de L., Torino 1829, 1. XV ; y) les opuscules italiens d après leur » traductions dans les Œuvres complètrs du D. A’ph on se de L., Pans 18*2, tt- XXVIII et XXIX. - Pair les variantes dos éditions successives des ouvrages du Saint, nous recourrons aux Vindiciæ Alphonsianae, ’ ! ' éd. Bruxelles 1874, t. 1, pp. 5’» ss. 454 ss. — Pour les détails biographiques indispensables à l’intelligence du sujet, nous renverrons à Bbbtiie, C. SS. R., S. Alph. de L., 1900, 2 vol.

i » Adhésion ferme de saint Alphonse au probabilisme jusqu’en 1761. — Formé par ses maîtres au pr’babiliorisme, saint Alphonse a raconté lui-même, comment, dès ses premières expériences de missionnaire, vers 1732, il était passé au probabilisme. (Dissertation de 17/J9, éd. Marietti, t. XV,

P- °9).,

Ce changement radical ne devait jamais avoir de

réplique, et, en tous cas, tous les écrits moraux du Saint jusqu’en 1761 devaient porter l’empreinte de sa ferme conviction probabiliste.

On le voit en effet publier en 17^8 des Adnotationés à la Medulla theologiæ moralis de Busrnbaum, et, bien que, pour ne pas heurter de front les préventions du public, il s’abstienne, au traité de la