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profonde, un goût plus senti, clic le mettra sur la voie du progrès. C’est que la prière fait entrer Dieu dans la vie humaine. Et il n’y a pas d’idée plus chargée d'énergie, plus réellement <t dynamique » que l’idée de Dieu.

Dès lors, on ne s'étonnera pas de trouver la prière efficace, non seulement pour l’homme qui prie, mais pour son prochain, qu’il veut faire bénéficier de son intercession. Ceci ne peut faire dilliculté pour qui admet d’une part la solidarité de toutes les âmes humaines, fondée en nature et attestée partout l’ordre social, d’autre part la bonté paternelle de Dieu, attentive à faire des élus. Pour expliquer ce rayonnement de la prière, la pensée contemporaine recourt volontiers aux faits de télépathie, et sans doute elle en exagère l’importance. De l’aveu des spécialistes les plus qualifiés, le mot n’explique rien. Quand même l’expérience découvrirait quelquejour l’agent mystérieux qui met en communication les âmes, et qui jusqu’ici se dérobe à nos prises, Dieu ne serait pas, pour autant, rendu inutile. Car la prière d’intercession vise plus haut que nos semblables. C’est du ciel qu’elle espère faire descendre sur eux une vertu. L’homme qui prie a conscience d'être un instrument aux mains d’une puissance bienfaisante ; et c’est à titre fraternel qu’il mendie pour des êtres nécessiteux. Il mendie, non pas seulement une bienveillance générale, mais parfois tels dons très particuliers, pour tels individus. Ceci rentre dans le plan divin. Une prière cordiale, comportant une réelle dépense de force spirituelle, un réel don de soi, est la condition mise par Dieu à l’effusion de ses libéralités ; il daigne se servir de nous pour parfaire son œuvre. Il ne faut qu’entrer dans ce dessein pour comprendre comment, dans tel cas particulier, notre prière pourra être frustrée ; comment, par exemple, la protection que nous implorions pour tel combattant, sur le champ debataille.n’a pas détourné de lui le coup fatal. Dieu a des pensées plus vastes que les nôtres, et dont le détail nous échappe. Mais la vraie prière, pénitente et soumise, qui s’unit à sa volonté paternelle, demeure une force aux mains de Dieu pour une œuvre de salut.

Le même auteur, dont nous recueillons volontiers les assertions maîtresses en laissant tomber certains traits, se demande si l’on est fondé à voir dans la prière un agent de guérison corporelle, et il n’hésite pas à répondre aflirinativement. Assurément la prière n’est pas une panacée. Mais elle est, au jugement des hommes de science, un facteur de relèvement très réel, même en des cas où la médecine se reconnaît Impuissante.

Dans l’unité du composé humain, il y a action et réaction du physique sur le moral. Cela suffit pour que la prière, force d’ordre spirituel et moral, intervienne efficacement dans le domaine organique. Elle intervient par le réconfort que le patient éprouve, du fait de son propre recours à Dieu ou du fait du recours d’autrui pour lui-même à Dieu. Aujourd’hui, beaucoup de médecins sont des idéalistes convaincus, qui apprécient la force thérapeutique des convictions religieuses et le ressort moral de la prière. Toute maladie — ou presque toute — leur paraît un désordre à la fois organique et mental, en proportions diverses ; et ils croiraient aussi imprudent de négliger la thérapeutique mentale que la thérapeutique o-ganique. L’une et l’autre ne ren'.rent-elles pas, à un titre semblable, dans l’unité du plan divin ? Voilà donc la porte ouverte à l’action de la prière ; car — il faut en revenir là, — c’est la prière qui met l’Ame en communication avec Dieu et déclenche, sur elle-même ou sur autrui, ces éneigies spirituelles, profondément salutaires, dont Dieudétienl la source

inépuisable. Ceci est particulièrement vrai des maladies dites « de la personnalité », appelant une reconstruction du caractère. La prière personnelle, qui aide à vouloir, y contribue sûrement. Pourquoi pas aussi la prière d’autrui ? Le comment nous échappe, mais le fait est constant. Une prière désintéressée, « altruiste », ne retombe pas à vide sur elle-même ; elle est un bien, et doit opérer pour le bien. Les témoignages abondent dans l’histoire du christianisme.

Seulement il ne faut pas poursuivre absolument nos vues particulières, comme des lins en soi. Le recouvrement de la santé est en soi, un bien ; relativement à l’ordre universel, ce peut être un mal. Tout doit concourir au dessein de Dieu. S’il y a te ! cas particulier où la prière défaille, impuissante s. obtenir le relèvement d’un organisme malade, lai puissance divine y trouvera l’occasion d’un meilleur triomphe. C’est le cas de saint Paul, criant vers Dieu dans son angoisse, et entendant cette réponse : « Ma. grâce te suffit ; car ma force triomphe dans ta faiblesse. » Enfin, l’efficacité de la prière expire aux bornes de la vie humaine : le dessein universel de l’Auteur de la nature prévaut sur toutes les lins particulières. Mais la prière dispose à faire bon visage à l'éventualité suprême de la mort ; elle élève l'âme sur les plus hauts sommets ; elle lui découvre les perspectives radieuses de l’espérance chrétienne.

L’effet total de la prière doit être d’assujettir pleinement l’individu à Dieu, pour réaliser, à travers les conflits de ce inonde, ce qui est la. fin commune de l’Eglise et de l'État : le règne de Dieu en terre, préparant l’avènement d’un monde nouveau, dans les splendeurs d’une paix éternelle.

Ce mémoire fortement pensé, remarquablement écrit, est loin d'épuiser le sujet de la prière, mais trace un cadre où certains développements supplémentaires pourraient trouver place. Il accorde beaucoup d’importance à l’automatisme psychologique de la prière, et relativement peu à sa puissance d’impétration. Il ignore la vie sacramentelle de l’Eglise et la prière liturgique. Il laisse en dehors de son horizon les états proprement mystiques et, en fait, abandonne la question du miracle. Ces aspects devaient tenter d’autres plumes. Un prêtre catholique américain énumère, d’un point de vue surtout extérieur, les pratiques de piété en usage dans l’Eglise romaine. Divers auteurs touchent — d’une main combien profane, hélas ! — aux grandes expériences des saints. Plusieurs rencontrent le miracle, mais ne savent guère que le rs mener, par une voie prsgmatiste, aux douteuses théories d’autosuggestion ou de faith-healing. A cet égard, les paroles les plus sages ont été dites par un pasteur suisse du canton de Vaud, M. C. A.Bourquin, dont le mémoire, rédigé en français, nous est livré dans une traduction anglaise. Il écrit, p. 219-222 :

Il n’est pas plus scientifique de rejeter tous les miracles que de les accepter tous. Dieu ne fait pas toute » le » merveilles qu’on lui attribue, mais il en fait plus qu’on ne pense… Les miracles doivent diminuer, avec la marche du progrès. Tandis que pour l’ignoiunt tout est miracle, beaucoup de prodiges ont disparu, grâce à l’avance de la civilisation, et n’ont plus de sens. Le miracle, néanmoins, ne disparaîtra point tout à fait… La guérison des maladies organiques parla prière se poursuit de nos jours. On va à Lourdes et à Notre-Dame de Fourvière ; de* malades en reviennent souvent guéris, après avoir invoque la Vierge Marie…

Il y a très loin de ces paroles à une pleine intelligence de la lf çon du miracle, que Dieu n’a pas refusée à l’incrédulité de notre âge. Mais, somme toute,