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PRIERE

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Qu’il suffise de citer sainte Térùsb, Château intérieur, V « demeure, eh. iii, trad. des Carmélites de Pans, t. VI, p. ii>3’  « Pour l’union dont il est ici question (union de pure conformité à la volonté divine), est-il nécessaire qu’il y ail suspension des puissances ? Non, le Seigneur a le pouvoir d’enrichir les aines par diverses voies, et de les l’aire arriver à ces Demeures sans passer par le sentier de traverse que j’ai indiqué (les voies mystiques). Mais remarquez bien ceci, mes tilles : il est nécessaire que le ver Meure, et ici il vous en coûtera davantage. Par cette autre voie, la vie si nouvelle où l’on se trouve introduit aide beaucoup le ver à mourir. Ici, il faut que ce soit nous-mêmes qui, sans être affranchis de la vie ordinaire, lui donnions la mort. J’avoue que c’est beaucoup plus pénible, mais cette souffrance a son prix, et si l’on remporte la victoire, la récompense sera plus grande. Que l’on y puisse arriver, cela est indubitable, pourvu que l’union à la volonté de Dieu soit réelle. »

Ce qui ressort avec vraisemblance de la tradition, c’est que Dieu a coutume de départir, plus ou moins libéralement, des touches mystiques aux âmes qu’il veut spécialement s’unir. Aussi les auteurs spiriluels les plus défiants à l’égard des visions et autres grat æ gratis datae, ne le sont-ils pas à l’égard de ces grâces toutes purifiantes et élevantes ; ils permettent de les désirer humblement et prescrivent de les recevoir avec reconnaissance. Mais une règle générale n’est pas nécessairement une règle sans exception, et c’est le cas de rappeler le mot de sainte Térèse : « Comme il y a beaucoup de demeures dans la maison du Père céleste, il y a aussi bien des voies pour y tendre. » Dieu dispenserait sans doute plus libéralement les gràcesmystiquessiplus d’âmes y correspondaient. Ce principe général est sûr : les applications restent discutables.

Mais c’est peut-être trop s’appesantir sur une question controversée. Il importe beaucoup plus de constater que nous retrouvons les auteurs spirituels unanimes à aflinner que, même pour l’âme introduite à la vie mystique, l’ascétique ne perd jamais ses droits ; tous font écho à la parole du Maître : « Si quelqu’un veut venir sur mes pas, qu’il se renonce, porte sa croix et me suive. » (Mat., xvi, 24) C’est là, sans illusion possible et pour tous, la voie de ta divine charité, de ces « meilleurs charismes » recommandés par l’Apôtre (I Cor., xii, 31). Inutile d’accumuler les témoignages ; nous en choisirons deux :

De Imiiatione Christi, 1. II, c. xii, fin : Omnibus ergo perlectis et scrutatis, sit ista conclusio finalis : ijuoniam per multas tribulationes oportel nos intrare in régna m Dei.

Saint Ig.nacb, Exercices spirituels, II* semaine, fin : Il faut que chacun sache qu’il avancera dans les choses spirituelles à proportion qu’il se dépouillera le son amour-propre, de sa volonté propre et de jn propre intérêt. »

VI. Moralité de la Prière. Son efficacité. — suflil de croire à un Dieu bon, juste et puissant, )our n’avoir contre la prière aucune objection de principe. Un tel Dieu ne saurait se désintéresser des êtres raisonnables que nous sommes, et il est tout iturel — pour ne rien dire de plus — qu’il leur ait lénagé le moyen de lui faire parvenir, avec leurs liommages, l’expression de leurs besoins et de leurs lésirs. Ces besoins et ces désirs, sans nul doute, il es connaît ; le voeu de la nature ne peut l’offenser, pourvu qu’il soit respectueux de la loi divine et humle dans son expression. L’homme, qui a tout reçu le Dieu, ne doit ni oublier ses bienfaits ni lui re procher de l’avoir fait besogneux et dépendant. Assez de raisons lui persuadent qu’il nedéroge point à sa propre dignité en se faisant mendiant devant Dieu, et qu’il ne l’outrage point en lui exposant le fond de son cœur. Le chrétien a de plus les invitations positives à la prière, maintes fois réitérées dans l’Evangile et soulignées par des assurances où Dieu a engagé sa parole.

Mais la réponse divine tarde souvent ; parfois même elle semble faire complètement défaut, et l’homme, qui implore le ciel, est tenté de croire que le ciel est vide. De cette expérience incontestable et parfois angoissante, naissent toute sorte de doutes et d’objections contrela prière. Est-il bien sûr que Dieu l’entend ? S’il l’entend, comment peut-il être infidèle à sa promesse ? Serait-ce dureté ? Serait-ce impuissance ? Objections aussi vieilles que le christianisme. On a vu qu’Origène s’essayait à y répondre, et sa réponse n’est pas sans valeur. Nous devons à saint Augustin et à saint Thomas, entre autres, de nouvelles mises au point. Avant tout, il importe d’observer que, pour avoir un sens, la réponse doit être encadrée dans tout le dessein de la Providence (voir ce mot).

Il n’y a pas lieu de reprendre ici des développements amorcés à maintes pages de cet article ; mais l nous dégagerons l’idée centrale. Dieu conduit souverainement tous les événements de ce monde, sans être lié par aucune cause ni aveugle ni libre ; mais le suave gouvernement de sa Providence met en œuvre ces diverses causes selon leur nature propre, sans multiplier les coups d’Etat. Des coups d’Etat, il y en a, quand Dieu, pour des raisons dont il est juge, veut alarmer son souverain domaine par le Miracle (voir ce mol). Ce cas excepté, Dieu met en œuvre, dans le gouvernement de ce monde, les ressources propres de la créature, et la prière est l’une de ces ressources. Elle est même, dans l’ordre du salut, le grand ressort humain du gouvernement providentiel, et l’intelligence de ce fait renferme la solution de tous les doutes soulevés contre la prière.

Ce que Dieu veut, d’une volonté non pas toujours absolue mais toujours réelle encore que conditionnée, c’est attirer la créature raisonnable à sa fin dernière. Le moyen de tendre efficacement à la fin dernière, ce sera, pour la créature raisonnable, de se faire docile sous la main de Dieu parla remise de toutes ses énergies ; et cette remise n’est possible normalement qu’à l’homme qui prie. La prière que Dieu a promis d’exaucer est justement celle-là, qui tend droit à l.ii selon la ligne du salut. Elle obtient toujours la grâce, qui sera efficace pourvu que la libre coopération de l’homme ne vienne pas à se dérober. La prière qui poursuit d’autres fins, qui s’égare vers des fins prochaines, vers des biens terrestres, n’est pas la prière que Dieu a promis d’exaucer. Ce n’est pas qu’une telle prière ne puisse être agréable à Dieu et qu’il ne l’exauce souvent. Mais il l’exauce dans la mesure convenable aux fins supérieures de la Providence. Il n’a point de compte à nous rendre ; et parfois les fins supérieures de sa Providence s’accommoderont mieux d’un délai ou d’un refus. En présence d’une requête indiscrète, ou simplement trop humaine. Dieu seracommen’entendant point. Il montrera plus de miséricorde en refusant à l’homme les biens dont celui-ci pourrait mésuser. En ce cas, il agira comme un père qui refuserait à son enfant une arme à feu ou tout autre objet d’un désir peu convenable à son âge. Dieu pourra encore montrer plus de miséricorde en différant la réponse et obligeant la prière à se prolonger, en vue du profit immédiat de celui qui prie. Ainsi provoquera-t-il un approfondissement dans la connaissance expérimentale de sa dépen-