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PRIERE

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se mettra point en peine de passer outre. » Voir le H. P. H. ds Maumigny, S. J., Méthodes d’oraison des Exercices de saint Ignace ; Paris, Beauchesne,’9'7 L’observation précédente a son importance, la

préoccupation dominante de certains spirituels paraissant être de mettre les âmes en garde contre toute méthode d’oraison, comme si une discipline élémentaire avait pour effet de tuer la liberté de la prière et de paralyser les initiatives divines de l’Esprit. Heureusement la réalité reprend ses droits : l’expérience montre, dans l’inertie et la divagation, des écueils plus communément redoutables que l’ordre, et fait apprécier le bieirfait d’une éducation sommaire, sans préjudice des leçons profondes que l’Esprit saint donne à qui et quand il lui plaît. On réintègre donc, sous un nom quelconque, les méthodes d’oraison. Le danger est alors de s’arrêter à des expédients, qui peuvent être bons et pieux, mais qui, faute d’avoir la richesse et la souplesse des simples méthodes fondées sur la nature, servent moins et s’usent plus vite.

Marguerite Marie Alacoque, novice de la Visitation, ne sait pas faire oraison, et la maîtresse des novices lui dit : « Allez vous mettre devant Notre-Seigneur, comme une toile d’attente devant un peintre. » Elle obéit, et Notre-Seigneur accomplit, dans l’amante de son Sacré Cœur, les merveilles que l’on sait. La leçon est toujours actuelle ; mais elle ne dispense pas de se préparer avant la prière, si l’on ne veut tenter Dieu (Eccli., xviii, a3). Et puis, toutes les âmes ne sont pas Marguerite Marie.

Parmi les enseignements de sainte Térèse, il n’en est pas de plus appuyé que les avantages singuliers de l’oraison mentale pour toute sorte de personnes. Vie écrite par elle-même ; traduction nouvelle par les Carmélites du premier monastère de Paris, c. viii, t. I, p. 120-iai. Paris, 1907.

Quant à ceux qui n’ont pas encore abordé l’oraison, je leur demande, pour l’amour de Dieu, de ne pas se priver d un si grand bien. Ici. rien à craindre et tout à espérer. En elFet, quand bien même on ne ferait ni ces progrés ni ces efforts vers la perfection qui méritent les consolations et les délices accordéesauxparfaits, on apprendra du moins à connaître le chemin du ciel ; et si l’on persévère, j’attends tout de la miséricorde de Dieu. Personne, après lavoir choisi pour ami, n’a été abandonné par lui Selon moi, en effet, l’oraison moniale n’est autre cho^e qu’une amitié intime, un entretien fréquent, seul à seul, avec celui dont nous nous savons aimés. Mais je suppose que vous ne l’aimez pas encore, car seule la ressemblance d inclination rend l’affection vraie, l’amitié durable, et Notre Soigneur, nous le savons, n’a aucun défaut, tandis que nous sommes par nature vicieux, sensuels, ingrats ; or, vous vous jugez incapable déporter tant d’amour à celui qui a des inclinations si éloignées des vôtres. Eh bien ! que la perspective des précieux avantages dont son amitié sera nour vous la source, que la pensée du grand amour qu’ils vous porte, vous fassent surmonter la difficulté que vous éprouvez à rester longtemps en la compagnie de celui qui est si différent de vous.

Un autre enseignement capital, selon la réformatrice du Carmel, c’est que lésâmes même les plus favorisées de Dieu peuvent, la grâce divine s’éclipsant pour un temps, avoir besoin de revenir aux éléments de la vie spirituelle et particulièrement à la méditation de la passion duChrist, source de toute vraie piété. Ibid., c. xiii, p. 172-174.

Nous nous mettons à mé liter un point de la passion, par exemple Notre Seigneurs la colonne. L’esprit recherche la cause des cruelles douleurs, de l’extrême affliction que sa majesté endura dans un tel abandon ; il se livre à bien d’autres réflexions qu’un entendement actif déduit facilement, surtout s il est exercé par l’étude. C’est le mode d’oraison ar lequel doivent commencer, poursuivre et finir toutes

les âmes quo Dieu n’a pas encore élevées aux étals surnaturels ; ce chemin est excellent et très sur. J’ai dit toutes lésâmes. Il on est cependant un grand nombre qui trouvent plus de profita méditer des sujets autres que la passion. De même qu’il y a bien des demeures dans le ciel, il y a, pour y arriver, bien des chemins. A certaines personnes il est avantageux de se considérer en enfer, à d’autres, que cette seule pensée afflige, il est meilleur de se voir dans le ciel. D’aulros encore se trouvent bien de songer à la mort. Enfin il y en a dont le corur est si tendre que la méditation continuelle de la passion leur serait pénible ; pour celles-là, il y a consolation et profit a contempler la puissance et la grandeur de Dieu dans les créatures, et cet amour pour l’homme qui brille dans tous sesouvrages. C’est, du reste, une admirable manière de procéder, pourvu qu’on revienne souvent à la passion et à la vio de Jésus-Christ, sources permanentes de tout bien…

Sans doute, on ne doit jamais négliger la connaissance de soi-même, et il n’est pas d âme, lut-elle un géant dans la vie spirituelle, qui n’ait souvent besoin de retourner à l’enfance et à la mamelle. Il ne faut jamais l’oublier… Non, il n’y a pas d état d’oraison, pour élevé qu il puisse être, où il ne soit nécessaire de revenir souvent aux premiers principes. Dansle chemin de l’oraison, le souvenir de ses péchés et la connaissance de soi-même sont le pain avec lequel il faut manger tous les aliments, si délicats, et sans ce pain, on ne serait point nourri. Mais encore faut-il le prendre avec mesure… Notre Seigneur sait bien mieux que nous la nourriture qui nous convient.

V. Questionsactuelles — Le renouveau d’études mystiques auquel nous assistons a produit une floraison littéraire abondante et des échanges de vues plus ou moins fructueux touchant les voies supérieures de la prière. Le répertoire descriptif du R. P. Aug. Poulain, S. J., sur les Grâces d’oraison(i r’édition, 190 1 ; ioe, 19u3) avait éveillé ou satisfait beaucoup de curiosités. Le manuel du R. P. R. de Maumigny, S. J., sur la Pratique de l’oraison mentale (t. I, Oraison ordinaire ; t. II, Oraison extraordinaire, i ie éd., 1905 ; 10’, 1 916 et 1 9 18) fut pour beaucoup d’âmes l’instrument d’un progrès dans la vie intérieure. D’un point de vue plus spéculatif, divers auteurs ont écrit sur la contemplation mystique. M. le chanoine Saudreau, L’état mystique et les faits extraordinaires de la vie spirituelle, ae éd., Angers, iyai ; La vie d’union à Dieu d’après les grands maîtres, 3* éd., Angers, 1921 ; le R. P. J. G. Arinthro, O.P., Cuestiones misticas, Salamanca.igao ; leR. P. R. Garrigou-Lagrangb, O. P., nombreux articles dans La Vie spirituelle, années 1920 et suivantes ; Mgr A. Fargus, Les phénomènes mystiques distingués de leurs contrefaçons humaines et diaboliques, Paris, 1920 ; Autour de noire livre c Les phénomènes mystiques » ; réponses aux controverses de la Presse, Paris, 1922. A côté de ces travaux de portée doctrinale, il faudrait citer tel ouvrage proprement historique, comme celui de M. l’abbé H. Bubmokd, Histoire littéraire du sentiment religieux en France depuis la fin des guerres de religion jusqu’à nos jours, Paris, 1918-1922, 6 vol. ; ou psychologique, comme celui de M. M. de Montmorand, Psychologie des mystiques catholiques orthodoxes, Paris, 1920 ; ou immédiatement pratique, comme celui de Dom S. Louismet, O. S. B., ia Vie mystique, Paris, 1922 ; de nombreux articles de revues, soit consignés dans deux revues spéciales écloses à la lin de 1919 : La Vie spirituelle et la Revue d’Ascétique et de Mystique, soit ailleurs. Du R. P. L. de Ghandmaison, S. J., L’élan mystique, Etudes, t. CXXXV, p. 30g-335 (ig13) ; R. P. J. Maréchal, S. J., Sur quelques traits distinctif’s de la mystique chrétienne. Revue de Philosophie, t. II, p. /, 16-488 (1912) ; R. P. E. Hugubny, O. P., La docthinr mystique dk Tauler, Lievue des Sciences philosophiques et théologiques, t. X, p. 19^221 (1921) ; M. A. Tanquerey, S. S., L’oraison de